Dans les différentes études faisant l’état des lieux des espèces piscicoles de notre territoire, l’une des principales raisons du déclin et de l’instabilité de nos populations est liée à la dégradation, mais aussi à la modification de l’habitat de nos poissons. Aujourd’hui, un peu partout dans le monde, les cours d’eau subissent la fragmentation de leur ripisylve. Malgré une certaine instabilité naturelle, ces écosystèmes sont à l’origine parfaitement équilibrés, notamment grâce à l’intervention d’un élément majeur qui assure le tampon entre le monde aquatique et terrestre : la ripisylve. Cette bande végétale indispensable plus ou moins dense permet d’établir le lien et de favoriser les échanges entre ces deux environnements totalement opposés.
Trois strates
Lorsqu’elle est dite « équilibrée », la ripisylve est naturellement décomposée en trois strates bien distinctes. Située au pied de la berge, la strate herbacée est la plus proche de l’élément aquatique. Elle est composée d’une catégorie de végétaux appelés « pionniers », d’abord semi-immergés ou à tendance vaseuse, comme le sont les roseaux, les iris ou les phragmites par exemple. Ils sont suivis de très près par des espèces plus terrestres, souvent des graminées, qui ne craignent pas les immersions temporaires telles que les fétuques ou les fléoles. Légèrement en surplomb, au niveau du talus, commence la strate arbustive, qui est composée des premiers bosquets et buissons de la bande riveraine. Ici, la hauteur des végétaux n’excède pas quelques mètres. La viorne, le prunellier ou l’aubépine, par exemple, se plaisent particulièrement dans les pentes abruptes du talus. Arrive ensuite sur le haut de la berge le dernier étage de la ripisylve, celui de la strate arborescente caractérisée par des arbres de toutes tailles et de tous âges. L’aulne et le saule sont adaptés à ce milieu qui est toujours soumis aux engorgements temporaires lors des montées des eaux. Ces espèces d’arbres, principalement composés de bois tendre, marquent la limite du lit majeur et ainsi la fin de la forêt riveraine, qui laissera ensuite la place aux frênes, puis aux chênes…
Cinq raisons de préserver la ripisylve
Habitat Il est évident que la ripisylve est primordiale dans la qualité de vie de la faune évoluant exclusivement dans ou à proximité d’un cours d’eau. On assiste à une désuniformisation naturelle du cours d’eau qui mettra à disposition de ses habitants des secteurs dynamisant la vie. La présence d’obstacles (branches, troncs) ou de racines apparentes favorise la création de secteurs de refuge, d’affûts et de nourrissage. La bande rivulaire est aussi une zone de vie essentielle puisqu’elle garantit pour de nombreuses espèces des lieux de reproduction permanents et temporaires.
Érosion Toute cette végétation de bordure assure un rôle essentiel dans la stabilité des berges. La variation permanente des eaux et le courant usent incessamment les rives. Tous les systèmes racinaires des différentes strates de la ripisylve renforcent et consolident considérablement la berge et limitent ainsi son érosion prématurée.
Lien Cet écosystème rivulaire possède une fonction essentielle à l’équilibre d’un environnement, celle de corridor biologique. Un cours d’eau boisé est un environnement qui concentre des invertébrés en tout genre. Mammifères, poissons, reptiles, oiseaux peuplent non seulement ces zones « sanctuaires », mais les utilisent surtout pour relier en toute sécurité un autre territoire où ils peuvent continuer de s’alimenter ou se reposer.
Épuration Un rôle invisible, mais ô combien important est celui de la filtration des eaux de ruissellement ! À l’heure où l’on lutte contre les pollutions agricoles liées aux rejets des pesticides et des engrais, la ripisylve offre déjà une solution intéressante à l’épuration du milieu. Le sol, la végétation, mais aussi les micro-organismes qui la composent vont se charger de fixer certains éléments néfastes pour le milieu aquatique.
Protection La couverture végétale est de bon augure pour un cours d’eau. La ripisylve va tenir un rôle protecteur. En période estivale, lorsque les eaux sont basses, l’augmentation de la température de l’eau peut s’élever de plusieurs degrés en seulement quelques centaines de mètres de linéaire !