Dans ma région, le mistral peut mettre en mouvement et refroidir de grands volumes d’eau, les poissons gagnant alors les zones profondes où la température est plus stable. Il n’est pas rare de trouver de beaux gardons par exemple, à mi-hauteur, faisant un peu le yoyo sur une cinquantaine de centimètres à la recherche de confort, ou positionnés simplement dans un courant porteur de nourriture. Le truc, c’est donc de parvenir à les attraper à la bonne hauteur, là où ils se nourrissent.
Un sondage minutieux
Aujourd’hui, c’est sur le lac du Parc des Libertés, à Avignon (voir encadré) que j’ai décidé d’en découdre. Au vu des berges abruptes et rocailleuses, j’imagine que la pente continue ainsi, loin sous l’eau. Il va me falloir sonder avec précision pour définir ma zone d’amorçage. Pas la moindre trace de vent sur le lac, ni courant de fond ni dérive aujourd’hui, j’opte pour une canne de 3 m, d’action douce en pointe. Un petit feeder métallique à plombée terminale lancé à droite, à gauche, plus loin, plus près, va me permettre de repérer d’éventuels rochers accrocheurs mais surtout une zone la plus profonde et la plus plate possible pour y déposer mes cages d’amorçage. Grâce à la tresse, je perçois dans le poignet tout ce qui se trouve sur le fond qui semble assez limoneux. Quelques feuilles mortes, vestiges de l’automne, remontent avec la cage mais rien de bien gênant. La bordure immédiate, jonchée de pierres, est impêchable avec cette technique et il me faut allonger mes lancers à 25 m (distance mesurée entre deux piquets) pour trouver les 6 m d’eau, profondeur maximale du lac.
Fixer les poissons
Ma zone d’amorçage étant définie, il est temps de parfaire le mouillage des farines, mises à gonfler à peine arrivé au bord de l’eau. En hiver, pour ce type de pêche profonde, j’aime mouiller l’amorce au plus tôt afin de faire gonfler l’ensemble des particules. Il faut qu’elles soient gorgées d’eau pour ne pas s’éparpiller dans la colonne. Cela ne dérangerait certes pas les gardons de monter 3 m plus haut pour s’en repaître, mais ce serait vite fastidieux et pas très cohérent de prendre les poissons ici et là, entre deux eaux, à la descente. Mon but, au contraire, c’est de les fixer sur le fond. Bien mouillée, mon amorce (voir encadré), sans être trop poisseuse, reste dans la cage le temps de la descente pour s’ouvrir rapidement sur le fond. À cette époque de l’année, il serait difficile de faire l’impasse sur le fouillis et les vers de vase. En quantité raisonnable, un quart de litre, j’ai tout de même de quoi bien démarrer ma pêche. Quelques pinkies rouges pour l’amorçage et le rappel, des gozzers pour changer de couleur et c’est parti ! Pour cet amorçage, j’essaye d’être discret, précis et rigoureux. Mon petit pole feeder medium de 30 g suffit largement pour descendre rapidement et éviter d’éparpiller esches et amorces dans toute la colonne d’eau.
Attentif !
Après avoir rapidement déposé une dizaine de cages remplies de mon amorce, truffée de fouillis et de quelques pincées de pinkies, il est temps de passer à l’action. Pour pêcher, sachant que les gardons aiment les farines, je garde ma petite cage classique, installée sur un montage à plat (voir dessin).
Un long bas de ligne devrait me permettre d’exploiter une zone assez large sur le fond. Dès le contact avec la surface, le scion doit être en position sur le support et les yeux rivés sur ce dernier. Les poissons peuvent se saisir de l’esche à tout moment. Le moindre tressautement, y compris pendant la mise en tension de la bannière, doit être pris en compte pour ferrer au bon moment. Et d’ailleurs, en moins d’un petit quart d’heure, les gardons sont déjà là !
Mauvaise idée
Ils semblent mordeurs mais il me faut patienter une trentaine de secondes après l’arrivée du feeder sur le fond pour enregistrer la touche. Pour gagner du temps, je raccourcis mon bas de ligne de moitié (50 cm). Les touches deviennent alors plus rapides et plus franches, je ramène très peu à vide. Les gardons sont nombreux et de toutes tailles. J’ai bien peur que le fouillis ne soit pas d’un réel intérêt pour piquer les plus gros. Au bout d’un moment, je ne rappelle plus qu’avec de l’amorce et des pinkies… Mon panaché gozzer-ver de vase fonctionnait à merveille mais, pour enfoncer le clou, je tente le coup avec deux gozzers. Mauvaise intuition : les touches ne sont pas plus nombreuses, la cadence diminue, les poissons semblent s’écarter du coup. L’attente est bien trop longue à mon goût. Le fouillis est donc indispensable aujourd’hui, y compris pour garder les plus gros en activité. Je n’en mène pas large avec mon malheureux quart de litre. Il va falloir gérer…
Ca ralentit
Ma canne courte se révèle être une arme redoutable pour la rapidité, maintenant que mes réglages sont bons. La stratégie mise en place se concrétise et l’objectif est de remplir la bourriche. Hélas, au bout de trois heures, les touches ralentissent et le fouillis ne suffit plus à garder les poissons sur le coup. Des courants, sur le fond comme en surface, se sont créés après que le vent du nord s’est levé. Mais j’aperçois quelques bulles et légers mouvements autour du coup : c’est donc le moment de bouger. Un lancer légèrement à droite du coup, à gauche, devant, derrière… les poissons sont là, à droite ! En intercalant deux lancers feeder vide à droite et un avec amorce et esches pile sur le coup, les gardons reprennent le chemin de la bourriche. Je retrouve un bon rythme, à chaque lancer, j’obtiens une nouvelle touche. Le réglage du stop-float à 5 cm du feeder, rendant le montage auto-ferrant, est très utile pour gérer les touches plus timides. Le montage à plat aura une nouvelle fois montré son efficacité.
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Et voilà les brèmes
Quelques touches très violentes m’auront même parfois interrogé sur l’idée de délaisser la tresse pour le nylon. Au bout de 4h30 de pêche, les brèmes arrivent sur le coup. Le fouillis commence à manquer, et le soleil ne va pas tarder à se coucher. Il est alors temps de remballer. Il est écrit que toutes les belles choses, hélas, ont une fin. Amen !
L'amorce de Jérémie
De manière à éviter les carnassiers présents en nombre, le mélange du jour est composé d’un kilo d’une base noire et assez pauvre –Wonder Black (Champion Feed)–, amorce idéale pour les eaux claires, complétée par 500 g d’un mélange spécifique pour gardons –Romain Foiratier Gardon (Champion Feed)–, riche lui en chènevis et en coriandre. La granulométrie est moyenne.
Le Parc des Libertés
Cet ancien bras mort du Rhône d’une superficie d’environ 24 ha s’étend sur 2,5 km pour une centaine de mètres de large. La profondeur varie de 1 m à plus de 6,30 m dans les deux zones les plus profondes. La richesse piscicole est telle que l’on y trouve de nombreuses espèces telles que brèmes records de plus de 4 kg et tanches énormes. Ouvert à la navigation, ce plan d’eau est facile d’accès en venant de Villeneuve-lès-Avignon ou d’Avignon (84) et en suivant la direction du camping du Parc des Libertés. Un secteur labélisé et avec accès pour les pêcheurs handicapés vient de voir le jour sur la berge opposée au camping.