Plus que le choix du leurre sur lequel on a tous tendance à trop se concentrer, c’est souvent la façon de l’animer qui fait la différence pour capturer des farios. Or, avant même l’acte d’animation proprement dit, il convient de « choisir » un angle de prospection influant sur, voire conditionnant cette animation. Il s’impose souvent de lui-même, surtout en petit cours d’eau, mais lorsque cela est possible, n’hésitez pas à varier les approches en changeant le sens de déplacement du pêcheur par rapport au courant (vers l’amont ou vers l’aval) et la direction du lancer (de plein amont à plein aval).
Monter ou descendre ?
La logique veut que le pêcheur de truite pratique en remontant la rivière pour ne pas être vu par les poissons se positionnant la tête face au courant, prêts à inter cepter les proies qui dérivent. C’est une des bases de la pêche en eaux vives que l’on doit apprendre à tout débutant. Faut-il pourtant en rester là ? Assurément non, surtout aux leurres. Si l’intérêt de la progression en amont est irréfutable sur le plan de la discrétion d’approche, il l’est beaucoup moins au niveau de la présentation de l’esche et surtout du leurre, qui nous intéresse ici.
Le fait de se tenir en amont du poste permet de mieux soutenir la ligne et de ralentir la cuiller, le poisson nageur ou le shad près des caches potentielles. En général, les attaques sont alors plus franches. La technique du lancer s’affranchit le plus des contraintes de discrétion en permettant des « tirs » de loin, plus compliqués au toc ou en nymphe. Le leurriste est donc celui qui peut, a priori, pratiquer le plus souvent en descendant. Il faudra qu’il trouve un subtil dosage entre discrétion et présentation : pêcher en remontant le cours d’eau quand cela s’impose et le descendre chaque fois que cela est possible sans compromettre ses chances.
Plus concrètement
En torrent escarpé, la pêche en montant est incontournable ! Il faut utiliser les « escaliers » pour casser sa silhouette et il est plus simple « d’escalader » plutôt que de « désescalader ». En ruisseau ou en petite rivière, remonter est aussi fortement recommandé. C’est souvent dans ces milieux que les farios sont les plus méfiantes et les eaux les plus claires. Il y a parfois des opportunités de pêche aval en se tenant en retrait de la berge quand cela est possible (lire l'article « Avec Hugo Gaden, en milieu encombré, dans l’enfer vert ! »). En gros torrent, les contraintes de discrétion sont moindres, car la largeur et les eaux tumultueuses, profondes et parfois plus turbides, rendent le pêcheur moins visible.
L’approche vers l’aval est redoutable pour bien gratter près des gros blocs, mais les possibilités de déplacement sur les bordures ou dans l’eau sont parfois plus simples en montant. Il faut alors voir au cas par cas selon la configuration de la berge et la pente. En moyenne et en grande rivière (15 à 35 m de large), la pêche en descendant commence à prendre le dessus, surtout si l’on décide de sacrifier sa propre berge (voir schéma 2). On choisit alors la moins prometteuse des deux pour évoluer, puis on concentre sa prospection sur celle d’en face où se trouvent les frondaisons ou les berges creuses, par exemple. Rien n’empêche de temps à autre de traverser le cours d’eau si la configuration favorable s’inverse sur une portion substantielle. En très grande rivière, paradoxalement, il est de nouveau préférable de pratiquer en remontant, puisque c’est souvent sur sa propre berge et parfois très près du bord que l’on va piquer les beaux poissons. Comme il est impossible d’aller pêcher la berge d’en face, la discrétion de l’approche redevient prioritaire.
Quel angle de lancer ?
Une fois le sens de la marche déterminé, il faut se pencher sur les directions de lancer et les angles de récupération qui vont avoir de l’influence sur la trajectoire du leurre et sa présentation. Avec l’expérience, ces angles sont choisis quasi instinctivement au regard de la configuration des postes évidemment, en fonction du type de leurre, voire selon l’emplacement des farios quand elles sont repérables. En toute logique, on peut adopter un mode de prospection et s’y tenir, il est toutefois possible, et même conseillé, de les employer tour à tour lors d’une même session au gré des postes, des changements de leurre ou des conditions observées. Le sens de la marche est en général choisi pour toute la partie de pêche. Néanmoins, rien n’empêche, sur une portion de cours d’eau que l’on remonte, de faire un déplacement de discrétion en retrait de la berge pour ensuite prospecter cette même portion en descendant. Quant aux angles de lancer et de récupération, les alterner est une évidence quand la typologie des postes successifs varie fortement. C’est en procédant de cette manière que j’ai pris ma plus belle fario de 75 cm (lire l'article « Un superbe record personnel »). Et celle-là, il aurait été quand même dommage de passer à côté avec une prospection trop stéréotypée ! À bon entendeur.
Déplacement du pêcheur et axes des lancers
Les trajectoires du leurre en vert clair sont approximatives, car elles dépendent du type de leurre (cuillère, souple, poisson nageur…), de l’angle de la canne à la récupération et surtout de l’organisation des veines d’eau. Pour une question de lisibilité, nous n’avons pas représenté les lancers courts et très courts, quelle que soit leur direction. Ce sont souvent les premiers à tenter pour prendre les poissons qui peuvent être dans les pieds. Il en va de même des rochers et profonds qui influent aussi fortement les angles d’attaques.
Le lancer plein amont (A) Il fait évoluer le leurre quasiment en ligne droite, parallèlement à la berge. Il est intéressant pour prospecter une bordure prometteuse sans rentrer dans l’eau ou à peine (schéma 1). Parfois, il est judicieux de pratiquer au milieu de la rivière afin de pouvoir pêcher les deux berges alternativement et cela s’impose quand une abondante végétation rivulaire empêche tout cheminement sur le bord. Ce lancer a le mérite de faire passer le leurre bien creux, mais il demande une vitesse de récupération légèrement supérieure à celle du courant pour ne pas s’accrocher au fond. Il occasionne parfois des attaques avortées ou des ratés, surtout si le courant est régulier et rapide.
Le lancer trois quarts amont (B) Il offre un bon compromis entre discrétion et présentation et est très populaire. Associé à un cheminement en rive gauche pour un droitier et vice-versa, c’est le geste le plus naturel quand on lance en revers et que l’on a la tête tournée vers l’amont. Comme le pêcheur est en aval du point d’impact, il est peu visible des farios même en petit milieu, tout en offrant une trajectoire de récupération plus « courbée » que le plein amont, surtout si l’on laisse un peu descendre le leurre avant de mouliner (schéma 1). On peut s’appuyer davantage sur l’eau avec le leurre et ralentir la dérive en fonction des obstacles et des veines de courant.
Le lancer de travers (C) Il est aussi bien adapté à un déplacement du pêcheur vers l’amont que vers l’aval et c’est un très bon angle d’attaque. Il offre deux grandes possibilités de « dérive » du leurre. En ramenant vite et canne basse, on va faire passer celui-ci très creux, quasiment en ligne droite, perpendiculairement à la berge. En ramenant plus lentement et en jouant avec la hauteur du scion, il permet d’obtenir assez facilement à la cuillère (ou avec un poisson nageur non coulant) le fameux arc de cercle, si redoutable pour déclencher l’attaque des farios (schéma 1). Grâce à un lancer rasant, c’est celui qui permet le mieux d’aller loger le leurre sous les frondaisons (schéma 2). Il est toutefois un peu moins discret que les lancers précédents, car le point d’impact est face au pêcheur. À réserver aux cours d’eau avec un peu de largeur.
Le lancer trois quarts aval (D) ou plein aval (E) Quand les conditions sont difficiles, eaux froides de début de saison ou rivière surpêchée par exemple, les lancers vers l’aval peuvent permettre de tirer son épingle du jeu. Ils offrent de temporiser la dérive du leurre, voire de stabiliser celui-ci quelques secondes près de la tenue potentielle d’une truite. Encore faut-il que le pêcheur n’entre pas dans le cône de vision des poissons avant la retombée ou la mise en mouvement du leurre ! C’est tout à fait envisageable en prospectant la berge avec des modèles peu denses que l’on fera dériver vers l’aval (schéma 2), ou bien en progressant par « saut de puce » pour ne pas se faire repérer, puis avec des lancers assez longs trois quarts aval ou plein aval afin de surprendre les poissons.