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Harle bièvre : le ras-le-bol dans l'Ain

Tous les regards sont tournés vers le cormoran, mais un autre oiseau prédateur fait aussi des dégâts considérables: le harle bièvre. Ce canard piscivore est dans le collimateur de la fédération de pêche de l’Ain, qui se bat pour obtenir une régulation. Certaines AAPPMA sont résignées.

Benjamin Grosjean est employé par l’AAPPMA de la Vallée de l’Albarine depuis un quart de siècle, un technicien au chevet de la rivière. Mais à la fin de la saison, il quittera son poste. Le harle bièvre, installé depuis peu sur l’Albarine, a eu raison de son enthousiasme : « C’est 25 ans d’efforts anéantis en trois ans. La rivière, je ne veux plus en entendre parler. J’ai passé ma vie professionnelle, 365 jours par an, à courir après le braconnage, à faire de l’assainissement, à poser des kilomètres de canalisations, à expliquer aux gens, à travailler avec les micro-centrales… Tout ça pour nourrir des oiseaux piscivores. Le président de l’AAPPMA lui aussi posera sa démission à la prochaine AG. On a aucun remerciement. Vous avez des gens qui arrivent dans un système, qui n’ont jamais mis une paire de bottes et qui font accepter des choses. On ne peut plus lutter. La société est tombée sur la tête. L’avenir est derrière nous. »

Si les jeunes oiseaux se focalisent sur les petits poissons, truitelles et ombres, les adultes consomment des poissons jusqu’à 40 cm de longueur. Ce chevesne porte les cicatrices d’une attaque, il a eu chaud!
Crédit photo : Fédération pêche de l'Ain

Merci la LPO

Le cas de l’Albarine n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Le harle bièvre a visiblement été introduit en France par la LPO à partir d’oiseaux nés sur le lac Léman. Depuis, le seul canard au régime alimentaire piscivore s’est installé dans l’Ain, le Jura, le Doubs, les Ardennes, le Bas-Rhin. C’est une espèce protégée au niveau européen. Il n’a pas de prédateur (« à part un coup de 12, il n’y a rien qui l’arrête », souffle Benjamin). Avec son bec fin et crochu, il mange 3 à 400 g de poissons par jour. Et certains sujets jusqu’à 40 cm de long. « Il y a encore trois-quatre ans, on avait des biomasses de poissons conformes sur l’Albarine, soupire notre témoin. Mais aujourd’hui, les classes d’âge sont démantibulées. La majorité des poissons qu’on pêche font entre 35 et 60 cm. Tous nos poissons entre 15 et 35 cm ont disparu. Cela correspond à la prédation du harle ». Et les petits canetons sont vite autonomes et d’excellents chasseurs. Eux se nourrissent de truitelles et d’ombres. Une catastrophe pour les rivières, d’autant que l’oiseau colonise les têtes de bassin. Son expansion coïncide avec le confinement (Covid) et l’arrêt des tirs de cormorans. Seule la présence humaine le gênait un peu…

De l'anéantissement

L’Albarine a connu de grands travaux ces vingt dernières années, et garde malgré tout, pour le moment en tout cas, une excellente renommée auprès des pêcheurs. « On a mis des milliers de tonnes de blocs de cailloux dans la rivière, on a fait énormément de travaux sur le végétal et le minéral, on a créé des habitats, amélioré la qualité de l’eau et augmenté nos densités de poissons », énumère Benjamin. La rançon du succès et un rééquilibrage naturel ? « Non, là c’est de l’anéantissement, coupe le technicien. Le harle est une espèce invasive. On avait sur 30 km de rivière environ 80 hérons et une héronnière avec 40 nids à mi-parcours. C’est beaucoup, mais l’Albarine suffisait à produire pour cette espèce autochtone. Depuis l’arrivée des harles, la héronnière a disparu. Le harle arrive à faire concurrence. On ne voit plus de petits hérons. Il déséquilibre le milieu, il n’a pas sa place. Quand le frelon asiatique décime les populations d’abeilles, ce n’est pas normal. Quand le harle bièvre anéantit les populations de truites, c’est normal ».

Le conseil d’administration de la fédération de pêche de l’Ain est bien décidé à monter un dossier scientifique solide pour demander la régulation de cet oiseau ! 
Crédit photo : Fédération pêche de l'Ain

 

La fédé s'organise

Au niveau fédéral, on a pleine conscience de la problématique. Cela fait quelques années déjà que Nikola Mandic monte au créneau. Aujourd’hui, il est président de la fédération de pêche de l’Ain, a un conseil d’administration qui le suit et il peut faire entendre sa voix. Quand nous l’avons eu au téléphone, il revenait justement d’une réunion à Paris avec la FNPF : « Elle nous soutient dans nos démarches mais il y a un gros travail à faire pour être indéboulonnable devant les tribunaux, assure Nikola. Alors aujourd’hui comme pour le cormoran, il faut lancer un protocole robuste pour quantifier l’impact du harle, avec l’OFB et des scientifiques indépendants. Ça va nous coûter cher, mais on est prêt à mettre les fonds avec d’autres fédérations, avec la région, avec nos partenaires. Je préfère mettre l’argent dans le harle plutôt que dans des études sur une libellule ou un batracien ! »

Se faire entendre

Nikola Mandic est incollable sur le harle bièvre. Il déplore aussi l’extension constante du vilain canard et son introduction par la Ligue protectrice des oiseaux : « C’est insupportable car nous les pêcheurs, nous avons toujours été les gentils, les dindons de la farce. On doit toujours ne rien dire, se plier à tout le monde. Mais qui fait les pêches de sauvetage ? Qui signalent les braconnages et les atteintes aux milieux ? On fait tout le sale boulot… Et puis il y a des associations comme la LPO qui gangrènent toutes les instances possibles, elles vont au tribunal administratif, font la morale et la leçon à tout le monde. On en a marre et on ne se laissera plus faire. On fait des suivis thermiques, on aménage des habitats, on abat un travail considérable pour les poissons, pas pour nourrir des oiseaux qui viennent de Scandinavie! » Où il est autorisé des tirs de régulation, soit dit en passant.

Fiche d'identité

  • Nom latin : Mergus merganser
  • Nom anglais : Goosander
  • Répartition : Islande, Écosse, Scandinavie, Pays Baltes, Russie, Autriche, République tchèque, Suisse, France…
  • Identification: tête vert sombre et dos noir pour le mâle, tête et queue rousses pour la femelle. Becs minces et crochus.
  • Reproduction: mars/avril
  • Poids : 1300-1 900 g (mâle) et 1 000-1 400 g (femelle)
  • Nidification: jusqu’à 50 mètres de haut, le plus souvent dans les cavités des falaises calcaires ou des cavités d’arbres
  • Alimentation: poissons mais aussi quelques reptiles, batraciens, écrevisses, moules…

 

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