1. Soigner les approches
À la fin de l’été, après la fonte printanière, les torrents retrouvent des eaux très claires et les stratégies d’approche sont une des clés de la réussite. Une fario de torrent est souvent assez facile à prendre si le pêcheur ne se montre pas… mais encore faut-il y parvenir ! Comme la végétation n’est pas toujours abondante, voire se révèle complètement absente au-delà du fameux étage subalpin, il faut savoir utiliser le profil en « marches d’escalier » du cours d’eau pour demeurer invisible. On avance toujours vers l’amont et on reste dans la vasque inférieure pour prospecter celle du dessus, et ainsi de suite. Sur les secteurs de plateau sans dénivelé, il faudra attaquer les coups de loin et toujours essayer de casser le plus possible sa silhouette. À ce petit jeu de la discrétion, le leurriste, qui peut lancer facilement et à bonne distance, est plutôt avantagé.
2. Miser sur le souple
S’il y a un type de parcours où le leurre souple (sous toutes ses formes) peut faire la différence, c’est bien le torrent. Avec des eaux toujours plus froides qu’en plaine, les leurres souples aux signaux discrets sont souvent plus efficaces que les modèles durs qui jouent davantage sur l’agressivité des farios. Ainsi, en gros torrent, un shad avec caudale monté sur une tête plombée de 2 à 8 g peut remplacer efficacement le vairon manié, si performant sur cette catégorie de parcours. En torrent petit ou moyen, le microsouple (teigne, imitation de larve ou minuscule finess) monté sur une tête de 0,5 à 1,5 g, et qui joue sur le comportement alimentaire opportuniste des farios, est absolument redoutable et incontournable. Dans les Alpes du Nord, c’est clairement la technique montante de la jeune génération.
3. Ne pas finasser
Les farios de torrent, et plus encore les ombles de fontaine, ne sont généralement pas les plus chipoteurs. C’est davantage la stratégie des approches que le diamètre du Nylon qui va faire la différence. Et il y a donc tout à perdre – des leurres ou des poissons – à pêcher trop fin. En petit ou moyen torrent, il ne faut pas hésiter à utiliser un bon 18/100 en pointe ou du 16/100 si vous pratiquez entièrement en Nylon. En gros torrent, un 20, voire un 22/100, n’est pas déraisonnable surtout quand on prospecte avec de grosses cuillères tournantes. Ces diamètres sont beaucoup plus sécurisants lorsqu’il faut brider un beau poisson dans les bouillons ou quand il faut le soulever, configuration fréquente quand on pêche sur les blocs. Il n’y a peut-être que lorsque l’on pratique au microsouple, pour faciliter les lancers, qu’il faut descendre un peu en diamètre de fil.
4. Opter pour le pantalon de plongée
Avec leurs dénivelés conséquents, les torrents de montagne constituent des parcours particulièrement sportifs où la qualité de l’approche et la capacité à se mouvoir sont décisives. Dans ce contexte, le wader respirant, tenue habituelle du pêcheur de truite, n’est pas toujours bien adapté à la situation. Ce dernier, ou sa version « pantalon », présente plusieurs défauts: il ne donne pas la souplesse nécessaire pour escalader ou franchir les blocs, il n’amortit pas les chocs en cas de petite chute ou de coup sur les jambes et il n’est pas très adapté pour les marches d’approche ou de retour. Il est, enfin et surtout, bien trop fragile, ne permettant pas d’évoluer en mode « guerrier ». Le pantalon de plongée en néoprène de 2 ou 3 mm, destiné au sport aquatique type kayak ou surf, est très bon marché, bien plus pratique et quasiment increvable. À partir du mois de mai et jusqu’à l’automne, associée à des chaussures de canyoning, c’est la tenue du pêcheur de torrent par excellence selon moi.
5. Explorer les vasques avec méthode
La vasque est la configuration la plus fréquente en torrent. Elle se présente comme une cuvette dissymétrique plus ou moins profonde, à l’aval d’une petite cascade. C’est là que se concentrent les plus beaux sujets et tout le jeu consiste à bien les exploiter, dans le bon ordre. Quand les farios sont dehors, elles peuvent très bien se tenir juste à la sortie de la vasque, dans très peu d’eau. Ce sont les truites les plus difficiles à prendre, car elles sont ultra-méfiantes: un simple bruit ou un mouvement peut les faire déguerpir et fermer le poste. C’est toujours par là qu’il faut commencer, avec un lancer court et discret. Ensuite, il faudra explorer les deux côtés de la vasque qui sont les postes phares puis, seulement, la cuvette proprement dite, éventuellement en montant la marche et en pêchant plus court (voir point 9).
6. Jouer avec les blocs
Quand elles ne sont pas franchement dehors, ce qui est la configuration la plus fréquente, les farios de torrent sont cachées sous les rochers parfois fort creux. C’est donc sur la précision dans les lancers au ras des blocs, ou dans les recoins, qu’il faut concentrer ses efforts. Plusieurs passages sont parfois nécessaires pour être sûr de prospecter au bon endroit et à la bonne profondeur. Parfois, c’est même sous le rocher qu’il faudra promener son leurre pour faire craquer les truites : soit en effectuant un lancer rasant ou glissé, soit en portant carrément le piège avec la canne. Les gros blocs sont aussi un excellent moyen de se soustraire à la vue des poissons. Il faut savoir les escalader ou les contourner pour bien se positionner et ainsi prendre les belles sauvages à leur propre jeu.
7. Alterner les leurres durs
Les torrents d’altitude conservent des eaux fraîches toute l’année, mais au cœur de l’été ils parviennent à se réchauffer un peu. Les leurres durs ont alors leur mot à dire à côté des souples, surtout en pleine journée. En taille 4 ou 5 cm, le fameux minnow coulant, très imitatif et dense, est un leurre parfaitement adapté pour prospecter les vasques aux eaux limpides. En gros torrent, la turbidité est régulièrement plus importante et les stimulis d’une palette sont souvent plus efficaces. Pratiquer avec une grosse cuillère tournante sans étrier type Panther Martin de 6 à 12 g est alors préférable et moins coûteux en cas de perte. Dans ce même contexte, un spin tail de 10 à 16 g peut parfois faire la différence pour prospecter les fosses très profondes. C’est un leurre à palette, mais qui pêche plus creux encore. Plus généralement, l’ondulante qui coule vite et reste attractive à la descente est une bonne alternative à la cuillère tournante pour pêcher les cuvettes. D’autant qu’elle peut s’animer en lancer-ramener, comme sa cousine.
8. Choisir les bons créneaux
La turbidité et surtout la température de l’eau sont des paramètres importants de réussite à la truite. Or, à la belle saison, en torrent de montagne, ces facteurs peuvent varier très rapidement selon les moments de la journée, en lien avec des amplitudes thermiques très marquées. Contrairement à la plaine, le début de matinée n’est pas toujours le meilleur moment. Il faut souvent attendre que les premiers rayons de soleil tapent un peu sur le versant pour que les farios s’activent et soient agressives sur les leurres. Sur les torrents qui sont alimentés par des glaciers, il peut y avoir en revanche un très bon coup à jouer sur le créneau du matin: la fonte est alors limitée et les eaux sont encore claires. Dans les torrents de basse altitude, un orage estival est souvent une bénédiction pour activer les truites qui perdent alors leur méfiance quand l’eau se trouble un peu.
9. Pêcher court
Les prospections à gratter plus ou moins sous la canne ne sont pas à négliger en torrent. Elles permettent de prendre des poissons bonus, en complément des prospections plus classiques, dans l’axe du courant ou de travers. Elles sont basées davantage sur l’insistance que sur la discrétion de l’approche. Elles permettent régulièrement de faire sortir des poissons qui n’avaient pas quitté leur cache lors des premiers lancers effectués avec discrétion à partir de la marche inférieure. Les petits shads ou les microsouples sont évidemment particulièrement efficaces dans ce genre de configuration, mais l’ondulante ou les poissons-nageurs coulants très plats (flat minnow) ne déméritent pas. Avec une cuillère tournante, c’est un peu plus compliqué, mais pas tout à fait infaisable à condition de faire des « huit » avec le poignet pour activer la palette.
10. Ne pas hésiter à monter
En théorie, plus on monte en altitude, plus les conditions naturelles se dégradent et plus la lame d’eau se réduit. Et donc moins il devrait y avoir de belles truites. Dans la pratique, c’est souvent l’inverse qui se produit, car le milieu n’est pas le seul paramètre à prendre en compte. Tout d’abord, les conditions de reproduction et de survie peuvent s’améliorer avec l’altitude – jusqu’à un certain plafond, c’est vrai –, tout simplement car l’anthropisation (prélèvement d’eau, pollution, artificialisation…) a tendance à s’amenuiser. De plus, la pression de pêche baisse proportionnellement avec l’éloignement des points d’accès. Autrement dit: plus on monte, plus c’est sportif, moins il y a de pêcheurs qui passent et plus la capturabilité (voire parfois le nombre et la taille des truites) augmente. De même, au-dessus de la barre symbolique des 2000 m, ce ne sont plus tellement les conditions naturelles qui jouent sur le peuplement truiticole et sur sa structure, mais bien davantage la politique d’alevinage de ces secteurs originellement apiscicoles. Battre du terrain et gagner les sommets est donc souvent une option gagnante.