En Asie, sur les plans d’eau de pêche au coup, les pêcheurs sont extrêmement nombreux. L’espace y est donc limité et, pour prendre davantage et de plus gros poissons que ses voisins, il faut faire vite et tirer fort, très fort ! Impressionnant d’autant que cela s’adresse à des poissons de plusieurs kilos. Le matériel y est donc poussé dans ses derniers retranchements. Pas question d’élastique intérieur ni de canne à emmanchements. On pratique cette pêche musclée avec des cannes bien spécifiques. Celles-ci sont plus ou moins longues (4 à 9 m), télescopiques et permettent donc une nouvelle pratique que certains téméraires, comme Nicolas Gavoille, que je rejoins aujourd’hui, tentent d’importer en France, sur des terrains de jeux existants ou apparus ici et là.
Super renforcées
Nicolas collectionne ces cannes étonnantes. « Ça plie très fort, précise-t-il en souriant, mais ça ne casse pas ! » Cet amoureux du beau matériel les expose comme de véritables trophées dans son atelier de pêche. Visiblement, les fabricants asiatiques ne font pas dans la sobriété, mais plutôt dans le clinquant. Les cannes sont en effet parées de dessins et surchargées d’inscriptions illisibles pour nous autres occidentaux. Mais vu la façon dont elles sont utilisées, elles doivent répondre à un cahier des charges très rigoureux avec notamment des jointures renforcées. Pour obtenir du très costaud, les concepteurs sont contraints d’utiliser des alliages de carbone et de fibres en tous genres de manière à les rendre quasiment indestructibles. Plus souples, plus riches en matière, ces cannes sont évidemment plus lourdes et moins agréables à manier. Mais leur faible longueur permet de pêcher plusieurs heures dans un relatif confort. Avec une ligne aussi longue que la canne, on peut atteindre des distances de pêche respectables.
Le défi de l'esturgeon
« Prendre de très gros poissons avec une grande canne à emmanchements et un gros élastique intérieur, aujourd’hui on sait faire, rappelle Nicolas. Faire la même chose avec une canne télescopique, c’est une autre paire de manches ! » Dans la foulée, il s’est lancé le défi de s’attaquer à de sacrés bagarreurs, jamais affrontés d’ordinaire par les pêcheurs au coup : les esturgeons ! Ce sont des poissons solides, combatifs en diable et très gourmands. Lorsque je remarque la présence d’un anneau sur le bouchon à vis qui obture le talon de sa canne, Nicolas sourit en me précisant qu’il est prévu pour y fixer une cordelette, précaution bien utile dans le cas où le poisson lui arracherait la canne des mains ! Tout est dit…
Une ligne en 50/100 !
Mais posséder une canne solide ne fait pas tout. Pour ce type de pêche, le montage de la ligne doit l’être tout autant. Même un fort monofilament aurait bien du mal à supporter ferrage et combat. Nicolas a testé, quelques secondes suffisent aux esturgeons pour se débarrasser du tout. Le corps de ligne est donc constitué d’une tresse… en 50/100 ! Le fort scion, en carbone plein, est pré-équipé d’un système de fixation en Dacron, collé très puissamment. La tresse y est raccordée par l’intermédiaire d’un nœud coulant. Non content d’entasser les cannes, Nicolas collectionne aussi les flotteurs chinois qui vont avec. Ce sont des sortes de flotteur à pâte, pour la forme, et de waggler, par leur système de fixation, puisque reliés au corps de ligne à leur base par une tétine. Le système est fiable et surtout impossible à emmêler. Pour Nicolas, peu importe la portance du flotteur, c’est la longueur de son antenne qui l’intéresse. « Le poids de l’appât entraîne et stabilise le montage sans mal, m’explique-t-il. Parfois, je ne fixe aucun plomb sur la ligne, réglée pour reposer sur le fond de telle sorte que quatre segments d’antenne émergent. »
Une installation rapide
Cette façon de procéder évite les fausses touches dues aux mouvements des gros poissons en maraude. À gros poisson, gros hameçon bien sûr, qui ne doit s’ouvrir ni au ferrage ni lors du combat. Les esturgeons ayant une gueule dont la position est particulière, Nicolas utilise un modèle conçu pour la pêche au gros, le 8701 Big Game (VMC) n°5/0, dont il écrase l’ardillon. Sa grande taille évite par ailleurs un engamage trop profond. L’installation de Nicolas est sommaire. Un siège, avec barre d’amorçage pour le confort, une petite desserte et c’est tout. Je remarque qu’il installe sa station bien en retrait de la berge. « Il faut que je puisse en descendre rapidement, vers l’avant ou sur les côtés, confirme-t-il. Je dois pouvoir vite accompagner le poisson le long de la berge si besoin. » Les esturgeons se nourrissent d’invertébrés, de crustacés et de poissons morts. Nicolas pique sur son hameçon des tronçons de hareng fumé ou une brochette de lardons. Ces grosses bouchées très appétissant et odorantes permettent d’éviter les carpes. Pour l’amorçage, Nicolas jette de grosses poignées de pellets de 8-10 mm, au parfum carné (halibut, flétan) et très gras dont ces poissons sont friands. Les esturgeons sont attirés par les arômes et par le bruit.
La démonstration
Et en effet, ce jour-là, ça n’a pas traîné et la démonstration de Nicolas m’a scotché. Après quelques signes qui ne trompent pas, retransmis par le flotteur, Nicolas m’avertit quand un poisson est sur le coup. Et en effet, à chaque fois, ça part fort ! Je le vois retenir la canne de toutes ses forces jusqu’à devoir se servir de tout le poids de son corps, arc-bouté pour faire opposition. La canne est carrément pliée en deux et Nicolas doit user de toutes ses forces pour le contenir et parfois le suivre le long de la berge. Impressionnant !
Des plans d’eau pour essayer
- Domaine de la Patte d’Oie – Les Guidons 70270 Mélisey – Tél. 06 47 31 51 94
- Étangs de l’Alalimonade – 7B rue du Stade 88560 St-Maurice/Moselle – Tél. 06 37 94 56 21
- Étang des Colverts – D116 17290 Ciré-d’Aunis – Tél. 05 46 43 23 60
- Domaine du Faux-Rieux – 379, rue Guynemer 59680 Ferrière-la-Grande – Tél. 03 27 62 42 92