Bien souvent, l’ouverture est loin d’être la journée idéale que chacun de nous scénarise en son for intérieur depuis des semaines. On connaît bien le contexte : des mises à l’eau et des spots pris d’assaut, des conditions d’eau et une météo incertaine… Rien de très favorable à une belle réussite, au point que capturer un gros silure dès l’ouverture devient un véritable défi. Comme tous, irrésistiblement appelé, j’essaye chaque année de relever ce challenge. Avec le temps et l’expérience, j’ai définitivement délaissé les plans trop anticipés pour me focaliser sur un maître mot : l’adaptation.
Dernière minute
Dans ma stratégie d’ouverture, la sélection du parcours est un critère déterminant. L’équation est simple : plus on pêche sur un parcours abritant une grande densité de spécimens, plus grande est la probabilité d’en croiser un. Autre lapalissade : plus ces spécimens seront actifs et plus l’éventualité d’une capture augmente. Deux paramètres retiennent d’entrée mon attention : les températures et l’évolution des débits et des niveaux d’eau. C’est donc sur différents sites météos et sur Vigicrues (www.vigicrues.gouv. fr) que débute ma quête. Je privilégie a priori les parcours pas trop éloignés de mon domicile, sans m’interdire pour autant une plus grande mobilité si les conditions du jour l’imposent.
Les températures
La température et ses évolutions ont un impact direct sur le métabolisme digestif et l’activité alimentaire des silures. Il faut donc rechercher des secteurs susceptibles d’offrir le jour J une température d’eau de surface supérieure à 15-16°C. En ce mois de mai, le nec plus ultra, c’est une eau atteignant même les 18°C. Je vais donc concentrer mes recherches sur des secteurs du sud, sud-est, en dessous d’une ligne Lyon-Clermont-Ferrand dans la vallée du Rhône, ou de l’ouest de la France, Pays de la Loire, Nouvelle-Aquitaine. Je m’assure qu’un coup de froid n’est pas prévu sur le secteur choisi dans les jours qui précèdent l’ouverture. Une chute brutale a en effet toujours tendance à figer l’activité alimentaire des silures en cette saison.
L'évolution
Si les valeurs du débit et des niveaux sont des éléments importants, il est également nécessaire de bien considérer leur évolution pendant les quelques jours précédents. Mieux vaut une tendance à la hausse, sans être brutale, tant pour les températures que pour les débits. Un gros refroidissement, une baisse de niveau sont moins favorables
À l'étiage
Les zones favorables étant identifiées, je m’intéresse aux niveaux d’eau. Globalement, si l’ensemble des secteurs sont à l’étiage, je vais privilégier un bief sauvage plutôt que canalisé, de manière à trouver plus facilement des veines d’eau courantes. La pression de pêche et ces niveaux bas, avec donc des eaux plutôt claires, imposent d’emblée d’attaquer les postes avec discrétion. Je vais opter ici pour une pêche au flotteur, aux appâts naturels, en utilisant les veines principales pour faire dériver et présenter mon montage plusieurs dizaines de mètres devant moi. Si j’ai la chance d’identifier de beaux postes de tenue très resserrés, quelques passages avec des leurres durs peuvent éventuellement décider un ou deux individus agressifs.
Niveaux de saison
Sauf sécheresse précoce, les niveaux d’ouverture sont en général légèrement gonflés par les précipitations printanières. Dans ce cas de figure, classique d’une journée d’ouverture, je sélectionne des biefs sur de grands fleuves canalisés. Avec les régulations des débits, je sais que mon embarcation dérivera naturellement, à une vitesse de 1 à 2 km/h en gros, en fonction des méandres.
Option verticale
Ce type de dérive, dans des eaux relativement sombres, plaide pour une stratégie de pêche verticale. Je dispose alors de vers de terre, d’un clonk, de plombs à soutenir et de fireballs mais également de montures vertiglane, plus légères, permettant de présenter appâts naturels et leurres souples avec une précision chirurgicale sur le fond. Pour les journées de grand vent, ou face à de multiples refus sur mes présentations naturelles, une bonne boîte de lames et de lipless ne sera pas de trop !
La crue
Si de fortes précipitations ont fait sortir rivières et fleuves de leur lit, sur place ou dans les secteurs situés plus en amont, je vais plutôt sélectionner les petits affluents, les tributaires sauvages ou les bras morts des grands axes principaux. Ces annexes offrent en effet des zones refuges où un grand nombre de poissons, toutes espèces confondues, remontent pour se mettre à l’abri de ces débits infréquentables. Les silures n’échappent pas à ce type de migration, profitant de l’aubaine pour passer à table au cœur de ces garde-manger facilement accessibles car concentrés dans une zone bien plus restreinte qu’habituellement. Dans ce cas de figure, il est souvent compliqué de prospecter avec un bateau imposant. J’utilise alors un petit pneumatique motorisé pour réaliser quelques prospections, aux leurres souples, sur les bordures.
Au posé
Mais ce que je préfère par dessus tout, pour un maximum d’efficacité, c’est intercepter les plus gros silures au posé. Sur ces petits bras, il est possible de quadriller très vite une zone prometteuse en installant trois ou quatre cannes avec des montages au cassant, à la bouée ou au flotteur sous-marin.
D'où vient la crue ?
Pour l’ouverture, il faut éviter absolument les crues d’eau trop froide, en provenance d’une fonte des neiges. En cas de doute, mieux vaut éviter les biefs situés en aval de confluences avec des rivières qui prennent leur source en montagne. Exemples: l’Aveyron, qui prend sa source dans le Massif central, avant de rejoindre le Tarn ou l’Isère, qui descend du massif des Alpes, pour aller se jeter dans le Rhône.