Il y a deux grandes écoles quant à la façon de disposer ses cannes et de tendre, ou non, ses lignes. La première voudrait que l’on dispose les scions pointés vers le ciel, fil tendu par des swingers (balanciers) lourds juste sous les cannes, appelons cela « à la française ». À l’opposé, la seconde consiste à baisser ses scions jusqu’à toucher l’eau, fil complètement détendu, avec de très légers balanciers reposant sur le sol, pour pêcher « slack », « à l’anglaise ».
Lacs ou étangs ?
Je dis à la française ou à l’anglaise de façon caricaturale pour simplifier la technique et l’historique. En fait, la française correspond plutôt à une approche en grands lacs, où il est nécessaire de décoller ses lignes pour, autant que faire se peut, éviter d’accrocher les souches dans les barrages hydroélectriques ou les réservoirs mis en eau en France fin du XIXe, courant du XXe. En Angleterre, les plans d’eau sont généralement plus petits. Retenons donc que plus on péchera loin et avec des fonds encombrés, plus il serait logique de lever les cannes et inversement bien entendu.
Pas de dogme
Le pêcheur doit comme toujours s’adapter aux contraintes rencontrées. La nature du fond peut nécessiter de vraiment décoller le corps de ligne (avec des flotteurs type buldo ou des balles de ping-pong par exemple) afin de passer par-dessus les souches immergées. C’est jouable si on ne traverse pas tout le lac et si la navigation est réduite, sinon cela devient vite invivable pour tout le monde. À l’inverse et chaque fois que c’est possible, il est recommandé d’utiliser des coule-bannières (back lead) pour plaquer ses lignes au fond. Ce n’est pas nouveau, Louis René Matout et le docteur Ernest Sexe en parlaient déjà fort bien dans la première moitié du XXe siècle. Nos deux pêcheurs scientifiques expliquaient via la ligne latérale, l’impact des vibrations des lignes et, in fine, l’intérêt de la pelote amortisseur. Ils s’accordaient à limiter les vibrations et, a minima, à plaquer les deux derniers mètres de la ligne, ce que les meilleurs spécialistes d’aujourd’hui ne renient pas. Lorsque l’on pêche avec un corps de ligne en Nylon ou, plus dense encore, en fluorocarbone, il suffit de détendre son fil pour qu’il se pose naturellement au fond, à l’anglaise donc. Lorsque le corps de ligne est en tresse, matériau plus ou moins flottant suivant les marques, ou lorsqu’il y a du courant, l’emploi d’un back lead est plus pratique.
Les coule-bannières
Les flying back leads, coule-bannières volants, peuvent s’ajouter en tête de ligne, comme une olive Catherine fendue. Lors du lancer, ils remontent un peu sur la ligne. Pour cela, ils ont la forme d’une balle de fusil qu’il faut monter à l’envers, partie plate vers le bas de ligne, pour qu’ils soient freinés et s’écartent de celui-ci de quelques mètres. L’avantage, c’est qu’ils plaquent uniquement la partie terminale, leur inconvénient principal, c’est qu’ils freinent et raccourcissent un peu la longueur du lancer et qu’ils peuvent s’accrocher au fond. On les réservera aux fonds propres, lorsque la distance n’est pas un critère primordial.
Une bonne alternative
Dans le cas contraire, on utilisera plutôt un back lead composé d’un anneau plastique fendu ou rentrant en force dans un manchon en silicone pour pouvoir s’en détacher s’il s’accroche, relié à un plomb. Après avoir lancé, on passe cet anneau fendu sur le corps de ligne juste à la sortie du scion et on le laisse coulisser sur le fil vers l’eau, comme un téléphérique, en levant le scion pour qu’il plonge à une quinzaine de mètres devant soi. Il plaque une plus grande partie de la ligne et surtout, il peut s’en décrocher. Le revers de la médaille est que l’on peut les perdre facilement et quand on ne les perd pas, ils remontent sur la ligne durant le combat et font un peu le yoyo.
Back lead captif
Vous pouvez opter pour un système de back lead dit captif. Il se clipse sur la ligne grâce à un petit système ingénieux qui s’ouvre au ferrage, en fait lorsque l’on augmente l’angle de traction. Il est dit captif, car le plomb est relié à une cordelette à la berge pour qu’on puisse le récupérer. Ils sont plus chers à l’achat, mais réutilisables à l’infini. Tous les modèles de coule-bannières existent en différents grammages. Pour les captifs, n’hésitez pas à les prendre lourds (j’utilise des 112 g) pour que la moindre traction soit répercutée à votre écureuil ou à votre swinger (plutôt lourds également), et n’hésitez pas à augmenter un peu la sensibilité de vos détecteurs vu que rien d’autre qu’un poisson ne devrait venir taper dans votre fil.
Le lest perdu
Lorsque l’on doit couler ses lignes à cause des péniches, il faut parfois mettre un ou plusieurs coule-bannières, du bord ou en bateau, à hauteur du chenal de navigation. Sur les fleuves à grand gabarit, le pêcheur qui dispose d’une embarcation peut utilement fabriquer des coule-bannières à lest perdu en utilisant un trombone ou un anneau plastique fendu, dans lequel, il passe un élastique que l’on enroule autour d’une pierre, pour que lors du combat celle-ci se détache de l’élastique.
Montage coulissant ou bloqué
Si on veut détecter la moindre tirée, en écartant toute résistance face à des poissons « tatillons », autant pêcher avec une plombée coulissante, fil détendu, et des indicateurs légers, très sensibles. C’est ce qui se faisait d’ailleurs en plaçant un bout de papier aluminium ou un morceau de polystyrène sur le fil (indicateur visuel). Avant l’invention des moulinets débrayables, certains pêchaient avec le pick up ouvert, le fil maintenu par une éponge dans l’anneau de départ. En pêchant en coulissant, il faut ferrer, au bon moment car les fausses touches sont nombreuses. C’est aussi pour cela qu’on en est venu à utiliser une plombée fixe, le montage de fuite. Ainsi la carpe se pique toute seule sur l’inertie du plomb, sans qu’on ait à ferrer. Notez que le back lead, qui est finalement une plombée coulissante « additionnelle », n’interfère en rien dans le fonctionnement des deux types de montages, c’est un avantage.