Malgré leur poids imposant et leur longue silhouette, les silures préfèrent souvent se cacher, affichant pour ça un certain talent. Dans les rivières sauvages présentant une belle ripisylve, les bordures offrent de très nombreux postes pour le repos de nos géants. Outre les tapis et massifs de végétations aquatiques, ils trouvent facilement de formidables caches au travers des rameaux d’un arbre renversé, enlacés dans les racines d’une berge creuse ou, tout en haut de la couche d’eau, sous les houppiers denses couvrant la rivière.
Faciles à trouver
Possibilité d’observation et d’embuscade, thermorégulation, l’ombrage étant capable de limiter d’au moins 2°C un pic de chaleur, meilleure oxygénation de l’eau par photosynthèse, les avantages de ces postes sont nombreux. Le pêcheur estival sait donc où il faut chercher tant ces postes sont aisément identifiables en scrutant attentivement les berges. Mais hélas, quand les poissons sont installés au plus profond de ces antres, ils deviennent inaccessibles avec n’importe lequel de nos leurres.
Les champions
Pour espérer les capturer, il va donc falloir les inciter à sortir. Et pour cela, les buzzbaits, leurres d’allure peu conventionnelle équipés d’une hélice à la place d’une palette ou d’une caudale, sont les champions ! C’est en effet cette hélice, signe caractéristique de ce leurre de surface, qui le rend si spécial et si attractif grâce au bruit infernal (buzz) émis dans l’eau lors de sa récupération. Grâce à leur énorme attirail sensoriel (barbillons, appareil de Weber, ligne latérale) entièrement dédié à la détection des ondes sonores et des variations de pression dans la colonne d’eau, les silures les repèrent immanquablement. Sur le modèle des spinnerbaits, l’hélice remplaçant la palette, les buzzbaits traditionnels, type Huge Buzzbait (Deps) ou I Surrender 23g (Black Maria), sont bâtis à partir d’une armature métallique qui devra être de fort diamètre. Leur tête plombée doit présenter un méplat anguleux sur sa face inférieure pour favoriser la portance du leurre par le flux d’eau lors de la récupération. Les signaux sonores émis par ces leurres sont métalliques et de hautes fréquences. Sur une pause, ils coulent et passent ensuite sous la surface ce qui n’est pas forcément une mauvaise chose. Avec leur hélice montée dans l’alignement de la pointe de l’hameçon, ces buzzbaits n’accrochent quasiment pas. C’est un très gros avantage qui permet de les balancer au plus profond d’obstacles rigides comme les structures de bois et les ouvrages d’arts. Ces leurres trouvent néanmoins leurs limites si on veut pêcher lentement, avec de longues pauses au-dessus de massifs herbeux fila menteux. Sur ces spots, le leurre va descendre dans la couche entre deux phases de récupéra tion, se charger d’herbes, empê chant l’hélice de tourner et de travailler convenablement.
Deuxième type
Par chance, il existe aujourd’hui un second type de leurres à hélice. Il s’agit de leurres de sur face qui ressemblent à des stick baits mais équipés d’une queue formée d’une hélice mono pale, comme le Whopper Plop per (River2Sea) ou le Choppo (Berkley). C e type de leurres va générer des sons de plus basses fréquences que les modèles métalliques et des bruits issus de pressions et dépressions de la couche de sur face, rappelant vaguement ceux, familiers, des clonks à petites pastilles. Ces leurres étant flot tants, il est possible de réaliser toutes les pauses souhaitées. Ils sont donc parfaits pour peigner les grands plateaux herbeux ou être expédiés sous un dense couvert végétal. En revanche, l’armement est en général composé initialement de deux triples bien dégagés. C’est l’idéal pour améliorer le pourcentage de réussites au ferrage… mais beaucoup moins pour passer au travers des enchevêtrements de bois morts très serrés.
Le faire sortir
Ces deux types de buzzbaits sont parfaitement complémentaires pour faire sortir les silures de leur cachette, à condition d’appliquer quelques astuces élémentaires. Il est important, par exemple, de varier ses vitesses de récupération. Mieux vaut éviter de récupérer son leurre mécaniquement, en linéaire et à vitesse constante. Le but est en effet de faire sortir le silure de sa cachette, par opportunité ou curiosité. Il faut donc lui en laisser le temps et, en plus des signaux sonores, tenter d’imiter au mieux le déplacement d’une proie réelle. En milieu naturel, les grenouilles, rongeurs et autres petits oiseaux aquatiques ne se déplacent ni en ligne droite ni à vitesse constante. N’oublions pas en outre que le silure est un grand maladroit. Pour maximiser les chances de réussite, mieux vaut lui offrir l’opportunité de déclencher son aspiration sur une pause. Les twitches peuvent également être très efficaces. On associe souvent l’utilisation des leurres de surface aux eaux chaudes de la belle saison et aux ciels très lumineux. Je ne me suis jamais limité à ces seules conditions. À partir du moment où les tenues de repos des silures sont situées au cœur des embâcles, je ne vois pas de raison valable pour ne pas essayer.
Un petit panel
De gros nuages bas, du vent pour casser la surface de l’eau et vous rendre moins détectables sont à mon avis des conditions qui me paraissent aussi opportunes qu’un grand cagnard de plein été. Il est aussi important d’avoir sous la main un bon petit panel de ces leurres à hélice à disposition. En fonction du biotope prospecté, de la saison, des paramètres environnementaux et des proies les plus abondantes du moment, on peut ainsi mieux jouer avec les tailles, les couleurs et les volumes pour trouver la combinaison du jour, celle qui sera capable de faire sortir les silures de leur tanière.
Ne pas se précipiter
En action de pêche, il est important aussi de rester attentif et de garder son self-control. Si un beau suivi se termine par un énorme remous dans lequel votre leurre disparaît, surtout… ne ferrez pas ! Enfin, pas tout de suite. Nous le savons tous mais cette petite erreur qui coûte si cher, on la commet tous un jour ou l’autre, surtout en début de saison. Pour y remédier, certains préconisent de pêcher sans regarder son leurre. Personnellement, j’ai du mal à ne pas profiter de visu de ces instants fantastiques que sont un suivi et une attaque en surface. Ma routine habituelle est d’effectuer une grande inspiration à la touche afin de retenir ma première envie de ferrer, pour engager un mouvement ample et puissant une fois seulement que le poisson s’est retourné et que son poids a mis ma tresse en tension.
Cinq mètres de cachette
Le seul tronc d’un arbre de bordure comme un bel aulne, par exemple, va déployer un système racinaire dans la berge d’une amplitude linéaire de cinq mètres! De quoi y loger un bon paquet de silures méfiants si les conditions leur conviennent, bien sûr!