Avec l’ouverture du brochet, nous pouvons enfin pêcher de nouveau aux leurres. Au printemps, ma quête va toujours vers les premières grosses châtaignes, bannière en tension, canne en main. Peu m’importe la taille des prises, je cherche la touche. Que les silures soient en appétit ou non, en déplacement, plaqués sur le fond ou au cœur des obstacles, ce qui permet d’aller les débusquer en provoquant des touches monstres, ce sont les leurres durs : crankbaits et lipless, bien sûr, mais aussi jerkbaits et longbill minnows. En lancer-ramener, en traction ou sous le simple effet du courant, ils déplacent suffisamment d’eau pour attirer les silures, très sensibles aux vibrations et aux turbulences. Ces derniers sont capables de repérer des proies de fort loin, y compris dans l’obscurité. Il n’y a donc aucune raison valable qui les rendrait insensibles aux leurres durs.
Les leurres de surface
Les leurres flottants permettent de jouer avec la surface de l’eau. On peut ainsi faire du bruit et générer de grandes gerbes avec un popper ou déplacer beaucoup d’eau avec un crawler. Très riche en sensations fortes, sa rentabilité n’est hélas pas au top à l’ouverture, c’est encore un peu tôt dans la saison pour cette pêche pleine de sensations. Néanmoins, je garde toujours un leurre de surface dans ma musette avec, depuis quelques années, un petit faible pour le Whopper Poppler (River2Sea).
Les jerkbaits
Mais au mois de mai, pour pêcher haut dans la couche d’eau, je préfère viser la subsurface aux jerkbaits, surtout si certains cyprinidés ont commencé leur rassemblement d’avant reproduction sur les bordures. J’apprécie de plus en plus ces leurres sans bavette pour rechercher rapidement les poissons retranchés dans des anses peu profondes, ou postés dans les herbiers derrière les premiers gros bancs de brèmes. Massifs et volumineux, les jerkbaits vibrent peu voire pas du tout mais poussent énormément d’eau. Ces leurres sont pourtant sous-exploités, à tort de mon point de vue, par les pêcheurs de silure. Ils sont pourtant synonymes d’une présence volumineuse qui déambule lentement de manière nonchalante et provocatrice. Mes animations pour chercher les silures sont tranquilles, ressemblant plus à des glissades en stop & go paresseux. Je fais glisser mon leurre lentement sur un bon mètre, puis je marque une bonne pause d’au moins une seconde. Je préfère ça à un walking the dog (nage en S très serrée), avec des jerks très secs et cadencés. J’apprécie particulièrement certains leurres comme le Slider (Salmo), le Fatso (Salmo) ou le très célèbre Buster Jerk (CWC). De nombreux leurres artisanaux sont également excellents, le jerkbait étant l’un des modèles incontournables chez tous les crafteurs. En jouant avec les différentes densités, je peux prospecter le premier mètre d’eau sous la surface.
Les crankbaits
Pour aller voir plus bas, à partir de 2 m, je vais opter pour un leurre à bavette, type crankbait ou longbill minnow. Le crankbait est une sorte de 4x4, capable de passer presque partout, incontournable pour la pêche du silure. Ce leurre se caractérise par un corps rondouillard d’une dizaine de centimètres prolongé d’une bavette large. Ne vous méprenez pas sur sa relative petite taille, c’est un très gros générateur de vibrations. Pour ma part, je n’utilise que des modèles dits deep runner, c’est-à-dire grand plongeur, même pour pêcher dans deux mètres d’eau. J’ajuste la profondeur de nage en jouant avec l’inclinaison de ma canne, l’épaisseur de ma tresse et la vitesse de récupération.
Quand on ramène un crankbait, sa position de nage lui permet de dégager les armements et si besoin de venir racler obstacles et substrat sans accrocher. Son utilisation est suffisamment simple pour permettre aux débutants de tirer leur épingle du jeu, mais peut être aussi très subtile, pour offrir à un expert une palette de variantes techniques idéales permettant d’affiner bien des petits détails d’animation. Dès que j’aborde une zone étendue, profonde de plus de deux mètres, avec un fond sableux, rocailleux ou jonché de bois morts, j’opte pour ce type de leurre. Mes préférés sont le Golem 800 (Sakura), le Hornet (Salmo) ou le Dives-To 16 (Rapala). Si en temps normal, j’ai une préférence pour les modèles silencieux, à cette époque particulière qu’est celle de l’ouverture, je n’hésite pas à tenter un modèle bruiteur, type Clackin’ Crank DD (Rapala).
Les longbill minnows
Comme le crankbait, le longbill minnow est lui aussi muni d’une longue bavette capable de le faire plonger profondément. En revanche, son corps mince et effilé tranche avec la silhouette trapue de son cousin. Mes références sont le Crystal Minnow DD (Yo-Zuri) ou le Deep Thunder (Storm). Je l’apprécie tout particulièrement car, entre crankbait et jerkbait, il permet une grande diversité d’animations. D’un côté, avec sa bavette, il développe comme le crank une nage très serrée générant de très fortes vibrations en récupération linéaire. De l’autre, avec son corps élancé, le longbill se prête tout à fait à des stop & go et des glissages lentes à la canne, presque à la manière d’un slider, mais dans des profondeurs bien supérieures. En version flottante ou suspending, les longues pauses pendant lesquelles le longbill remonte voire recule légèrement sur un rendu sont des déclencheurs redoutables !
Les lipless
Les jerkbaits, crankbaits ou longbill minnows ont besoin d’horizontalité pour s’exprimer. Leur action principale et leur trajectoire plongeante sont liées à une progression linéaire, qu’elle soit imposée au moulinet ou à la canne. Difficile donc, avec ces types de leurres, de prospecter efficacement les cassures et les tombants raides alors que ceux-ci sont des postes de choix, abritant souvent des silures au repos. Pour obtenir cette verticalité – et être donc à l’arrivée d’une totale polyvalence en pêchant aux leurres durs –, j’utilise systématiquement des lipless, comme l’excellent Flatt Shad 124 (Sébile), par exemple. Ces leurres dépourvus de bavette, comme leur nom l’indique, sont caractérisés par un point d’ancrage situé sur le dos, une forme approximative de poisson fortement arrondie et deux grands flancs relativement plats. Comparativement aux modèles précédents, les lipless sont très denses et on peut donc les laisser descendre à l’aplomb pour prospecter avec minutie les tombants les plus abrupts. Je réalise l’animation à la canne, succession de tirées et de relâchés. La prospection est ainsi bien plus verticale et permet des actions insistantes au plus près des cassures. Rien de mieux pour enregistrer la première touche foudroyante de la saison !