La pêche de la truite, qu’elle se pratique au toc, au leurre, à la mouche ou au vairon, est traditionnellement une approche plutôt solitaire. Mais les comportements changent et les amateurs de salmonidés, notamment les leurristes, ont eux aussi envie de pêcher entre potes et de « partager » ces sorties sur le terrain. Les pêcheurs au coup, qui adorent les concours en « américaine » ou les spécialistes du carnassier en bateau, qui pratiquent très régulièrement en binôme, savent très bien le faire. Ils arrivent même à en tirer parti pour améliorer leurs performances. C’est également possible en première catégorie, à condition de bien penser sa stratégie en fonction des parcours choisis.
Côte à côte
C’est une pratique bien adaptée à la prospection en grandes et très grandes rivières pour les pêches au lancer notamment, qui sont d’ailleurs régulièrement les plus performantes. Dans ces milieux, les postes sont souvent peu marqués et les poissons peuvent être un peu partout. Tout seul, même en étant très appliqué, on n’est jamais certain de faire passer son leurre ou son vairon près des caches ou des postes de chasse potentiels, souvent invisibles. À deux voire à trois, on ratisse plus « serré » et on multiplie les chances d’attaque. Le plus efficace est alors de pêcher en descendant la rivière en se tenant à quelques mètres l’un de l’autre. Parfois c’est le pêcheur situé le plus en amont qui pique la truite, preuve que le « ratissage » fonctionne. Dans la majorité des cas c’est celui qui est à l’aval et qui effectue le fameux premier passage qui a le plus de touches. Aussi, il est conseillé d’alterner l’ordre des pêcheurs régulièrement.
En mode « compet »
Si la pêche de la truite n’est pas celle qui se prête le mieux à la compétition, il est parfois sympathique et amusant, quand on va pratiquer entre copains, de faire des petits matches. C’est à qui attrapera le plus de farios sur sa berge ou sur son secteur balisé, par exemple. Quand on pêche à une seule canne, toutes sortes de défis ludiques peuvent être lancés : comparer les ratios touches/poissons pris ou chronométrer le temps moyen de capture par pêcheur, etc.
En lac aussi
La pêche côte à côte est également intéressante en lac de montagne, si tant est que celui-ci soit de taille assez conséquente, sinon on l’épuise très rapidement. Que ce soit à la bombette, au leurre, au vairon, la technique phare, ou à la mouche, le premier défi en lac est souvent de trouver sur quel secteur se localisent les salmonidés et, secondairement, avec quoi et à quelle profondeur ils mordent. Dans ce contexte-là, une pêche d’équipe à deux ou trois peut permettre de gagner du temps. D’abord on s’éparpille un peu puis, une fois la bonne arrivée d’eau ou le hot spot identifié, on pêche en éventail, plus serré, plus appliqué, de façon plus insistante et en confiance avec le bon leurre ou l’appât du moment. En sachant tout de même qu’en lac d’altitude, les conditions de pêche changent très rapidement avec la luminosité ou le vent et qu’il faudra revoir assez vite la copie.
La balise
En petite rivière, torrent ou ruisseau, les contraintes ne sont pas les mêmes et la discrétion est un facteur déterminant de réussite, bien plus que la technique ou le matériel. La pêche côte à côte n’est pas la bonne option et j’utilise donc très régulièrement la combine de la balise qui peut être adoptée avec toutes les techniques : leurres, toc, nymphe. Elle permet de pêcher seul mais tout en étant deux ! Le premier pêcheur commence sa session à un point donné et le second quelques centaines de mètres en amont, en prenant soin de laisser une balise bien visible (chiffon blanc ou morceau de gilet haute-visibilité) au point de départ. Quand le premier atteint le repère, il le prend et rejoint rapidement son compère par la rivière ou la berge. Il lui raconte alors ce qu’il a pris et de quelle manière, puis il laisse à son tour une bonne portion de rivière, en montant par la berge afin de ne pas apeurer les poissons. Il dépose à son tour le marquage puis recommence alors sa prospection et ainsi de suite. C’est un peu moins convivial que la pêche côte à côte, car les échanges ne se font que lors des jonctions, mais il y a deux avantages.
Pour ceux qui ont besoin de concentration pour pêcher juste, c’est mon cas, cela permet d’avoir des moments « d’intimité » avec le cours d’eau et les farios, tout en étant quand même rassuré dans des ambiances parfois hostiles. C’est aussi un bon moyen de battre beaucoup de terrain, y compris avec les techniques lentes comme la mouche ou le toc et donc d’atteindre des secteurs plus éloignés des ponts, là où la capturabilité est souvent meilleure. Cette combine atteint toutefois ses limites dans certaines situations. Elle est difficile à mettre en œuvre si les berges sont ultra-sportives où s’il est vraiment très difficile de passer par les côtés dans les secteurs de gorges ou torrent à très fort dénivelé. Il en va de même dans les cours d’eau très plats ou à l’étiage, avec des postes peu nombreux, où on va passer plus de temps à marcher qu’à pêcher. Mieux vaut alors opter pour la pratique suivante.
Une seule canne
Partir avec une seule canne pour deux pêcheurs est une excellente manière de « partager » pleinement sa partie de pêche. Aucun des deux amis ne sera tenté de passer devant (tropisme bien compréhensible à la truite) et c’est souvent l’occasion de bons moments de camaraderie lors des prises, ou des ratés d’ailleurs. C’est aussi l’option la plus intéressante quand le niveau des pêcheurs est différent. Cela permet au plus aguerri de donner des conseils, voire d’apprendre une technique nouvelle, à un ou des amis. Elle est parfaite quand on veut ramener de belles photos d’une session. L’un des deux pêcheurs a toujours les mains vraiment libres pour réaliser de belles images. C’est aussi très pratique au toc quand on a décidé de prospecter avec des appâts prélevés sur place, des sauterelles ou des porte-bois par exemple. On évite les problèmes de conservation de ces esches fragiles et cela rend la pêche très ludique puisque chacun a sa tâche en quelque sorte. L’un capture les truites, à la sauterelle ça peut aller très vite, et l’autre les appâts et vice-versa. Un vrai travail d’équipe pour le coup !
En alternance
On peut faire varier légèrement l’option en amenant deux cannes mais avec toujours un seul pêcheur en action au même moment. Les enchaînements se font alors très rapidement et toutes les combinaisons ou complémentarités sont alors possibles. Il peut s’agir de deux leurres différents : un poissonnageur ou une cuiller pour jouer sur l’agressivité et un autre au microsouple pour gratter plus lentement. On peut associer pêche au toc aux appâts naturels et toc-nymphe, ou encore pêche au leurre et pêche au vairon...
Chacun sa berge
En cours d’eau relativement large, une dernière possibilité est envisageable. Vous pouvez pratiquer de part et d’autre de la rivière. C’est intéressant et parfois très efficace quand les farios et les postes sont concentrés sur les bordures. Rien n’empêche, si les niveaux sont suffisamment bas, de traverser régulièrement pour aller faire quelques photos ou simplement inverser si les deux berges ne sont pas aussi poissonneuses. En action de pêche, pour que tout se passe bien, il faut que chaque compère trace grossièrement une ligne rouge virtuelle au milieu de la rivière à ne pas dépasser. Il faut également, si possible, que chacun évolue à peu près à la même vitesse car, pour l’avoir souvent expérimenté, quand on est trop en avance il est toujours tentant d’aller chiper les farios de la berge d’en face. Or quand on partage, on partage jusqu’au bout, n’est-ce pas ?
Nos conseils pour éviter les galères
J’ai connu quelques déconvenues lors de sessions truite à plusieurs. Voici donc mes conseils pour les éviter :
- choisir un partenaire qui aime « partager » et qui n’a pas toujours tendance à vouloir pêcher le premier, à la longue ça peut agacer ;
- ne jamais s’engager à l’improviste dans un affluent sans en avertir votre ami qui se trouve en aval. Il risque de vous chercher longtemps sur le cours d’eau principal ;
- pêcher avec un ami qui a grosso modo la même vitesse de prospection que vous : s’il est trop lent vous risquez de poiroter et s’il cavale vous allez passer votre temps à lui courir après ;
- s’assurer, pour les parcours sportifs, que votre partenaire est à peu près du même niveau athlétique que vous ;
- garder toujours son téléphone portable allumé ou prévoir des talkies-walkies, ça peut vraiment servir !