Salut Marc, merci de consacrer un peu de ton temps à nos lecteurs. Peux-tu te présenter assez rapidement et nous donner ton parcours halieutique, car j’imagine que tu n’as pas commencé la pêche directement par la recherche des gros brochets aux streamers ?
Marc Millieroux : Salut Aurélien, merci de me permettre de parler à vos lecteurs. J’espère que ceux pratiquant cette technique y trouveront quelques informations et que cela pourra donner envie à d’autres de s’essayer à cette pêche si passionnante. Je m’appelle Marc, j’ai 34 ans, je vis en Charente-Maritime, département dans lequel je pêche souvent, mais je n’hésite pas à me déplacer régulièrement pour pêcher des milieux différents. Effectivement, je n’ai pas commencé par le brochet à la mouche. J’ai débuté la pêche très tôt avec mon père. J’ai pratiqué beaucoup de techniques pour ensuite me focaliser sur les carnassiers et la truite. En 2009, j’ai acheté mon premier combo pour pêcher le brochet à la mouche. Je pratiquais déjà la pêche à la mouche depuis plusieurs années. Il ne m’a pas fallu longtemps pour ranger définitivement les leurres à brochet. Depuis, je pêche le brochet exclusivement à la mouche et je me suis spécialisé dans la traque des gros brochets.
Qu’est ce qui t’a amené à cette technique et, pour toi, quels sont ses avantages et ses inconvénients ?
M. M. : J’y suis venu assez naturellement. Je pratiquais déjà la pêche à la mouche, et les milieux chez moi sont plus favorables aux carnassiers qu’aux truites. C’était aussi une période où je voulais capturer le plus grand nombre d’espèces de poissons à la mouche. L’un des avantages de pêcher le brochet à la mouche se trouve au niveau du streamer. Il y en a d’ailleurs plusieurs. Il est planant, si bien sûr on ne le plombe pas. Les matériaux qui le composent sont plus ou moins vivants dans l’eau. J’entends par là que les fibres bougent d’un rien même à l’arrêt. Suivant les montages et les matériaux utilisés, il y a cet effet de gonflement du streamer à la pause. Je rajouterai aussi, capturer un brochet avec un streamer que l’on a monté soi-même apporte une plus grande satisfaction. Autre avantage, c’est que les brochets le connaissent peu et qu’il y a encore une faible pression de pêche avec cette technique. Au niveau des inconvénients, je dirais que la pêche au-delà d’une profondeur d’environ 5 m devient fastidieuse, mais pas impossible. Pour ma part, je ne vois pas d’autres inconvénients. J’entends souvent dire que le nombre de lancers dans une journée est moindre, que la distance de lancer est plus courte, si on compare à la pêche au leurre. Ce qui est vrai, mais je ne vois pas ça comme des inconvénients.
Quels sont tes biotopes et ta saison de prédilection pour la traque des brochets ? Tes sorties se déroulentelles plus du bord où embarquées ?
M. M. : J’ai une préférence pour la pêche en rivière. La lecture des postes y est plus facile, néanmoins je me plais à pêcher les eaux closes. J’ai plus exactement deux saisons que j’aime beaucoup, et il m’est impossible de choisir entre les deux, c’est le printemps et l’automne. Je pourrais presque rajouter l’hiver, c’est une saison dure pour la pêche et le pêcheur, mais c’est là que les chances de tomber sur LE brochet d’une vie, en matière de longueur et de poids, sont pour moi les plus grandes. Je pêche 99 % de mon temps depuis une embarcation, float-tube principalement. Les berges de mes zones de pêche ne sont pas facilement accessibles pour pêcher du bord à la mouche, elles sont souvent hautes, 1 à 2 m au-dessus de l’eau, avec une ripisylve assez importante.
Peux-tu nous donner quelques conseils concernant l’équipement (cannes, moulinets, soies…), j’imagine que selon les saisons et le type de plans d’eau que tu prospectes, il y a différents combos possibles ?
M. M. : Bien sûr, suivant les saisons et les milieux, le matériel, principalement les soies, diffère. Lorsque vous choisissez du matériel, il faut que l’ensemble soit compatible. Pour cela, il faut déterminer quel numéro de soie vous voulez utiliser. Pour le brochet, je vous conseille les numéros 9 ou 10. Pour le moulinet, rien de bien important. Du moment qu’il est en mesure de contenir une grosse soie et qu’il est doté d’un frein suffisamment puissant pour combattre un brochet, nul besoin de mettre trop d’argent dedans, sauf pour se faire plaisir. J’ajouterai cependant un détail à prendre en compte, notamment pour ceux qui traquent les gros brochets. C’est le diamètre du moulinet. Je combats souvent les brochets au moulinet pour éviter que la soie ne s’accroche quelque part. Il faut un diamètre assez gros, afin d’augmenter le ratio. Ce n’est pas comme un moulinet spinning où le ratio est multiplié. Sur un moulinet mouche, un tour de manivelle équivaut à un tour de bobine. Et lors du combat, si le poisson décide de revenir vers vous, vous avez moins de chance de perdre la tension. Pour ce qui est des cannes, j’utilise deux tailles. L’une en 9 pieds, qui est la plus courante et la plus utilisée. Je l’emploie pour les pêches en eaux closes. L’autre est en 8 pieds. J’affectionne cette taille lors de mes sorties de pêche en rivière. Je gagne en précision, et sur des petites rivières avec une forte ripisylve qui s’avance au-dessus de l’eau, ces quelques centimètres en moins permettent de faire de faux lancers là où une 9 pieds vient taper les branches. Il existe trois types de soies : flottante, intermédiaire et plongeante. Les plongeantes se déclinent en plusieurs densités qui leur permettent de couler plus ou moins vite. Elles sont définies par une lettre, S qui signifie sinking, coulant, et d’un chiffre qui représente la vitesse de plongée par seconde en inch. Ces numéros sont compris entre 2 et 8. Plus le numéro est élevé, plus la vitesse de plongée est importante. Pour débuter, une à deux soies suffisent. On choisit la soie en fonction de la profondeur à laquelle on veut faire évoluer ses streamers. Les paramètres qui induisent notre choix sont liés à la profondeur où se trouvent les poissons suivant la saison. En rivière, la vitesse du courant impacte la vitesse de plongée. Plus le courant sera fort, plus il faudra utiliser une soie qui plonge vite, faute de quoi l’ensemble, soie, bas de ligne et streamer, se fera balayer sans avoir atteint la bonne profondeur. Pêchant quasiment exclusivement depuis une embarcation, je n’utilise qu’un type bas de ligne. Il est destiné à la pêche des gros brochets. J’utilise un brin d’environ 1,20 m de gros fluoro, 80/100 centièmes, puis j’y ajoute une pointe de titane de 40 cm de 50 lbs. Vous pouvez diminuer les résistances si votre but n’est pas la traque des géants. Si vous pratiquez du bord, je vous conseille d’ajouter un cassant. Le cassant est un brin suffisant solide pour combattre un brochet, mais suffisamment faible pour casser le bas de ligne en cas d’accroche sur le fond ou un obstacle sans que ce soit la soie qui casse. Du 35/100 est bien suffisant.
Tu as un site de vente en ligne « thefishingfly.com », sur lequel tu distribues les streamers montés par tes soins. Quels sont pour toi les critères d’un bon streamer à gros brochet ? Et la question peut être moins évidente : ton top 3 des meilleurs streamers ?
M. M. : Pour qu’un streamer rapporte régulièrement des gros brochets, il doit comporter quelques points que j’ai mis en test depuis plusieurs années et qui me réussissent plutôt bien. Dans un premier temps, il y a la longueur: comprise entre 20 cm et plus de 40 cm. Même si des petits streamers peuvent rapporter un gros brochet, un gros streamer fera bouger moins de poissons, mais la taille moyenne sera plus élevée. Un point qui, pour moi, est plus important que la longueur, c’est la capacité à pousser l’eau. Un streamer volumineux qui pousse de l’eau et qui mesure 20 cm déplacera plus facilement un gros brochet qu’un streamer de 40 cm tout fin. En matière de coloris, j’aime utiliser les flashy, chartreux, firetiger… et un coloris qui correspond à la couleur de l’eau. Le coloris perche n’est pas à négliger. Mon top 3 des streamers se retrouve bien entendu en vente sur mon site. Il y a le Loutsos, l’Ouras et un streamer comportant une queue, wiggle tail, ou dragon tail.
Tu as un très beau palmarès pour un pêcheur de brochets, qui plus est en France et à la mouche. Tu avais fait un poisson énorme de 125 cm il y a quasiment cinq ans il me semble. Je ne sais pas si c’est celui-ci, mais peux-tu nous raconter ton meilleur souvenir de pêche ?
M. M. : De très bons souvenirs, ce n’est pas ce qui manque. En tant que pêcheur de gros brochets, ce poisson de 125 cm fait partie de mes meilleurs souvenirs, il est le résultat d’une traque, des remises en question, d’échec… Tout ce qu’il a fallu mettre en place pour le tenir dans mes mains. C’était le 4 janvier 2018. Le fleuve Charente est en crue, des rafales de vent jusqu’à 60 km/h sont annoncées. Ce ne sont pas ces conditions difficiles qui vont, mon ami Jules et moi, nous repousser. Jules ne peut pas se libérer pour débuter la session aux meilleures heures. C’est donc seul que je commence la pêche. Une heure et demie se passe sans la moindre touche. Je ne suis pas inquiet, je sais qu’il n’y en aura qu’une. Il faut rester concentré pour ne pas la louper. Je lance mon streamer le long d’un arbre immergé. La zone que je pêche est abritée du courant, j’utilise une soie plongeante S3. Je laisse quelques secondes au streamer pour descendre dans la couche d’eau avant de commencer une animation très lente. J’effectue quelques tirées quand je sens une légère attaque. Je ferre comme il se doit, je suis directement bloqué. D’énormes coups de tête au bout m’annoncent que c’est un gros. Il démarre en passant près de moi proche de la surface. L’eau est très sale, je ne vois pas mes palmes. Mais j’aperçois quand même une masse. C’est suffisant pour que je sache que c’est un brochet de plus de 10 kg. Le combat n’est pas été très violent, c’est plutôt un bras de fer. Le brochet ne décolle pas du fond. J’ai beau tirer, il ne monte pas. Après quelques minutes, le brochet fatigue et monte en surface. La tête est énorme, mais la turbidité de l’eau ne me permet pas de voir le poisson dans toute sa longueur. Je le glisse dans l’épuisette, lorsque j’estime que les deux tiers du poisson sont dans l’épuisette je la lève pour que le poids le fasse glisser au fond du filet. À ma plus grande surprise, il glisse vers l’extérieur de l’épuisette et en ressort. Je ne comprends pas ce qu’il vient de se passer. Je réitère la mise à l’épuisette en prenant plus de précaution. Cette fois-ci, il rentre. J’appelle mon ami pour savoir où il en est. Il vient de se garer. Le timing parfait pour les photos. Je n’ai pas encore conscience du brochet qui se tient dans le filet. Lorsque j’ai voulu le lever avec l’épuisette pour le mesurer, j’étais impressionné par son poids. Quand je l’ai allongé pour le mesurer, j’ai été surpris par sa taille. C’est pour ce genre de gabarit, 125 cm pour 16,5 kg, que l’hiver est une saison que j’apprécie beaucoup. Malheureusement, pour espérer la rencontre de ce type de poissons en rivière, il faut que les conditions soient réunies et être disponible. Ce qui n’arrive malheureusement pas chaque année.
Pour terminer, quels conseils pourrais-tu donner à une personne qui veut débuter dans cette technique ?
M. M. : Le premier conseil que je peux donner à quelqu’un qui aimerait se lancer dans cette technique est de se rapprocher d’une personne qui pratique déjà. Avec les réseaux sociaux il est très facile de discuter avec quelqu’un qui vous aidera dans vos premiers pas. Ces dernières années, on retrouve de plus en plus d’articles dans des magazines qui traitent de cette technique. Sur Youtube également vous trouverez votre bonheur, sans oublier les Web magazines. C’est une technique qui est très complémentaire à la pêche au leurre. Certains jours, elle sera plus efficace que n’importe quel leurre. Ce qui sera un atout pour celui qui compte apporter une corde supplémentaire à son arc.