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Daniel Kespern, sur la Sée

Crédit photo David Gauduchon
Fleuve côtier de 78 km de long, la Sée prend sa source à Sourdeval, dans le département de la Manche et se jette dans la baie du Mont Saint-Michel. Connue pour sa haute valeur salmonicole, c’est sur son cours intermédiaire, en amont de la commune de Brécey, que nous partons à la découverte de ses méandres avec Daniel Kespern.

Rendez-vous aux Cresnays ce matin dans le paisible village, à l’ombre de son église imposante perdue dans le bocage normand. Daniel Kespern, local de l’étape, patiente sur le parking, deux cannes à mouche en main : sa fidèle Launstorfer de 7 pieds et une Vision Nymphmaniac de 9,6 pieds. Tenue sobre et légère, un sac banane, un porte-mouche et quelques bobines de fil… Notre vétérinaire patenté connaît chaque recoin de son territoire qu’il aime arpenter en mode buissonnier. C’est à pied que nous rejoignons la Sée en empruntant un chemin ombragé au bout duquel bruissent les eaux de ce petit fleuve côtier large de 5 à 6 m. Une dense végétation ripisylve, constituée de saules et d’aulnes, fait office de barrière naturelle qui filtre les rayons du soleil. La journée promet d’être belle.

Les zones ombragées recèlent des truites magnifiques !
Crédit photo : David Gauduchon

Approche façon Sioux

La transparente de l’eau laisse entrevoir des fonds tantôt sombres tantôt clairs, lit caillouteux et de sable plus meuble. Au premier méandre, ce ne sont pas les postes qui manquent : berge encaissée, souches et bois morts, blocs rocheux, radier, accélération de courant, petite fosse, il faut se faufiler sous les frondaisons afin de se placer judicieusement. L’approche est technique à souhait, façon sioux. C’est à genoux que Daniel prospecte une première veine en nymphe au fil. Son montage est des plus classiques : corps de ligne en monofilament fluo en 25/100, Nylon bicolore en 20/100 en guise d’indicateur et une pointe en 12. « C’est une technique que je pratique beaucoup à l’ouverture, mars-avril étant des mois encore froids dans cette contrée. J’opte alors pour une pointe en 14. La sèche prend le relais à partir de mai, même si je continue à prospecter certains postes en nymphe. Une veine d’eau profonde toujours susceptible d’abriter une belle fario, voire, plus tard en saison, une truite de mer. » Rivière à saumon par excellence, notamment dans sa partie aval, la prise « accidentelle » d’un castillon n’est pas à écarter ? Daniel en garde d’ailleurs quelques souvenirs cuisants ou heureux, l’issue du combat étant fonction de l’encombrement du secteur.

Revers, roulé, arbalète. Sur ce parcours Daniel maîtrise tous les lancers
Crédit photo : David Gauduchon

Maîtrise et précision

Lancers roulés, parallèles, arbalètes, revers, pour placer précisément une nymphe qui plus est casquée avec une précision quasi chirurgicale requiert maîtrise et sang-froid sous cette voûte végétale. Daniel semble avoir des yeux derrière la tête tant il évite les obstacles. Il exploite le moindre recul, la plus petite trouée quitte à jouer les contorsionnistes. Dans une grande économie de gestes, chacune de ses dérives est parfaitement calculée, amont, travers ou aval quand nécessité fait loi. « C’est un élément clé sur ce type de parcours. Les truites postées sont promptes à réagir à la moindre anomalie : une soie qui claque, une dérive approximative ou un dragage insidieux et voilà qu’elles filent dans leur cache. Je ne fais pas plus de deux passages sans changer un paramètre. J’utilise des modèles simples, des dérivés Pheasant Tail, dotés de billes de cuivre en tungstène, et des oreilles de lièvres constituent la base de ma boîte. Des modèles ternes et sobres donc. » Nous aurons compris que Daniel ne s’encombre pas d’un matériel ostentatoire, encore moins de montages complexes. À ce titre, sa 9,6 soie de 3 semble être l’outil idéal. Un second moulinet équipé d’une soie naturelle DT, au ver à soie, se tient toujours prêt dans son sac à dos lorsque n’emportant qu’une canne, le besoin de pêcher en sèche se fait sentir. À ce petit jeu, en moins de deux heures, Daniel me fera la démonstration de l’efficacité de sa démarche et de sa parfaite connaissance de la Sée qui sait se montrer généreuse. De belles truites mordorées arborant de larges taches noires et, au niveau de la ligne latérale, de points rouges, sont échouées dans sa raquette, la plus belle avoisinant les 35 cm. Un beau poisson, pour ce secteur dont la taille moyenne oscille entre 25 et 30 cm même si les surprises peuvent être de taille.

Une belle fario de la Sée prise au stimulator.
Crédit photo : David Gauduchon

En sèche

Les méandres se resserrent tandis que nous continuons notre progression vers l’amont, en direction du moulin de Cuves. Les postes sont nombreux et Daniel visite chacun d’eux, en quelques dérives, jouant sur le caractère opportuniste des truites qu’il connaît si bien. La fin de matinée approche et l’air se tiédit. L’échauffement en nymphe prend fin. Daniel se saisit de sa Launstorfer, 7 pieds soie de 4 tandis que quelques olives ont fait leur apparition. À mon étonnement sa boîte est fournie en terrestres montés avec soin. Bas de ligne de 3,50 m, pointe en 14/100, il choisit une adaptation d’un modèle bien connu outre-Atlantique : un simulator. La mouche passe-partout capable de suggérer n’importe quelle sauterelle qui tomberait en bordure, au gré d’un coup de vent. Son montage est toutefois adapté à « sa » rivière. Dressée sur hameçon de 10, voire 12, elle est beaucoup plus aérée et joue sur différents coloris au niveau de l’abdomen : verdâtre, rougeâtre, orangeâtre sans oublier quelques coloris plus vifs. « Bien sûr j’utilise d’autres modèles. En juin, des imitations d’éphémères et des sedges toute la saison, par exemple, des scarabées ou des chenilles quand cela est opportun. Mais si je ne devais choisir qu’un modèle, ce serait une simulator, modèle d’ensemble par excellence. »

 

4 espèces emblématiques de la Sée

La Sée est un fleuve côtier qui présente une belle richesse salmonicole. La partie en amont de Brécey tout comme les parcours en aval sur la commune de Vernix, par exemple, raviront les pêcheurs confirmés de truites qui recherchent une pêche de qualité dans une ambiance bocagère. Les pêcheurs de migrateurs, saumons et truites de mer, ne seront pas en reste en se rendant plus aval sur les secteurs de Andillou, au niveau de la commune de Pont, par exemple, où gros chevesnes et mulets viennent se prêter au jeu

Pas trop petites, les mouches

« Avec l’expérience, je me suis aperçu que je pêchais souvent trop petit, en voulant me rapprocher de ce que j’observais sur l’eau. Une belle bouchée n’effraie pas une belle truite bien au contraire. Elle fait appel non seulement à son instinct alimentaire mais aussi à son caractère territorial », explique Daniel tout en allongeant de la soie. Avec la forte luminosité ambiante qui s’est installée, le plat sur lequel il s’engage, à pas de héron, semble être inanimé. Les quelques olives qui virevoltaient ont disparu. Daniel n’en reste pas moins les yeux rivés sur la bordure de gauche. Il envoie sa grosse imitation sous un aulne, dans la zone d’ombre, avec une précision diabolique. Le simutator tombe à 10 cm de la bordure, juste devant une branche, en faisant un léger « ploc ». Sa soie anglaise, une Bario Small Stream WF 4, est parfaite pour minimiser les faux lancers tandis que le nerf de sa 7 pieds, parfaitement équilibrée, fait office de catapulte. Tout est affaire de réglage et de geste.

En sèche ce sont les mouches de bonnes tailles qui font bouger les truites
Crédit photo : David Gauduchon

Pêche à l'ombre

La mouche n’a pas dérivé sur 50 cm qu’une vaguelette se forme à la surface. Ferrage, gerbe d’eau, traction, extraction. Sans coup férir, c’est une belle fario qui se retrouve dans l’épuisette. L’ardillon écrasé facilite son décrochage et la voilà repartie dans son élément. Pas un souffle de vent, pas une sauterelle sur l’eau, les truites ont l’air dehors. Daniel continue lentement sa progression ne reculant devant aucune difficulté technique. Une palette de lancers maîtrisés, un sens des distances et des trajectoires sont autant d’atouts indéniables dès lors que l’on évolue dans un milieu encombré. Rive gauche ou droite, en coup droit ou en revers, la soie parallèle à l’eau, Daniel explore chaque zone d’ombre, au plus près des obstacles comme cet amas de branches dans lequel il pose sa mouche en plein milieu. Le pari est osé ! « Ça passe ou ça casse ! » La mouche reste immobile deux secondes avant qu’elle ne disparaisse dans une aspiration goulue. La canne pliée, Daniel se met à courir tout en brandissant son épuisette au milieu des branches. La truite ressort du filet et par chance saute en pleine eau. Le combat se termine calmement. Chacun reprend ses esprits. Cette truite qui frôle les 40 n’est pas une « manchotte » !

Une jolie truite de mer viendra terminer cette belle journée sur la Sée
Crédit photo : David Gauduchon

Truites de mer

Ce sont encore plusieurs belles truites qui viennent ponctuer de leur rush et leur saut l’heure suivante. Démonstration est faite de la richesse piscicole de ce secteur. Daniel me propose alors de couper à travers champs pour remonter jusqu’au pont de Cuves sous le regard curieux de belles normandes en train de paître. Ce secteur est caractérisé par un trou profond au niveau des fondations de l’édifice, la ripisylve étant toujours aussi abondante sur les deux rives. Le spot qui sent le beau spécimen. La zone d’ombre juste après le pont s’est étirée avec le soleil qui continue sa course vers l’ouest. Après 5 minutes d’observation patiente, Daniel me montre un gobage là où baigne une branche de saule, puis un second. Lancé parfait, 50 cm au-dessus, le simulator prend sa vitesse de croisière, en dérivant le long de la berge creuse. « Boum! » Cette fois la touche violente est suivie de cabrioles et le poisson fait une accélération plein amont. Daniel est au poste de pilotage et craint pour son 14/100. C’est une belle truite de mer qui cette fois se dévoile, fraîchement remontée comme l’atteste sa robe argentée. Une chose est sûre, elle n’est pas seule. Daniel décide de s’arrêter le temps de fêter cette belle action en m’offrant une bolée de cidre à la voiture. La soirée est prometteuse...

Infos pratiques

Aappma La truite de la Sée
Président Lucien Boutry
Tél. : 0664782242
latruitedelasee@peche-manche.com


Fédération de pêche de la Manche
www.peche-manche.com

 

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