Les baïnes (nom d’origine gasconne) sont des dépressions dans le sable, comme des « piscines » naturelles placées devant les bancs de sable, où se forment les vagues. Lorsque l’eau se retire, « la piscine » se vide et crée un courant sortant qui dirige l’eau du bord vers le large, perpendiculaire à la côte. Dans les stations balnéaires des Landes et du Pays basque, ce phénomène est bien connu des « lifeguards » qui surveillent les zones de baignade l’été. Les baigneurs se font prendre dans ce courant, dérivent vers le large et n’arrivent pas à revenir sur le sable. Malheureusement, la fatigue et la panique ont parfois raison d’eux, et les accidents sont fréquents.
Jusque dans l’écume des vagues
Ce phénomène naturel est néanmoins très bénéfique aux prédateurs marins, tels que le bar qui utilise ces baïnes pour chasser et pour se rapprocher du rivage, à la recherche de ses proies, jusque dans l’écume des vagues. Les pêcheurs locaux connaissent bien ces spots de pêche, qu’ils abordent du bord au lancer ramené à l’aide de leurres lourds pour des lancers appuyés. Mais la pêche du bord n’est pas la seule manière de pêcher les baïnes ; le bateau est un moyen très pratique qui permet de passer de courant en courant facilement et d’être plus efficace. Mais attention aux vagues. Du surf à la pêche en bateau, il n’y a qu’un pas ! Rémi Arauzo, Boucalais (habitant de Vieux-Boucau) de 33 ans, a déjà quasiment trente ans de surf derrière lui, et plus de vingt ans de pêche dans les baïnes. Ce fils de l’océan a vite compris que pêcher les baïnes en bateau était la bonne solution, et son expérience en mer lui permet d’appréhender parfaitement ces courants du bord et les vagues. Rémi a une bonne lecture de l’eau : c’est un surfeur aguerri, champion d’Europe ETL en longboard à deux reprises, classé au championnat du monde ISA au Costa Rica et plusieurs fois sélectionné en équipe de France. Ce qui en fait un expert de l’océan.
Surf et pêche
Le surf et la pêche sont étroitement liés lorsque l’on pêche le bar dans les baïnes en bateau. Il faut savoir lire la surface de l’eau pour détecter les bancs de sable et pour se placer parfaitement. Lorsqu’il faut se rapprocher des vagues pour atteindre les bars dans l’écume, il faut avoir le bon timing avec la houle qui peut être dangereuse si on ne garde pas un œil sur l’horizon. Il y a toujours, dans une série de vagues, une crête plus haute que les autres qui peut venir se briser sur le bateau. Le moteur toujours allumé, il faut être vigilant et pouvoir remettre les gaz rapidement si une vague se décale ou est plus imposante que les autres. Rémi utilise actuellement un bateau Béneteau Flyer 8 avec un 350 ch Suzuki, mais il a commencé par un semi-rigide Zodiac pro open 650 avec un 150 ch Suzuki. La taille du bateau ou la cylindrée importent peu, du moment que le moteur est en parfait état de marche et ne tombe pas en panne au milieu des vagues. Pour cela, un entretien strict et minutieux du matériel est nécessaire pour ce genre de pêche, au risque de passer un très mauvais moment et de mettre sa vie en danger. Le jeune Boucalais maîtrise son sujet, ce qui lui permet de diminuer considérablement les risques de se mettre dans une situation délicate. Une baïne n’est pas un danger, quand on connaît bien le phénomène. Les surfeurs utilisent ce courant pour aller au large et pour se placer au pic sur le spot de surf sans passer toutes les vagues dans l’écume. Il faut utiliser la force de l’océan pour se déplacer, c’est ce que l’on apprend lorsque l’on surfe, et les courants font partie de ces alliés qu’il faut savoir utiliser.
En surface pour le spectacle
Les poissons l’ont, bien sûr, également compris. Les bars se placent dans ces courants du bord pour chasser les petits poissons qui ont du mal à se déplacer dans ces forts mouvements qui forment comme un entonnoir, un passage obligatoire, dans lequel les prédateurs se placent à l’affût. En surface pour le spectacle, la pêche au leurre dans les baïnes en bateau permet d’utiliser des leurres plus légers, car le bateau peut se placer plus près de la zone de pêche. Bien souvent, du bord, la moindre brise freine le leurre et ne permet pas d’atteindre les distances nécessaires. Rémi utilise toutes sortes de leurres, du shad au jigg, en passant par les leurres de surface, mais il a une préférence pour ces derniers. Des leurres plus légers signifient une canne plus light pour des sensations décuplées et des attaques en surface, c’est tout le charme de cette pêche addictive. La pêche du bar en surface dans les baïnes est vraiment une belle pêche, qui promet toujours de belles montées d’adrénaline. Sur une canne light, avec des leurres de dix à vingt grammes, la touche est toujours violente et soudaine. Il faut parfois savoir garder son sang-froid pour ne pas ferrer trop tôt, car souvent les poissons sont visibles sous la surface lorsque la lumière est haute. L’excitation du pêcheur peut être néfaste et sortir le leurre de la gueule du poisson sur un geste trop anticipé. Les bancs de bar au début de l’été sont parfois assez importants, avec beaucoup de petits poissons, ce qui donne des spectacles sympas en surface lorsque le leurre passe au-dessus de dizaines de poissons montant comme des flèches et se mettant en concurrence pour l’attraper. Les sensations sont garanties. Cette pêche prend tout son sens dans ces conditions, surtout si des mouettes et des sternes se mêlent à la fête, pour former un beau spectacle de la vie sauvage à deux pas des plages.
Quand les anchois se reproduisent
Le jeune Landais a sa préférence pour les leurres Sakura Dynastick qui s’avèrent très efficaces pour ce genre de pêche et se lancent vraiment très bien, même en taille 90 mm pour 10 g. Lorsque les poissons sont plus timides, il faut pêcher sous l’eau, mais l’approche de la pêche est différente. Le début de la saison estivale correspond à la période de reproduction des anchois, qui se rapprochent de la côte et des arrivées d’eau douce dans lesquelles ils trouvent de la nourriture. Les bars suivent ces proies de près : lorsqu’elles sont dans une baïne entre deux bancs de sable, l’étau se resserre et les bars passent à l’attaque. Les oiseaux sont souvent au rendez-vous. Les mouettes et les sternes virevoltent sur la surface de l’eau ; c’est le signe que recherche Rémi pour repérer les poissons de loin. À tous les niveaux, c’est une pêche très visuelle, que ce soit pour chercher les poissons ou pour placer le bateau dans les baïnes et, bien sûr, prendre les poissons au leurre de surface.
Les horaires et la marée
Sur les journées qui rallongent, il faut se lever tôt pour espérer arriver sur zone au meilleur moment et prendre de jolis bars en surface, au lever du jour. La côte landaise est immense, il faut parfois naviguer un long moment pour atteindre certaines baïnes. Être sur l’eau en pêche lorsque le soleil se lève est toujours un beau moment de la journée. Les ambiances sont tellement agréables, on regrette son oreiller, mais le décor en vaut la peine. Les bars sont régulièrement présents dans les baïnes, que ce soit à marée haute ou à marée basse, mais cette dernière est souvent à privilégier, car les courants sont plus forts et les bars aiment cela. Durant la marée descendante, le terrain de jeu pour notre célèbre labrax est plus favorable, et il se place dans le courant à l’affût. L’eau se retire du bord, le mouvement d’eau passe de chaque côté d’un banc de sable sur lequel se forment les vagues, le courant se forme et s’éloigne au large. Toutes les proies potentielles qui repartent au large avec ce courant se laissent porter par cette rivière sous-marine que l’on appelle la baïne et croisent la route et le regard des bars postés. La côte landaise est une immense étendue de sable sans récifs ou roches, mais contrairement à ce que l’on peut croire, c’est une côte d’une grande richesse halieutique pour qui sait la découvrir. Les poissons se méritent dans cette immensité dorée baignée par les vagues de l’Atlantique. Le décor est toujours magique, et pêcher sur ce trait de dune offre un vrai sentiment de liberté au contact d’une nature sauvage. La traque du bar est addictive, car ce poisson n’a de cesse de nous étonner par son adaptation à tous les milieux aquatiques. Dans ce département, c’est le poisson roi. Rémi Arauzo habite et pêche dans un petit coin de paradis sur nos côtes françaises. Lui qui a fait plusieurs fois le tour du monde pour surfer, ne changerait pour rien au monde sa qualité de vie dans les Landes. On le comprend !