Même si quelques illuminés en doutent encore, non seulement le changement climatique est déjà en cours mais il s’accélère nettement. Quiconque s’intéresse un tant soit peu à la nature le constate un peu plus chaque année. Et même si en France l’été 2021, relativement frais et arrosé, s’est écarté de la tendance récente pour le plus grand plaisir des pêcheurs de truites qui ont retrouvé des conditions de pêche estivales favorables, il a été paradoxalement le plus chaud jamais enregistré en Europe. Il ne faut pas confondre météo et climat, et une anomalie météorologique très localisée n’inverse pas une tendance. Le climat change, en France comme dans le monde, ce qui a des conséquences sur de nombreux aspects.
Dès l'ouverture
Mais si celles qui concernent nos milieux aquatiques sont régulièrement évoquées, d’autres qui agissent directement sur la pêche le sont moins mais sont pourtant bien réelles. L’une des premières est sensible dès l’ouverture. Depuis quelques années en effet, elle est globalement meilleure qu’elle pouvait l’être auparavant, avec toutes les réserves qu’il convient de garder sur un point aussi variable en termes d’années, de rivières, de région et de pêcheurs.
Bien grosses
Les eaux sont souvent moins froides et les truites plus actives, toutes proportions gardées, l’ouverture restant l’ouverture. On prend plus rarement ces truites maigres que l’on piquait habituellement il y a encore dix ou quinze ans. Les poissons font même parfois preuve d’un embonpoint surprenant pour cette période de l’année, témoignant d’une reprise d’activité précoce, vraisemblablement sous l’effet des périodes de redoux qui précèdent l’ouverture ces dernières saisons. Et ce constat est d’autant plus vrai sur les rivières de plaine ou de piémont, qui sont déjà naturellement les plus précoces.
Le trou d'avril
Et cela vaut également pour le début de saison dans son ensemble. Avril, par exemple, était jadis souvent craint, marqué par des retours de froid ou des redoux qui déclenchaient la fonte de neige de basse altitude. Deux phénomènes clouant littéralement la gueule des truites plus ou moins longtemps. Ce fameux « trou d’avril » est désormais plus rare et la pêche reste globalement bonne ce mois-là, à condition bien entendu de faire ce qu’il faut, tant sur le choix des secteurs, des rivières et des approches techniques à mettre en œuvre.
Moins d'eau
En revanche, si le début de saison était souvent caractérisé par des eaux fortes auparavant, c’est désormais moins le cas. Plusieurs de nos dernières saisons ont même vu des débuts d’année marqués par des niveaux globalement bas voire très bas. De sorte que les techniques dites alimentaires (toc, mouche) s’en sont souvent très bien sorties, contrairement aux approches incitatives (leurre, vairon) qui ont globalement plus souffert de ces conditions, dans une sorte de renversement de la valeur saisonnière de ces techniques. En revanche, on subit désormais souvent des épisodes chauds (30°C voire plus), précoces, parfois dès avril, régulièrement en mai, fréquemment en juin. Et ils ne sont généralement pas très favorables pour la pêche, ralentissant ou bloquant souvent l’activité des truites, qui n’apprécient guère ces périodes de chaleur, accompagnées d’une lumière intense et d’un air très sec.
Les eaux de fonte
Mais les deux changements les plus marquants ont lieu au printemps et en été. Le premier concerne la fonte de neige, moins intense en moyenne maintenant et plus courte. Fini ces longues semaines d’eaux fortes et grises, souvent très mauvaises, pendant lesquelles nous rongions notre frein… Ces dernières saisons parfois, c’est tout juste si on pouvait s’apercevoir de la fonte dans les Pyrénées ! La première raison, c’est évidemment un enneigement en baisse. Mais cet apparent effet bénéfique pour la pêche a un revers : des étiages plus précoces. Toutes les rivières de montagne, bénéficiant d’une fonte qui assurait leur débit jusqu’à la fin du printemps, voient désormais leur étiage avancé, sous l’effet de cette fonte plus précoce et moins intense. S’il fallait attendre le milieu voire la fin du mois de juillet pour que les débits des grandes rivières de montagne baissent suffisamment pour être très favorables aux techniques alimentaires, cette période survient désormais un peu voire nettement plus tôt selon les années.
Plus difficile
Quant aux rivières bénéficiant peu de la fonte de neige, elles connaissent elles aussi des étiages à la fois plus intenses et plus longs sous l’effet des sécheresses fréquentes et plus marquées. Dans ces conditions, la pêche devient plus difficile et les conditions estivales, rarement favorables, surviennent ainsi plus tôt et durent donc plus longtemps, amputant d’autant la saison, qui plus est de semaines auparavant favorables (fin mai et juin). Quant à la fin de saison, on enregistre plus rarement ces gros orages qui venaient recharger nos belles rivières à partir de la mi-août. Résultat : les niveaux demeurent fréquemment bas. Pour autant, cette période reste encore bonne, mais techniquement, plus encore qu’auparavant, il faut rester en mode été pour réussir, ce qui veut dire que la pêche y est un peu plus difficile. Enfin, dernier changement important: le vent. Sur certains secteurs, le vent est désormais à la fois plus fréquent et plus intense. Et c’est un problème pour toutes les pêches légères, celles où l’on pêche canne haute, soumettant la bannière à son influence. La mouche est bien sûr affectée, et particulièrement la pêche en nymphe. Mais le toc est la technique la plus pénalisée. Quand on pêche canne basse, comme aux leurres, on est moins gêné.
S'adapter
Généraliser est toujours délicat, et c’est le cas avec l’influence du changement climatique sur la pêche, tant les exceptions et autres cas particuliers peuvent être nombreux. Mais c’est un fait, le changement climatique a des répercussions significatives sur la pêche de la truite. Comme toujours, il faut s’adapter…
Retarder la fermeture ?
Ces dernières saisons, certains départements ont repoussé la date de fermeture en première catégorie au maximum de ce que le Code de l’environnement autorise, en faisant jouer les possibilités de dérogation pour permettre la pêche jusqu’à début octobre. Cela permet de gagner deux à trois semaines favorables et de compenser un peu les mauvaises périodes estivales auxquelles ces dernières années nous ont habitués.