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Brochet : une leçon au streamer avec William Burnaz

Parmi les multiples façons de traquer le brochet, certaines, peu répandues, permettent de surprendre des poissons affûtés, notamment sur des parcours où s’exerce une forte pression de pêche. C’est le cas du streamer ! Suivons un expert, William Burnaz.

Sur ce site privé, un plan d’eau riche en brochets, avec également une belle population de grosses perches et des black-bass en progression constante, la gestion est en no-kill total et les brochets, sollicités toute l’année car il n’y a pas de fermeture ici, sont pour le moins éduqués. Il n’est pas rare d’y enregistrer des capots retentissants qui laissent penser que le plan d’eau est vide ! Néanmoins, quand on a la chance de tomber sur un pic d’activité ou que l’on dispose du bon leurre au bon moment, les prises prouvent qu’il n’en est rien. La taille moyenne varie autour des 75/80 cm, ce qui n’est pas commun sur un plan d’eau de surface réduite. La réussite de cette journée s’annonce aléatoire. Le but du jeu est de confronter un habitué des lieux, moi-même, à un nouveau venu, William, qui ne connaît rien du parcours. Le site étant difficilement exploitable du bord, je pratiquerais en float tube, aux leurres, et mon acolyte utilisera une embarcation gonflable, plus apte aux impératifs de la canne à mouche.

C’est dans un paysage magnifique et sous un soleil radieux que nos deux pêcheurs s’affrontent. L’embarcation gonflable est indispensable pour bien lancer.
Crédit photo : Laurent Madelon

Un équipement léger

William utilise une canne Punisher VMC de neuf pieds, équipée d’un moulinet JMC Swing 79 contenant une soie intermédiaire 8/9. Le peu de matériel qu’il embarque m’intrigue ! « Je pars toujours avec un équipement restreint que je sélectionne en fonction du parcours: une pochette de différents streamers, quelques accessoires indispensables (fluoro, pinces, agrafes), une canne et un moulinet… et c’est tout ! » me confie Will. J’ai personnellement tendance à charger mon float tube de toutes les options envisageables que j’alterne rapidement en début de pêche pour voir ce qui fonctionne. William part du principe inverse: il a choisi un streamer qui lui semble idéal pour le lieu, tant en taille qu’en coloris, et va l’exploiter au maximum. Il ne changera de version que si l’absence de réaction des poissons l’y oblige et, avant de s’y résoudre, il compte bien faire le tour du plan d’eau. Il opte pour l’une de ses magnifiques réalisations, assez volumineuse pour séduire un poisson correct et largement colorée pour trancher efficacement avec l’eau fortement chargée en plancton. Il faut admettre que, pour un amateur des coloris naturels comme moi, le contraste généré par l’orange du streamer donne l’impression de balader un gyrophare sous la surface.

Le streamer confectionné en poils et fibres tranche vraiment avec la couleur de l’eau. Une fois alourdi par l’eau, il faut un équipement puissant pour le propulser à bonne distance.
Crédit photo : Laurent Madelon

Bordure ou pleine eau

La superficie du plan d’eau est de 3 hectares et la profondeur moyenne de 2 mètres, avec quelques « fosses » à 4 mètres. Les berges sont souvent profondes, très arborées et nombre de branches plongent dans l’eau. Par expérience, je sais que les brochets peuvent alternativement se trouver en pleine eau, zone souvent occupée par le poisson fourrage, ou au contraire rester en bordure, sous l’abri végétal. C’est convenu, je peignerais la partie centrale aux leurres et lui ratissera les bordures à la mouche. Will positionne son bateau à une trentaine de mètres des berges, d’une part pour une question de discrétion et, d’autre part, pour lui permette de réaliser de longs lancers en éventail couvrant une large surface. L’action est fluide, précise, et l’absence de vent, certes peu propice à l’activité des carnassiers, apporte une aide appréciable. Le streamer se pose à un ou deux mètres de la bordure. William lui laisse le temps de descendre lentement dans la couche d’eau, aidé en cela par la soie intermédiaire qui assure le lest nécessaire. Ensuite, l’animation consiste à effectuer quelques tirées sèches afin de simuler une fuite, puis quelques secondes d’immobilité qui permettent au leurre de redescendre vers le fond. Lors de cet arrêt, les fibres se gonflent et donnent une impression de vie indiscutable. Néanmoins, le temps passe et ne nous apporte pas, ni à l’un ni à l’autre, les résultats escomptés.

Visiblement, William a fait le bon choix de couleur, car il est finalement aux prises avec un poisson correct. L’imitation est bien coffrée, c’est bon signe pour la suite.
Crédit photo : Laurent Madelon

Tout près du bord

J’incite William à se rapprocher de la bordure afin de lancer son streamer au plus proche du pied des roseaux et autres branches noyées, persuadé que les poissons sont inactifs, cantonnés dans leur repaire et peu enclins à en sortir. Il s’agit donc de jouer la provocation et de modifier le statut du leurre; de proie potentielle, il doit devenir élément indésirable. Bonne pioche! Rapidement, Will réussit à faire sortir deux poissons du couvert. S’ils ne sont restés que suiveurs et non mordeurs, c’est quand même bon signe. C’est sous les vestiges d’un arbre noyé que notre moucheur va finir par en décider un : « J’ai laissé le streamer descendre le long des branches jusqu’à se poser par terre et c’est suite à la première animation que j’ai vu la soie se décaler », m’avoue Will. Le ferrage est ample et le combat commence en essayant d’éloigner le poisson de l’arbre dont le contact rugueux se ressent dans la soie. En quelques minutes, l’affaire est réglée et c’est un joli brochet d’un peu plus de 80 cm qui est amené à l’épuisette. Le temps de faire quelques photos et Will le remet rapidement à l’eau en le remerciant vivement de sa collaboration.

Ferrage en direct ! Notre journaliste Laurent n’a pas raté la touche et le combat peut débuter en bordure des bois morts.
Crédit photo : Laurent Madelon

Dans l'ombre

La stratégie du jour ayant été identifiée, il suffit de répéter le principe sur chaque poste susceptible d’abriter un poisson. Les lancers se succèdent sur la berge ensoleillée sans vraiment de résultat. Quelques bass viennent jeter un œil dubitatif sur cet élément coloré, mais sans que cela n’éveille chez eux de réflexes agressifs. « Je vais passer de l’autre côté, sur la berge ombragée, pour vérifier si la différence de luminosité peut jouer un rôle sur l’activité », me confie le moucheur. L’idée s’avère bonne, car il y a plus d’animation à l’abri du soleil. Hélas, si le streamer subit plusieurs attaques, celles-ci manquent de précision ou même de motivation. William déplore plusieurs décrochés immédiats ou ferrages dans le vide. Un dernier poisson se jouera de nous en restant piqué quelques secondes, juste le temps d’envisager une deuxième prise, mais un rush plus violent que les autres lui aura permis de passer sous un couvert de branches mortes. Quelques coups de tête plus tard, il se décrocha.

Une simple pochette avec inserts transparents contenant quelques streamers. La légèreté du matériel impressionne !
Crédit photo : Laurent Madelon

Un plus indéniable

Certes, le résultat de la journée ne nous rend pas euphoriques, mais nous sommes d’accord pour reconnaître que le streamer possède le pouvoir de faire bouger quelques brochets, même quand les circonstances ne sont pas favorables. Je reste persuadé que ces poissons n’auraient pas mieux réagi face à d’autres techniques et j’ai pu le vérifier en exploitant systématiquement les bordures après le passage de Will. La vue d’un leurre inconnu peut intriguer, voire énerver un carnassier qui en a vu bien d’autres. C’était le but de la journée, il est atteint, et il ne nous reste donc plus qu’à rejoindre les voitures où nous attendent deux bières fraîches !

Comme un leurre

Peu de pêcheurs de carnassiers sont moucheurs et possèdent le matériel adéquat. La pêche au streamer ne leur est pas pour autant interdite et celle-ci peut très bien se pratiquer à l’aide d’une canne à leurres traditionnelle. Vous la sélectionnerez d’une puissance raisonnable, située idéalement entre 7-21 g ou 12-28 g. Cela conviendra très bien, surtout si vous prenez soin de choisir une action parabolique ainsi qu’une longueur assez importante, 2,40 m étant un bon compromis. Le streamer, par nature, n’est pas lesté, si ce n’est le poids de l’hameçon. Il suffit d’ajouter un plomb additionnel articulé, 1 ou 2 g suffisent amplement entre le leurre et l’agrafe, et le tour est joué ! Certes la descente sera moins naturelle et l’animation plus « brutale », mais vous pourrez pêcher plus rapidement et profondément.

Tout en longueur, ce brochet aura donné du fil à retordre à William. Il fallait pêcher très près de la bordure ce jour-là !
Crédit photo : Laurent Madelon

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Magazine n°940 - Septembre 2023

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