La crise sanitaire aura malgré tout eu le mérite de nous interpeller sur la place accordée à l’activité pêche dans notre société. La pêche de loisir a en effet été exclue du cercle restreint des pratiques autorisées lors des deux confinements sanitaires imposés par le Gouvernement en 2020. Un contexte qui a vu les termes de sport, activité physique ou exercice physique, utilisés comme des termes interchangeables voire de parfaits synonymes, alors qu’il n’en est rien.
Les définitions
Chacun de ces termes fait en effet référence à des concepts et des pratiques bien différentes. Avant de répondre à la question posée en préambule, il n’est pas inutile de clarifier chacune de ces notions.Celle d’activité physique a été strictement définie par l’Organisation mondiale de la Santé en 2010. Doit être qualifiée comme activité physique, tous « mouvements ou contractions volontaires produits par les muscles (…) qui engendrent une augmentation significative de la dépense énergétique ». Cette définition est utilisée dans le monde entier par l’ensemble des communautés scientifiques. En conséquence, une activité physique peut donc se manifester dans les loisirs, dans certaines activités professionnelles précises (déménageurs, maçons, etc.), la vie quotidienne (jardinage, nettoyage des vitres...) au cours de déplacements non motorisés (marche, bicyclette), et lors de la pratique d’exercices physiques ou de sports.
Exercice volontaire
Différent est l’exercice physique, qui est un temps planifié, structuré et répété d’activités dont l’objectif est d’améliorer les performances d’une ou plusieurs capacités physiques (vitesse, force, endurance, souplesse, adresse, équilibre). L’activité physique développée durant l’exercice physique peut être d’intensité très élevée, et potentiellement perçue comme très dure voire désagréable occasionnant douleurs et souffrance.
Le sport
Enfin la notion de sport fait référence à un sous-ensemble d’activités physiques, dont la particularité est d’être spécialisé et organisé. Sa définition stricte, proposée en 2008 par l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), stipule clairement qu’un sport est une activité qui doit simultanément entraîner l’utilisation d’une ou plusieurs capacités physiques, posséder des règles institutionnalisées et identiques permettant les confrontations d’envergure internationale, avoir pour finalité la compétition et la performance, et enfin être sous l’égide d’une fédération sportive organisant sa pratique et ses compétitions. Pour identifier la place que peut occuper la pêche du silure dans cet environnement bien défini, direction le laboratoire d’analyse du mouvement humain du département des Sciences et Techniques des Activités physiques et sportives de l’Institut national universitaire champollion. À l’aide d’appareils de mesure permettant d’enregistrer l’activité électrophysiologique des muscles, les mouvements clés de la pêche comme le lancer d’un leurre de 50 g à l’aide d’une canne, par exemple, ont pu être étudiés.
Les jambes aussi
Les résultats montrent qu’un nombre important de muscles est nécessaire pour effectuer ce lancer : du tronc et des bras, évidemment, mais aussi des jambes pour assurer l’équilibre du corps pendant tout le mouvement. Un autre appareil de mesure – la plateforme de force stabilométrique – renseigne sur le fait qu’effectuer le geste du lancer provoque un déséquilibre intrinsèque que le cerveau doit gérer. En d’autres termes l’activité pêche permet ici de faire travailler des fonctions motrices essentielles d’équilibre du corps. Les participants à ces expériences ont ensuite réalisé une succession de soixante lancers en soixante minutes, afin de simuler l’activité pêche lors d’une prospection aux leurres.
Avec le froid
En hiver, même bien équipé, les mécanismes de régulation de la température du corps vont augmenter les dépenses d’énergie pour une même intensité d’activité physique. La thermorégulation accentue les dépenses énergétiques dans ces conditions extrêmes.
Physique, en effet
Même sans se déplacer, la répétition de ces lancers a fait augmenter, légèrement mais significativement, la fréquence cardiaque (+ 8 %) et la consommation métabolique (x 2,8) des individus. La consommation métabolique énergétique est en effet passée de 1 MET au repos à 2,8 METs à la fin de la série. Le MET (Metabolic Equivalent of Task) est l’unité de mesure permettant de quantifier, de manière indirecte l’intensité des activités physiques. Un MET correspond au niveau de dépense énergétique au repos, physiquement inactif en position assise. Par définition, une consommation supérieure à 2 METs résulte de ce que l’on doit considérer comme étant bien une activité physique. Pour aller plus loin, équipé de capteurs d’actimétrie (appareils capables d’enregistrer pendant toute une journée ma quantité de mouvement), je suis allé pratiquer pendant plusieurs heures sur l’eau ou au bord de l’eau trois différents types de pêche : verticale en bateau, aux leurres en bateau et aux leurres à pied du bord. Pour les trois, mes contractions musculaires ont engendré une augmentation de ma dépense énergétique : 2,6 METs pour la verticale (l’équivalent d’une séance de yoga, par exemple), 3,5 METs pour la pêche en bateau aux leurres en linéaire (l’équivalent d’une séance de gymnastique douce ou d’une marche à 4 km/h) et enfin 6 METs pour la pêche du bord aux leurres (l’équivalent d’une séance de brasse loisir en piscine ou de rameur). Au regard de ces résultats, il apparaît clairement que la pêche du silure est bel et bien une grosse activité physique. Néanmoins, si on s’en tient aux définitions de l’Inserm, rien ne permet à l’heure actuelle de la caractériser comme étant un sport. Très peu de siluristes pratiquent en effet à des fins de compétitions. Ensuite, les règles institutionnalisées ne sont pas les mêmes d’un pays à l’autre ce qui apparaît aujourd’hui comme l’obstacle le plus important dans cette caractérisation. Les confrontations d’envergure, sous l’égide d’un comité ou d’une fédération internationale, n’existent pas encore dans le milieu silure. Ceci étant, la création de la Fédération française de la pêche sportive (FFPS) en 2015 contribue néanmoins à la démarche d’intégration des pêches à la ligne en eau douce dans le paysage de la jeunesse et des sports. L’intégration de l’espèce silure dans les compétitions nationales carnassiers est un pas supplémentaire important.
Des bénéfices
En résumé, disons qu’à défaut d’être encore clairement définie comme étant réellement un sport, la pêche du silure doit être considérée comme une incontestable activité physique. Pouvant donc, comme bien d’autres, apporter des bénéfices pour la santé et permettre de lutter contre la sédentarité et l’inactivité physique. Envisager la pêche comme un levier permettant de rester en bonne santé, ça n’est déjà pas si mal !
Des efforts intenses
Comme toute pêche itinérante, du bord ou embarquée, celle du silure implique des efforts et donc une certaine dépense d’énergie. Tous les déplacements non motorisés sont d’incontestables activités physiques. La marche à pied, lorsque l’on pêche du bord, par exemple, ou bien le fait d’utiliser des palmes en float-tube, de pédaler ou pagayer en kayak renforcent d’autant la réelle intensité de cette activité.