La pêche aux leurres, prise dans son acception large qui inclut mouches et nymphes artificielles, ne cesse de progresser parmi les amateurs de salmonidés, qui délaissent de plus en plus les appâts naturels, tocqueurs compris.
Délaisser les leurres
Cette grande convergence, très bien décrite par Marc Delacoste dans notre n°883, ne doit pas empêcher la nouvelle génération de leurristes, accros aux poissons-nageurs et autres leurres souples dernier cri, de revenir de temps à autre vers le naturel. Et cela d’autant plus que le matériel spinning d’aujourd’hui, très technique, offre de nouvelles opportunités. Il m’arrive donc volontairement de laisser mes leurres préférés à la maison et d’opter pour la pêche aux esches animales. L’intérêt évident étant de combiner la redoutable efficacité des appâts naturels à la maniabilité et au confort incomparable d’un ensemble canne-moulinet de moins de 300g. C’est particulièrement intéressant pour les pêches estivales en altitude. Les ruisseaux de plateau notamment se prêtent bien à cette approche. Les farios se nourrissant alors abondamment d’insectes terrestres (sauterelles, par exemple), les leurres durs sont quasi inopérants et les micro-souples occasionnent trop de ratés. Ces biotopes sont aussi souvent dégagés, avec des eaux très claires assez lisses et des poissons qui vous aperçoivent de loin. Un équipement ultra-léger présente alors un réel avantage sur le toc puisqu’il permet de lancer très en amont (10-20m) bien plus facilement, de manière à piquer les truites à l’impact, avant qu’elles vous repèrent.
Sous les branches
Ces mêmes cours d’eau présentent parfois des portions recouvertes d’une impénétrable végétation d’aulnes, où seul une minuscule canne peut passer. Il faut alors carrément s’infiltrer sous le couvert et faire des mini-lancers pour capturer des farios peu sollicitées et très mordeuses. Les petites rivières boisées de plaine offrent également un beau terrain de jeu pour l’ultra-léger, même si les leurres, et notamment les petites cuillers, sont aussi très efficaces sur ces parcours aux eaux plus réchauffées. Je privilégie enfin cette technique quand je pars en repérage sur un torrent inconnu, très sportif du fait de son fort dénivelé ou de son caractère très sauvage. J’ai alors besoin d’une extrême manœuvrabilité car il va falloir escalader des blocs ou franchir de puissants embâcles. Pas question donc de prospecter avec une canne toc ou vairon qu’il faudrait replier à chaque déplacement. Comme je découvre le parcours, j’ai cependant besoin de connaître précisément la population truiticole. Rien de tel que des esches animales pour ce genre d’inventaire. En revanche, soyons clairs, l’ultra-léger perd de son efficacité au fur et à mesure que la taille de la rivière s’agrandit, pour d’évidentes questions de contrôle de la ligne.
Simplicité
Autre atout de la technique : l’équipement est assez simple et ne demande pas un grand investissement au regard de sa rentabilité. La canne mesure entre 1,90 et 2,30m, selon la configuration du cours d’eau et les habitudes de pêche. Il faut éviter les cannes trop courtes qui rendent plus difficiles les dérives et réduisent les possibilités de pêcher sous le scion quand c’est nécessaire. La puissance doit être la plus light possible car il s’agit de propulser des poids parfois inférieurs au gramme. Beaucoup de marques proposent aujourd’hui ce genre de modèles dans les gammes truites, spinning UL, rockfishing ou Area, avec des puissances affichées de 0,50-1 g à 3-5 g pour la fourchette haute. Le moulinet, taille 1000-2000, est équipé d’un nylon de 14/100 ou d’une tresse fine, 13/100 maxi. Une petite boîte de plombs n°8 à 0, avec quelques chevrotines de 1 ou 2g, des hameçons à palette (n°14 à 6) et une bobine de 14/100 pour faire éventuellement une pointe. Les montages sont d’une grande sobriété, même s’ils peuvent varier en fonction de l’esche retenue (voir dessins).
Dans tous les cas, plombée et appât ne doivent pas être désolidarisés pour ne former qu’une seule et même masse (comme avec un leurre en fait) pour être lancés plus efficacement. Pour rajouter un peu de souplesse, j’utilise souvent trois plombs, en pinçant le plus gros près de l’hameçon, toujours pour des questions de précision du lancer. Le poids total de l’ensemble esche-plombée varie entre 0,20 et 2g selon le positionnement des farios dans la couche d’eau, le débit, la distance de lancer et le vent, critère décisif à l’ultra-léger car la faible longueur de la canne rend le contrôle de la bannière difficile.
Les bons appâts
Tous les appâts utilisés au toc sont intéressants. La teigne a ma préférence. On la trouve chez n’importe quel détaillant et elle se conserve sans grande précaution. Elle résiste assez bien au lancer, même si elle a tendance à se tasser sur l’hameçon en action de pêche. Rarement le meilleur appât du jour, elle est toujours bien placée quelle que soit la saison. Cette larve assez légère pêche aussi bien les poissons qui ont le nez en l’air que ceux postés à fond derrière les obstacles. Et sa couleur très claire facilite les pêches à vue comme aucun autre appât, ce qui est décisif à l’ultra-léger où la vision remplace souvent le toucher.
Un seul plomb
Le dendros est aussi très intéressant, surtout si les eaux sont légèrement teintées. Il est préférable au ver de terreau, trop fin et trop fragile pour résister aux fouettés répétés et au lancer-ramener. Lourd et volumineux, le dendros permet de pêcher plus creux et de gratter, ce qui peut parfois faire la différence. Il peut s’accorder avec le même montage que pour la teigne ou se piquer sur un hameçon lesté avec du fil de plomb (1,50g environ avec le poids du ver).
Moins pratique, la sauterelle est également un mets de choix pour les farios de ruisseau. Elle s’accorde très bien avec l’ultra-léger, puisque la maniabilité de la canne permet de multiplier des lancers rapides et hyper précis, au ras des buissons ou de la berge. Le montage se fait plutôt avec un seul plomb, le plus petit possible pour que l’insecte ne descende pas trop vite dans la couche d’eau mais suffisamment lourd pour atteindre le point visé et éviter que le vent n’accélère sa dérive. Les attaques des petites sauvages sont alors assez spectaculaires. Qu’on se le dise : émotions garanties !
La complémentarité
Même quand je pars pêcher aux leurres, j’emporte parfois avec moi une petite boîte de dendros ou de teignes. Quelques coulées au naturel en début de session permettent d’avoir plus d’informations sur le comportement des farios. Si je prends dans les premiers coups de ligne, cela me donne des indices sur le choix de mes leurres. Je sais que la pêche alimentaire sera rentable et si les leurres durs et agressifs ne fonctionnent pas, je saurai y revenir aux micro-souples. De même, en cours de pêche, il m’arrive parfois de faire quelques passées avec de vrais appâts, pour gérer un temps faible ou avoir plus de chance de prendre au second passage un poisson manqué au leurre. Je prévois toujours quelques hameçons et cendrées à cet effet.