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Depuis deux décennies, le panel de leurres disponible pour pêcher la truite s’est considérablement enrichi, comme le montrent les rayons des magasins de pêche ou les boutiques en ligne. Pour s’y retrouver dans cette multitude, il faut raisonner par grandes familles et garder à l’esprit que ce sont les caractéristiques physiques, visuels et vibratoires propre à chaque catégorie qui constituent les données essentielles à considérer, bien plus que la marque ou le modèle d’un leurre.
Les cuillères et leurres à palette
Alors que la cuillère tournante a perdu du terrain pour la pêche des carnassiers, son attractivité et sa popularité pour les farios ne se sont jamais démenties. Elle reste encore aujourd’hui le leurre à truite par excellence. En jouant sur les poids – de 1 g pour les pêches d’étiage à 18 g pour les très grandes rivières de piémont – la tournante est un leurre d’une grande polyvalence qui peut s’utiliser à peu près partout. Il existe deux grands types de cuillère tournante: avec étrier (type Aglia ou Vibrax) ou sans, comme les Panther-Martin ou les ARS (Smith). Elles sont complémentaires. Les premières ont un débattement large, elles produisent des vibrations et des flashs puissants capables de rameuter les farios de loin. Les secondes plus ramassées tirent moins, sont plus discrètes et pêchent plus creux. Elles sont mieux adaptées aux courants vifs et aux postes resserrés.
Le spintail est une autre forme de leurre à palette. Très utilisé pour la perche, il est également intéressant pour traquer les farios. Autrefois, des petits malins rajoutaient une chevrotine devant leur cuillère pour la faire pêcher plus creuse, aujourd’hui les spintails font cela très bien avec leur corps en plomb. Ils ont en plus l’avantage d’émettre constamment des signaux, contrairement à la tournante qui ne pêche pas à la descente. Les modèles intéressants pour la truite pèsent de 6 à 16 g et doivent être les plus compacts possible pour limiter les ratés.
L’ondulante appartient aussi à la famille des leurres métalliques mais elle ne fonctionne pas sur le principe de la palette tournante. Avec ses oscillations, elle offre une nage plus aléatoire et des signaux vibratoires moins puissants. Redoutable en plan d’eau et en lac de montagne, elle est encore relativement peu utilisée en eaux vives. On les différencie par leur galbe et leurs formes variées et c’est à mon avis en très grande rivière, avec des poids allant de 10 à 20 g, qu’elles sont les plus intéressantes. Les ondulantes tirent bien moins que les grosses tournantes et ont un coût de revient inférieur aux poissons-nageurs coulants lors des pertes, ce qui arrive régulièrement dans ces milieux vastes et profonds.
Les poissons-nageurs à bavette
Longtemps limités au célèbre Rapala, les poissons-nageurs ont relancé la pêche de la truite aux leurres à la fin des années 1990. Ils se démarquent des autres catégories de leurres par une conception plus technique et imitative qui « justifie » un coût plus élevé à l’achat. Pour être plus « tendance », leur nomenclature a été largement anglicisée. Les tailles standards pour les farios sauvages se situent entre 4 et 7 cm. Les minnows suspending et flottants sont aujourd’hui relativement délaissés par les pêcheurs de truite. Ils offrent toutefois des caractéristiques intéressantes pour le novice comme pour le pêcheur déjà aguerri. Souvent animés en simple lancer-ramener, ils sont plus faciles d’utilisation que leurs cousins coulants qui demandent une gestuelle plus maîtrisée. Leur capacité à se maintenir dans la pellicule d’eau ou en surface quand ils ne sont pas en phase de récupération est leur principal atout. Il est en effet possible de les laisser porter par les courants sans risque d’accrochage, tout en les suivant des yeux. Le Tiny Fry d’Illex est certainement le plus emblématique de ces poissons-nageurs.
Les crankbaits, également flottants, ont un corps beaucoup plus rondouillard et ils tirent fort. Ils sont conseillés quand les eaux sont un peu troubles et qu’il faut privilégier la provocation plutôt que la vision des truites. Leur caractère bruiteur est alors une arme supplémentaire.
Les longbills minnows émettent également de fortes vibrations, mais ils sont plus allongés et tirent un peu moins que les cranks. Leur longue bavette (longbill) leur permet de plonger rapidement et de rebondir au contact des obstacles avec des changements de direction redoutables pour faire craquer les farios. Les minnows coulants représentent la catégorie de poissons-nageurs la plus vendue. Cette popularité tient à leur belle efficacité sur les truites sauvages, mais également à un marketing qui l’est tout autant. Leur densité plus ou moins importante et leur forme bien étudiée, légèrement aplatie, sont particulièrement bien adaptées aux eaux vives. Peu efficaces en linéaire, ils offrent leur pleine mesure sur les animations saccadées et demandent donc une bonne maîtrise technique. Aussi performants soient-ils, précisons aux jeunes débutants qu’ils sont moins polyvalents et efficaces que les cuillères tournantes bien meilleur marché, comme l’ont prouvé les compétitions truite aux leurres où ils sont très rarement utilisés.
Les leurres souples
La pêche des salmonidés au « lancer » est historiquement associée aux leurres durs mentionnés précédemment et la montée en puissance des souples constitue un phénomène récent. J’observe d’ailleurs avec amusement une certaine forme de « conservatisme » chez les leurristes avec des réticences à franchir le pas. Les leurres souples sont devenus de plus en plus « consommables » par les farios et cette efficacité, qui n’a pas toujours été au rendez-vous, s’explique par la conjugaison d’une triple évolution: miniaturisation, fabrication avec des gommes de plus en plus tendres et saturation en attractant (voir article d’octobre 2023). Les souples présentent une palette de coloris encore plus étendue que les leurres durs et peuvent être subdivisés schématiquement en deux grandes familles: ceux qui possèdent un flap caudale (les shads) et les autres.
Comme les leurres à bavette, les shads sont censés imiter des petits cyprinidés d’eau vive ou des truitelles. Ils offrent toutefois des vibrations beaucoup plus discrètes et des possibilités de prospection plus lente qui les rendent plus aptes à pêcher en eaux froides: début de saison ou torrent de montagne par exemple. De 4 à 8 cm, ils sont montés sur des têtes de 2 à 7 g pour les configurations les plus courantes. Des coloris de plus en plus imitatifs sont désormais disponibles mais le blanc est aussi excellent. Leur faible durabilité face aux dents des farios, qui ont tendance à sectionner leurs queues, combinées au coût élevé d’un armement efficace (tête plombée de qualité + triple voleur), fait qu’ils ne sont pas aussi économiques qu’on pourrait le penser. Les microsouples tels que les teignes, les larves et autres créatures diverses sont les derniers venus dans l’arsenal à disposition. Ils ouvrent une nouvelle voie puisqu’ils jouent davantage sur le comportement alimentaire des farios que sur leur agressivité. Ils sont disponibles dans les gammes appâts artificiels (Berkley, Jig Power) ou dans les rayons dédiés au street fishing (Fishup, Crazy Fish, Volkien…). L’erreur la plus courante dans l’utilisation de ce type de leurre, aussi bien chez les débutants que chez certains pêcheurs expérimentés, est de choisir des créatures trop volumineuses et à la gomme trop dure. À partir de la mi-avril, il est important de ne pas dépasser les 2,5 cm, sous peine de multiplier les attaques avortées et les ratés. Elles seront montées sur des mini-têtes pesant de 0,5 à 2 g, équipées d’hameçons très piquants. En respectant ces recommandations, les microsouples sont imbattables en milieux restreints tels que les ruisseaux et les petits torrents. Ils sont aussi intéressants en rivière moyenne notamment quand les eaux sont basses, à condition de pêcher fin et dans les courants porteurs.
Les inclassables
À côté des grandes familles évoquées dans cet article, il existe aussi toute une série de poissons-nageurs atypiques susceptibles de capturer des truites. Ils peuvent être simples et sans bavette comme le BTK (Smith), articulés, à hélice comme le Spybait (Sakura), hybrides avec soit une palette, soit un chatterbait à l’avant ou bien encore avec un paddle à l’arrière comme le Powertail (Fiish). De toutes petites lames vibrantes ou des micro-spinners peuvent également séduire les farios. Aucun de ces leurres ne s’est toutefois révélé incontournable à ce jour. Les choisir relève donc davantage d’une démarche ludique que d’une stratégie performative pour le pêcheur.