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Ombres : spécimens d'automne en sèche

L’automne est la période idéale pour rechercher les gros ombres en sèche, d’autant plus que ces derniers s’installent souvent sur des postes bien particuliers, difficiles à exploiter en nymphe au fil ou en noyée. Voici quelques pistes pour réussir dans cette quête

Nous ne parlons ici que de la pêche des ombres en grandes rivières et les observations que nous faisons concernent principalement la Dordogne dans ses parties lotoise et corrézienne, même si elles sont assez proches de celles que l’on peut faire ailleurs, en France et à l’étranger. Entendons-nous d’abord sur l’appellation de gros ombres. Il s’agit pour nous de poissons dépassant les 40 cm ou plus volontiers les 45 cm. Quant aux poissons de 50 cm et plus, ils restent rarissimes, y compris dans les cours d’eau puissants comme la Dordogne. Avec quelques amis habitués de cette rivière et spécialisés dans la recherche de ces gros spécimens depuis déjà longtemps, nous n’en avons comptabilisé qu’une petite quinzaine sur plus de 1 000 poissons mesurés. J’invite d’ailleurs les moucheurs qui parlent volontiers de capture de « 50+ » à mesurer effectivement leurs gros poissons avant de dire qu’ils ont pris un « 50 et quelques ». Pour mémoire, sur cette rivière, les deux records à la mouche sont détenus par Jean-Marc Koffi, avec deux poissons de 62 et 63 centimètres, tous deux pris en sèche. Tous les autres records annoncés, plus ou moins délirants, sont le fruit de l’imagination malade de quelques vantards qui n’ont du reste jamais apporté la moindre preuve de leurs « exploits » (le mètre ruban et la photo !).

Les gros ombres sont plutôt discrets. Il faut donc profiter de ces journées où ils viennent enfin gober
Crédit photo : Didier Magnan

Des poissons discrets

En été, ces gros ombres restent très discrets, se calent dans les trous très profonds et calmes des secteurs enrochés et souvent situés à l’ombre des grands arbres, ou naviguent dans les courants vraiment profonds et moyennement rapides. Ils ne s’activent guère en surface et, sur certains postes bien connus des spécialistes, ils donnent même l’impression d’avoir disparu. Si dans les courants peu profonds et vifs, on continue de réaliser en cette période estivale quelques belles pêches d’ombres de 30 ou 35 centimètres en nymphe au fil, il est bien rare, dans ces secteurs, de tomber sur un gros ombre à ce moment de l’année, alors que l’on pourrait s’attendre à ce que ces gros pépères viennent y chercher de la fraîcheur. On en trouve en revanche encore quelques-uns dans les courants assez vifs et très profonds qui obligent à sortir de nos boîtes la grosse cavalerie (javis de 0,5 g et plus, perdigones et nymphes « naturelles » montées sur des billes en tungstène de diamètre 3,2 ou plus). Mais même sur ces secteurs où l’on en prend quelques-uns en début de saison et parfois en octobre, ils semblent bien rares pendant les mois de juillet et d’août.

Les grands courants peu rapides des rivières larges sont les meilleurs.
Crédit photo : Didier Magnan

Changement de comportement

Dès que la fin de l’été approche, et parfois même dès la fin août, les gros ombres changent de poste et de comportement. Cela peut être dû à un changement de la température des eaux avec des nuits un peu plus fraîches, mais je reste convaincu que la baisse de la lumière et le raccourcissement des jours jouent un rôle plus important encore. Les gros ombres se déplacent et s’activent alors de nouveau dans les zones assez lentes et profondes des grands lisses et dans des secteurs assez « atypiques » pour les non-initiés, calmes, presque morts entre les gros blocs rocheux par exemple. Ils s’y nourrissent la plupart du temps à proximité du fond et les vieux habitués qui pratiquaient (ou pratiquent encore !) au « ver d’eau » ou à l’asticot depuis une barque, connaissaient parfaitement ces postes et ces habitudes, et prenaient beaucoup de gros et très gros ombres. Il est impossible d’exploiter correctement ces postes en nymphe au fil, telle qu’on la pratique aujourd’hui, surtout lorsqu’on pêche en waders. Sur de tels postes, que l’on a du mal à approcher à moins de 10 ou 15 mètres, la profondeur de l’eau peut dépasser trois ou quatre mètres, et le courant est lent, avec quelques tourbillons en profondeur. Conduire une dérive correcte en nymphe dans ces conditions est tout simplement impossible. Certains amis s’y essaient parfois à partir de canoës ou en s’installant sur de grosses dalles ou des rochers surplombant ces postes, mais les résultats qu’ils obtiennent ne sont pas franchement probants. En revanche, de temps en temps, ces gros pépères viennent gober en surface. Et c’est là qu’un pêcheur en sèche peut avoir la chance « d’atteler » un de ces « tout gros ». De telles opportunités se présentent finalement plus souvent qu’on ne pourrait le croire, dès la fin de l’été, comme on l’a dit, ou plus fréquemment en milieu d’automne, parfois en toute fin de saison après les premières gelées matinales. Avec un de mes amis, nous avons ainsi fait un triplé de 50+ (jour béni!), il y a quelques années en novembre, vers Port Magali, sur la Dordogne. Au fil des ans, nous avons « découvert » quelques-uns de ces postes magiques à gros ombres où seule la sèche peut apporter parfois des résultats intéressants.

À partir de 45 cm, l’auteur considère qu’un ombre est un gros spécimen. Notez la taille de cet étendard!
Crédit photo : Didier Magnan

Postes profonds

Je dirais que tous ces postes ont des points communs et sans aller jusqu’à affirmer que l’on peut en établir le portrait-robot, je pense qu’il est intéressant d’en préciser quelques caractéristiques. Tous sont des postes profonds, 2 m 50 au minimum. Je n’ai jamais pris ni vu prendre un ombre de 50 cm sur un poste peu profond (sauf en période de reproduction mais c’est une exception pour ne pas dire une honte!). Il peut s’agir d’un courant lent et assez large le long d’une berge, ou plus volontiers d’une profonde cuvette en fin de lisse, juste avant une zone « morte » ou en tête d’un grand courant peu rapide. Tous sont des postes relativement lents, voire très lents. À ce propos, je me souviens d’un groupe de moucheurs du Gers qui ont renoncé à tenter leur chance sur un de ces postes « à gros » alors que quelques gobages crevaient la surface. Ils étaient persuadés qu’il s’agissait de chevesnes et « n’étaient pas venus pour cela ! » La suite prouva qu’ils avaient eu tort de ne pas essayer, les « gros totoches » étaient de sortie ! Bien souvent, ces postes sont environnés de blocs rocheux assez massifs ou de dalles rocheuses. La plupart du temps, les sédiments sont fins ou très fins, et l’on est alors assez loin du poste typique « à galets » décrit dans les livres. Il s’agit plutôt de graviers fins, de sable, parfois même mélangés à de l’argile.

Sur une longue pointe fine, attention à la bagarre avec un bel étendard
Crédit photo : Didier Magnan

Choix de la mouche et approche

Comme bien souvent pour les autres pêches en sèche, les conditions les plus favorables se présentent les jours sans vent, lorsque le ciel est couvert. Une première opportunité à ne pas manquer est la présence des fourmis ailées. Lorsqu’elles tombent en masse sur la rivière à la fin de l’été ou durant le mois de septembre (il y en a même jusqu’en octobre depuis quelques années), il est temps de rejoindre les spots à gros ombres. Ils aiment ces hyménoptères au moins autant que les truites, et le choix de la mouche est alors simple, évident ! Attention toutefois à proposer la bonne couleur et la bonne taille. La deuxième situation où l’on ne rencontre pas de problème particulier pour choisir la mouche correspond aux éclosions des petits baétidés de deuxième génération en octobre et novembre. Il peut s’agir de baetis rhodani ou baetis vernus (les « petites olives ») ou de baetis niger. Parfois, les gros ombres sont pénibles et ne ciblent que certains stades (les subimagos en général), voire un seul sexe (subimagos femelles anthracite en particulier). Si vous n’êtes pas monteurs, vous trouverez d’excellentes imitations chez AB Fly ou Florian Stephan par exemple. Le choix est également assez simple lorsque vous repérez les gobages dans des zones très calmes, en l’absence de fourmis ou de baetis : les gros ombres sont sans doute attablés sur des chironomes. Utilisez alors les modèles désormais classiques, au corps gris foncé ou plus clair. Dans le doute, et en particulier sur les grands lisses profonds, pensez également aux petits « sedges » en pardo gris (medio, oscuro, corzuno…) sur hameçon 18, parfois 20.

La sélection de mouches à gros ombres de l’auteur
Crédit photo : Didier Magnan

Les mouches "fantaisie"

Mais, parfois, la logique n’est pas de mise avec les gros ombres ! C’est alors le moment d’essayer sans hésiter quelques mouches atypiques, voire quelques bizarreries. En la matière, tout est ouvert, bien sûr, mais l’expérience montre que quelques modèles parmi ces « fantaisies » ont vraiment fait leurs preuves sans que l’on ne sache vraiment pourquoi :
• les mouches « à tag », avec pour ma part une certaine tendresse pour la bonne vieille tag orange corps marron cerclé de tinsel doré ou argenté de Bernard Maillet, ou la très ancienne Thyma tag de Guy Plas, corps bleu cerclé argent, tag blanc, qui marche si bien lorsqu’il gèle (je ne saurais vous dire pourquoi);
• les mouches avec bille en polystyrène (mention particulière pour la jaune et la rose de Laurent Pique);
• les voiliers et les parachutes « fantaisie » au corps rose, vert et mauve ou vert et violet, moirés (merci Christian Avakian!).
Il y a trois ans, pendant plus de trois semaines, les tout gros ne voulaient que d’un voilier très dépouillé au corps menthol, ou plutôt menthe tirant un peu sur le bleu, une mouche improbable que mon ami Jérôme avait sorti de sa boîte… On ne peut savoir comment l’ombre voit cette couleur, mais certains jours, il n’y avait que ça qui marchait. Du reste, ces couleurs se retrouvent dans certaines perdigones « gazoline » ou « menthol » qui marchent plutôt bien.

Un gamin content de sa prise, sur une zone à gros blocs rocheux et courant lent
Crédit photo : Didier Magnan

Tout doux au ferrage

On présente généralement toutes ces mouches sur une pointe longue (au moins deux mètres) en 10/100. Je sais, cela semble très fin et risqué face à de gros poissons, mais la plupart du temps cette finesse est nécessaire et les postes pêchés, relativement calmes, permettent de venir à bout assez rapidement de ces gros poissons. On n’insistera pas plus que nécessaire sur l’importance de l’approche (pas de vague!), du placement (légèrement en amont et très en retrait du gobage) et de la qualité de la dérive (impeccable, détendue, longue). Ici on a affaire à de gros poissons qui « connaissent la musique » et que l’on « cale » dès que l’on rate une ou deux dérives ou que l’on arrache sa soie comme un « bourin » ! Juste un mot sur le ferrage : il doit être doux, si possible effectué par une simple traction de la soie en relevant doucement le scion de la canne. Prendre son temps pour repérer des postes à gros, avoir la patience d’attendre qu’ils gobent, ne pas se tromper dans ses choix et ses options tactiques pour finalement éprouver la joie d’observer au fond de l’épuisette un vrai gros avant de le relâcher, comme d’habitude. En plus, ce sont les gros qui donnent les gros ! C’est tout ce que nous vous souhaitons !

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