Pêcher les crevettes en Normandie à marée basse, c'est le bouquet !

En Normandie, l’espèce phare recherchée par nombre de pratiquants et dont la ressource semble plus importante que par le passé est, de son nom latin, Palaemon serratus. Les stocks de poissons prédateurs, dont les bars, très friands de ce crustacé, n’ayant eu de cesse de voir leur population diminuer ces dernières années ont probablement profité au développement de cette espèce. D’une taille moyenne de 5 à 7 centimètres et pouvant atteindre, pour les femelles, jusqu’à plus de 10 centimètres dans de bonnes conditions, avec une espérance de vie moyenne de 2 ans (jusqu’à 5 pour les femelles), le bouquet est probablement le plus fin des mets que peut offrir l’estran (partie du littoral qui se découvre à chaque marée basse). Les gastronomes avertis disciples de Saint-Pierre, dont je fais partie, pourront donc profiter d’une moindre affluence sur les diverses plages pour se livrer à une apaisante balade dans les rochers, qui permettra de joindre l’utile à l’agréable. Si la dégustation n’est pas votre motivation première, l’animal n’en demeure pas moins un excellent appât. Sa relative fragilité est compensée par le fort attrait qu’il produit sur de multiples espèces, parmi lesquelles le bar. Avant de détailler ce point, découvrons un peu son habitat et les différents moyens à mettre en œuvre pour sa recherche.*

Outils de récolte

La zone de pêche qui nous est accessible du bord, estran ou grève, est la plus riche en matière de biodiversité. Les diverses variétés d’algues et les multiples anfractuosités qui la composent constituent un habitat de choix pour une grande quantité d’espèces. Les nombreuses caches ainsi offertes à notre crustacé décapode devront être inspectées à l’aide d’engins de pêche adaptés. Les haveneaux, ou « raquettes », sont sans doute les plus utilisés de par leur versatilité. Ils existent en différents diamètres afin de s’adapter plus facilement au type de relief prospecté. On peut se livrer avec ces outils à deux types de pêche. La première consiste à racler les touffes d’algues et divers supports à l’aide du cercle de métal portant le filet. Pour la seconde, on lestera au préalable le fond de la poche du filet et l’on y fixera avec un fil de cuivre un appât carné, style morceau ou tête de poisson. Les poissons gras, comme le maquereau ou la sardine, s’avèrent plus efficaces. On utilisera alors la raquette en la glissant dans des trous d’eau, sous des roches, en laissant l’appât faire venir les crevettes au fond du filet. L’attente sera d’assez courte durée car ces animaux au régime alimentaire détritivore réagissent très rapidement aux effluves. Positionner plusieurs raquettes dans différents trous permet de multiplier ses chances de réussite.

« Pousseu » et « fouine »

D’autres engins de pêche peuvent être employés, comme le « pousseu » et la « fouine ». A contrario des raquettes ou haveneaux, ces derniers ne peuvent être utilisés que de manière active. Le « pousseu » est un filet porté par une sorte de T en bois composé d’un manche et d’un socle qui permet de racler le substrat pendant que l’on pousse devant soi cet ensemble. L’inconvénient de cet engin est qu’il nécessite un fond relativement uniforme pour pouvoir être mis en œuvre. Un fond trop accidenté rendrait l’exercice aussi difficile qu’improductif. Ce genre de fond ne se trouve pas forcément dans les zones où se concentrent les bouquets, car il s’agit bien souvent de zones sableuses et non rocheuses. La crevette grise, en revanche, affectionne ce type d’habitat et cet engin de pêche est alors le plus adapté pour sa recherche. L’efficacité d’un « pousseu » est souvent en rapport avec la largeur de son socle. Les modèles de moins de 80 cm de large n’offrent que peu de résultat sur de vastes zones. Mais ceux plus petits peuvent être employés avec succès dans des couloirs sablo-vaseux, tels ceux situés entre les failles des plateaux rocheux que l’on rencontre au bout de l’estran tout au long des falaises normandes. Crevettes grises et bouquets se mélangent alors souvent dans cette zone qui marque la frontière avec les grandes étendues sableuses.

Pour terminer la présentation de l’arsenal du parfait coureur de grèves, un dernier ustensile, beaucoup moins connu car nécessitant un petit apprentissage : la « fouine ». Composée de deux bâtons indépendants l’un de l’autre et portant un filet seulement soutenu par deux cordeaux, elle permet de racler tout relief et d’explorer la moindre anfractuosité. Si sa faible envergure est compensée par son efficacité, l’usage de ce type de filet implique une bonne condition physique. L’autre point du matériel à ne pas négliger est la tenue vestimentaire à adopter. Si un short et une paire de bottes suffiront pour « patauger » dans les flaques les moins profondes, des waders permettront de prospecter des zones plus profondes. Une fine combinaison en néoprène et des chaussons de surf, voire des sandalettes en plastique, sont souvent utilisés par les plus férus de la spécialité qui n’hésitent pas à se mouiller parfois jusqu’au cou pour explorer les endroits les plus reculés. Chose que je ne vous invite à faire que si vous connaissez suffisamment le terrain… Un classique panier en osier ou en Nylon avec couvercle complétera cette panoplie.

Certaines précautions à prendre

Pratiquer cette pêche peut receler quelques dangers, certaines prises annexes pouvant apporter leurs lots de désagréments. Si les divers crabes souvent capturés au cours de votre marée, parmi lesquels la véloce étrille, ne manqueront pas de pincer des doigts imprudents, la petite vive est aussi assez fréquente. Elle n’a pas son pareil pour se dissimuler sous une algue au fond du filet et sa piqûre est aussi douloureuse que celle de sa grande sœur. Bien inspecter le filet en le secouant un peu avant de trier sa récolte est une sage précaution. Les failles rocheuses situées entre les tombants des plateaux rocheux peuvent parfois être très profondes et des cailloux épars peuvent vous faire trébucher facilement. Déplacez-vous toujours doucement une fois dans l’eau, surtout si vous ne connaissez pas le terrain. Ne vous aventurez jamais à marcher dans des zones encore couvertes d’eau où vous n’avez aucune visibilité. Une chute et les conséquences pourraient vous mettre en fâcheuse situation.

Par grands coefficients, si la mer se retire loin et rapidement, elle remontera également aussi prestement. Une fois le flot entamé, il vous faudra quitter votre zone de pêche rapidement afin d’éviter de vous retrouver encerclé par la marée. Chaque année, des pêcheurs imprudents se trouvent ainsi piégés faute d’avoir respecté ces règles élémentaires. Un téléphone portable que l’on aura glissé dans une pochette étanche est une sécurité qui peut permettre de prévenir des secours si vous êtes victime ou témoin d’un incident.

Un appât excellent

Du bord, le bouquet peut être présenté à l’aide d’un montage avec flotteur. Les ouvrages portuaires abritent bien souvent cette espèce dans les différentes algues qui le recouvrent, et bars et lieus y maraudent souvent pour les débusquer. Relativement fragile, on choisira de préférence une canne d’action assez souple en pointe et un bas de ligne monofilament relativement fin (22 à 25 centièmes maximum) pourvu d’un hameçon hampe longue fin de fer afin de le blesser le moins possible. Cette technique est bien plus efficace lorsque l’on utilise des bouquets vivants. Il faut par conséquent prévoir une certaine quantité de vifs que l’on maintiendra dans un seau d’eau de mer bien fraîche. Un changement d’eau régulier ou l’emploi d’un « bulleur » à piles facilitera leur conservation. Quel que soit l’endroit pêché, on s’assurera de pouvoir mettre au sec ses prises dans de bonnes conditions de sécurité. L’usage d’un « carrelet » ou d’une épuisette sera parfois nécessaire. En bateau, la pêche au tenya semble indiquée à l’usage de notre crustacé. La grande variété de sparidés présents sur nos côtes a permis un très grand développement du matériel dédié à cette technique de pêche aussi fine que subtile. La combinaison de l’effet « teaser » d’un tenya et de l’attrait d’un bouquet produira une forte attractivité auprès des espèces ciblées. En utilisant le même type de matériel, il est également possible de présenter cet appât sur un montage en potence style « drop shot ». Sur certains spots peu profonds et sous réserve de prospecter des zones au courant modéré avec des montages à la plombée réduite, cet appât pourra ainsi être proposé vivant.