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Xavier Kosmalski, en mouche de mai

Après l’ouverture, l’arrivée d’« Ephemera danica » met à mal notre impatience tant cette période de mai-juin marque un rendez-vous prisé. Plus qu’un symbole, ce grand éphémère a souvent le don de mettre les belles truites en appétit dans des milieux que l’on ne soupçonnerait pas toujours. Xavier Kosmalski nous en fait la démonstration.

Symbole de notre pratique sportive, la mouche de mai n’est pas présente sur toutes nos rivières. Elle a besoin d’un substrat meuble, sablo-vaseux, conditionné à des secteurs lents, favorables au développement de ses larves fouisseuses qui mesurent environ 30 mm. La présence de ce grand éphéméroptère (40 mm avec les cerques) est un bio-indicateur. Comme beaucoup de représentants de notre diversité entomologique, cet insecte souffre de la pollution des sédiments et du colmatage organique des fonds liés, notamment, à l’artificialisation de nos cours d’eau.

Trésor caché

Nichée à la frontière de la Sarthe et de la Normandie, l’Orthe, dans sa tête de bassin, fait partie de ces nombreux petits cours d’eau méconnus, voire oubliés, qui comptent une belle population de truites fario sauvages. La « mouche de mai » reste une période bénie, une réalité bien ancrée qui coïncide avec une frénésie alimentaire qui pousse les plus beaux spécimens à perdre leur méfiance. Xavier Kosmalski la connaît bien « sa » rivière qui s’écoule paisiblement au creux d’une vallée sauvage et non moins escarpée. De sa fenêtre, il en devine les méandres soulignés par une épaisse végétation ripisylve. « La présence de la mouche de mai n’est pas synonyme de grande rivière. L’Orthe fait 3 à 5 mètres de large. Elle roule des eaux limoneuses encore exemptes d’agression. Le relief fait ici office de barrière à l’agriculture intensive et à ses méfaits. La densité de population est par ailleurs faible, ramenée à quelques hameaux ceints par des forêts et des pâtures naturelles qui s’étendent à perte de vue. Je me sens privilégié de vivre dans un tel environnement. La rivière est généreuse. Pour rien au monde, je ne raterais cette période de fin mai, début juin, qui, dans cette région septentrionale, marque vraiment le début de la pratique de la mouche de mai. » C’est l’époque où Xavier saute dans ses waders quotidiennement, seulement une heure ou deux parfois, pour peu qu’il arrive à se synchroniser avec le bal d’Ephemera danica.

Observation, discrétion, le choix du placement face à une truite en activité est gage de succès.
Crédit photo : David Gauduchon

Décryper les éclosions

Comme toujours à la pêche, il y a la théorie et la réalité. « Certaines années, les éclosions sont plus ou moins massives. Les crues hivernales jouent pour beaucoup je pense. Les sauts de températures aussi : le printemps est parfois précoce, puis la première quinzaine de mai connaît un refroidissement qui cale tout. Lorsque les mouches de mai sont installées, il n’est pas toujours facile de cerner le rythme et le pic des phases d’éclosion, cet instant magique où la larve nage jusqu’à gagner les bordures calmes et peu profondes avant que son enveloppe nymphale se déchire. Cette phase déclenche généralement une forte activité des truites qui se gavent littéralement entre deux eaux jusqu’à venir aspirer goulûment le subimago qui s’est extrait du film. Plus facile à appréhender, par définition, est la phase où l’insecte femelle vient déposer ses œufs en surface. Les truites sont parfois comme folles. Elles perdent toute méfiance jusqu’à sauter hors de l’eau afin de s’en saisir. Comme tout pêcheur, j’ai pu parfois les observer au comble de leur perversité, par exemple, quand elles ne s’intéressent qu’à un insecte dérivant qui bouge ses grandes ailes en triangle. La pêche rend humble, il y a des moments où il faut savoir poser la canne ! »

Un choix restreint d’imitation mai qui répond aux différents cas de figure rencontrés sur un cycle d’éclosion.
Crédit photo : David Gauduchon

En action

Il a plu cette nuit et l’eau s’est piquée. Xavier décide de se rendre sur « sa » rivière qu’en début d’après-midi en espérant une éclaircie annoncée pour les prochaines heures. « Hier en fin de journée, ce fut un festival. J’ai piqué plusieurs beaux poissons en sèche. Sur cette rivière, au-dessus de 30, c’est déjà une très jolie truite, une 40 est un poisson trophée. Elles étaient rondes comme des ballons de rugby. Autant dire que l’activité bat son plein depuis quelques jours. Je ne sais pas encore si l’eau teintée va interrompre le cycle d’éclosion ou caler les truites ? L’air est doux et le niveau semble être resté stable. Tous les espoirs sont permis » s’interroge Xavier tout en vérifiiant sa pointe en 18 centièmes. Rien ne sert de finasser selon lui. Le milieu est encombré, les truites combatives. Mieux vaut soigner la qualité de la présentation. « Mon choix se porte sur un bas de ligne à nœud. J’utilise une soie naturelle de 4, donc le premier brin sera en 40 centièmes. Je fais ensuite une dégressivité jusqu’aux 20 centièmes, de 10 cm à chaque fois. L’élément le plus important est ensuite la porte-pointe, d’une longueur de 50 cm, ce qui casse la dégressivité et sert d’amortisseur pour la pointe, proprement dite, 1 m environ, en descendant rarement en dessous de 16 centièmes. C’est un câble de précision et l’utiliser à l’arbalète avec ou sans la soie est redoutable. Pour une pratique en subsurface ou en nymphe, il m’arrive d’allonger alors la pointe. Mon bas de ligne n’excède pas 2,50 m en accord avec ma canne courte de 6 pieds » précise Xavier qui pour l’instant observe des cohortes de mouches de mai qui sont posées sur la végétation rivulaire. Pour l’heure, pas d’activité sur l’eau.

La dextérité et la qualité des lancers, a fortiori avec de grosses « bouchées », nécessite de pêcher près
Crédit photo : David Gauduchon

En nymphe

Xavier connaît bien son parcours, long de 9 km. Il a choisi la partie médiane qui présente un linéaire plus ajouré pariant sur la luminosité pour déclencher une éclosion. C’est donc avec une grosse nymphe de mai articulée qu’il peigne les veines d’eau en bordure, le long des amortis et des structures. Plutôt qu’une pêche traditionnelle au fil, il lance son imitation amont ou légèrement 3/4 et récupère l’excédent de soie selon la vitesse du courant, en la « strippant » parfois afin d’actionner son corps articulé. Une approche peu orthodoxe certes mais qui paie à en juger par cette belle truite qui se laisse conduire à l’épuisette sous un rai de lumière. Deux autres, plus petites, se laisseront séduire par cet artifice, preuve de son efficacité. « Sur certains postes, caractérisés par une fosse, il m’arrive de laisser ma nymphe au fond et de lui faire faire de petits bonds voire de la dandiner. Les truites sont parfois sensibles à cette animation, les barbeaux qui colonisent certains secteurs aussi ! » confie Xavier qui n’est pas le dernier à tordre le cou à la théorie.

Cette toute belle prise sur une nymphe de mai articulée, en début de session, est de bon augure
Crédit photo : David Gauduchon

Que la fête commence

Au fur et à mesure que l’après-midi avance, les mouches de mai virevoltent de plus en plus nombreuses dans le ciel qui s’est éclairci. En pêchant l’eau, il s’applique à faire dériver son émergente dans la pellicule le long d’un radier. Il ne s’attarde pas sur un poste, deux ou trois passages et il continue lentement sa progression. « Rien ne sert de marcher sur les truites, je sais les postes occupés. Mieux vaut attendre le moment propice » ajoute-t-il tout en amorçant un revers pour placer son émergente de mai sur la bordure de gauche. La stratégie est payante. Un remous, c’est au bout ! Encore une jolie truite de 35 cm environ qui défend chèrement sa peau. Sur à peine 15 mètres de linéaire, c’est ainsi trois autres truites qui vont ainsi succomber tandis que de plus en plus de subimagos pointent le bout de leurs ailes au fil de l’eau. Fin d’après-midi, le bal de mouches de mai prend place, rythmé par ces fameux vols pendulaires devenus par ailleurs trop rares. Le spectacle est aussi sur l’eau. Les gobages s’intensifient, les belles prises aussi. Xavier Kosmalski est tout à son affaire à moins qu’il ne soit aux anges

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