C’ est sur une rivière du massif du Beaufortain, en Savoie, que Jonathan Ménétrier a décidé de me faire découvrir les joies de la pêche extrême. L’impressionnant déballage de matériel précédant la sortie me rassure sur le sérieux de l’aventure ! Casques, baudriers, cordes, longes, mousquetons divers, poignets d’ascension, piolets et grappin : tout est là, souvent en double voire en triple exemplaire.
La sécurité d'abord
La question de la sécurité est primordiale et, sur ce sujet, Jonathan ne laisse rien au hasard. «Le niveau de l’eau est idéal et la météo annonce la pluie en milieu d’après-midi, m’explique-t-il. Il est 6h30, cela nous laisse une bonne marge pour attraper quelques belles farios!» Après avoir remis du fil sur son moulinet et sélectionné quelques cuillers, il enclenche sa GoPro, referme son sac (15kg tout de même !) et, ultra-motivé, s’engage sur le sentier comme s’il allait affronter l’Everest. La marche d’approche est rapide. Une première grosse difficulté se présente : une vasque profonde et étroite suivie d’une cascade d’environ 5m avec des parois très lisses et un petit embâcle au sommet. Jonathan ne prend même pas la peine de prospecter le spot, trop accessible. «C’est là-haut que ça se passe, lance-t-il goguenard ! Mais d’abord il faut la clé de la serrure. Nous allons être tout de suite dans l’ambiance avec nage, escalade et grappin…» En 25minutes, l’obstacle est franchi, la pêche peut enfin commencer. Les trois premiers postes ne rapportent aucun poisson, au grand étonnement de notre Grenoblois qui avait pourtant bien réussi ici les années précédentes. Un second obstacle se profile : une cascade de 8m impossible à franchir à l’aide du grappin. Il va falloir contourner en montant sur le côté, au piolet, sur une pente hyper raide puis redescendre en rappel un peu plus loin pour ne prendre aucun risque. En fait, une sacrée opération qui va nous prendre près de deux heures !
Première truite
La pêche peut alors reprendre sur un secteur où très peu de pêcheurs ont dû venir. Après beaucoup d’efforts, une première fario est enfin capturée. De taille modeste, elle a attaqué rageusement une Aglia n°3. Cette prise rassure Jonathan. Second poste et second poisson, de 25cm cette fois, qui n’a pas hésité à suivre le leurre dans très peu d’eau. La session est lancée. Entre les couloirs, les vasques et les chaos de branches, la progression n’est pas facile mais se fait sans corde. Une nouvelle truite est prise dans un poste improbable où je n’aurais pas parié sur la présence d’un poisson. Après un ressaut, franchi difficilement, une nouvelle zone moins pentue et plus ouverte s’offre à nous. Et les poissons s’enchaînent les uns derrière les autres.
Canne basse
Tous les trous avec un peu de profondeur sont occupés. Cinq nouvelles prises entre 23 et 28cm sont ainsi capturées par notre sportif qui prend soin de pêcher canne basse pour passer lentement, le plus creux possible. Se profile alors un magnifique spot, très profond, créé par une grande cascade. Jonathan s’applique mais ne prend qu’un poisson modeste au premier passage. Il insiste néanmoins en laissant bien descendre son leurre avant de récupérer. Et cela paye enfin puisqu’il capture une autre truite qui dépasse cette fois légèrement les 30cm.
Un saut de dix mètres !
Il est quasiment midi et Jonathan m’indique que le contournement de cette cascade va nous prendre beaucoup de temps, sachant qu’ensuite il faudra faire tout le chemin en sens inverse. Il hésite car il n’a pas réussi à prendre le vrai beau poisson d’une quarantaine de centimètres qu’il m’avait promis alors que le temps devient menaçant. «Quand on hésite, il vaut mieux toujours renoncer, tranche-t-il, privilégiant la sécurité sur le reportage. En revanche, pour gagner du temps, on va passer par la rivière et il va donc falloir désescalader au niveau des cascades que nous avions contournées et faire un saut de 10m. On va se mouiller…» Disant cela, il me regarde avec un petit sourire en coin ! Trois quarts d’heure et quelques frayeurs plus tard, nous sortons du canyon, complètement rincés mais avec toutes nos dents. L’orage n’a finalement pas éclaté et Jonathan, increvable, n’a qu’une idée en tête : revenir !
De retour
C’est ce que nous faisons quelques jours plus tard, un peu en amont. Après une descente dans la pente et un petit rappel, la pêche recommence dans un secteur un peu moins sportif mais qui s’avérera plus poissonneux encore. Toujours à la cuiller, Jonathan capture un premier poisson maillé dans une belle gouille. Avec application, il peigne une énorme vasque barrée par un gros tronc, très prometteuse mais qui ne rapporte qu’une truite de moins de 20cm. Se présente alors la plus grosse difficulté de la journée : une montée de tronc au piolet ! Tout en muscle, uniquement à la force des bras puisque l’arbre est très glissant, notre champion réussi à franchir l’obstacle brillamment. Il me tend une corde pour faciliter ma montée.
Un beau final
La pêche reprend et c’est alors un festival. Dans chaque gouille, c’est une attaque franche ! Les farios sont dehors et déchaînées. Les décrochages sont nombreux car les postes sont courts et les truites ne ciblent pas toujours bien le leurre. Une douzaine de poissons, entre 23 et 30cm tout de même, sont capturés avant d’atteindre la passerelle repérée sur la carte. Il faut nous décider à rendre les armes… avec les honneurs !
Son matériel
- Sac étanche: Moldry (HPA) 40l
- Chaussures : Wild Water Pro (Bestard)
- Piolets : Anaconda Cup (Simond)
- Drone : Mavic 2 (DJI)
- Canne : Conolon 160 (Mitchell)
- Moulinet : Exceller 2000 (Daiwa)
- Nylon : Beast Master (Shimano) 18,5/100
- Épuisette: Lightnet (Pafex)
- Leurres : Aglia (Mepps) argent points rouges n°3, Vibrax (Blue Fox) argent n°4
Côté astuces
Drone
Avant de prospecter un secteur inconnu, Jonathan fait une reconnaissance avec un drone, à partir d’un point haut. Cela apporte des connaissances complémentaires par rapport à la cartographie déjà étudiée.
Tout-terrain
Pour bien franchir les cascades, Jonathan utilise une vieille canne télescopique en fibre de verre montée avec des anneaux en acier. Elle est constamment repliée et résiste aux chocs lors des lancers de sac. Le scion d’origine, trop fin, a été remplacé.
Porte-canne
Jonathan s’est bricolé un porte-canne, thermocollé et adapté spécifiquement à son combo. Grâce à deux larges fentes, il passe dans la ceinture ventrale du sac à dos et plus rien ne bouge.
Cartographie
Même s’il dispose de l’application Iphigénie sur son mobile avec laquelle il peut se repérer n’importe où sans connexion, Jonathan reste très prudent avec l’électronique. Il prévoit toujours d’avoir sur lui une carte IGN en version papier qu’il dispose à son poignet dans une astucieuse pochette étanche et transparente.