Bien que moucheur moi-même, et ayant fait à l’occasion quelques tentatives de pêche des carnassiers au fouet, je n’ai jamais accroché. Je ne conteste ni l’intérêt ni l’efficacité de la technique, mais je la trouve peu adaptée aux pêches profondes ou de gratte près du fond qui sont mes préférées.
Une piste sérieuse
Les streamers en revanche ont toujours attiré mon attention. Le reportage réalisé avec Tanguy Marlin et ses R-Jigs (voir n° 900 de mai) a fini de me convaincre qu’il était temps d’explorer la piste d’une utilisation plus systématique des leurres à plumes et à poils avec du matériel de lancer. Mais d’abord, essayons de répondre à cette question : en quoi des streamers feraient-ils une différence par rapport aux leurres souples ? En fait, il ne s’agit pas d’opposer les deux comme s’il fallait forcément que l’un soit supérieur à l’autre. Les deux ont leurs moments (voir encadré), leurs points forts et leurs points faibles.
Une efficacité variable
Comme tout leurre, le streamer a ses moments. Il est fréquent qu’il prenne facilement du poisson quand le leurre souple est boudé. Mais fréquent aussi qu’il s’arrête brutalement de fonctionner, le souple reprenant alors l’avantage. Je n’ai aucune explication à ce phénomène, c’est juste un constat. C’est typiquement une technique à utiliser quand la pêche est un peu difficile : touches inferrables ou refus. Il peut alors faire des miracles, souvent sur des poissons de taille modeste à moyenne car il est peu sélectif. Sans nier qu’on puisse prendre de beaux poissons au streamer, avec de gros modèles, il semble tout de même être un leurre pour obtenir des touches plus que pour battre un record.
Les atouts du streamer sont évidents. Il ne pèse rien, c’est un leurre furtif, idéal pour les pêches finesse d’autant qu’il réagit aux animations les plus subtiles (du moins certains modèles). Il peut en outre mesurer n’importe quelle taille, y compris dans la gamme de 1 à 4 cm, difficile à exploiter au leurre souple. Un streamer pèse environ cinq fois moins lourd qu’un leurre souple, c’est pour ça qu’il est utilisable avec un fouet. Il permet l’utilisation d’une canne moins puissante, par exemple une medium-light en lieu et place d’une medium, ce qui est parfaitement adapté aux pêches fines sur un matériel assez léger.
Plein... de vide !
Peu de vibrations, faible densité, un streamer, c’est « plein de vide », sa signature acoustique (pour un poisson se fiant à sa ligne latérale) est certainement plus faible que celle d’un leurre plein. Il n’agresse donc pas et fonctionne bien sur des poissons en mode craintif ou neutre, ce qui renforce son intérêt pour les pêches finesse.Il est très simple de fabriquer un streamer de petite taille, en particulier une imitation d’alevin, bien adaptée à la pêche des carnassiers attablés sur les jeunes de l’année ou quand on veut faire du downsizing (diminution délibérée de la taille du leurre). Enfin, le taux de ratés et de décrochages est faible avec un streamer. Il n’y a rien sur quoi le poisson puisse prendre appui et le corps s’efface au ferrage, libérant entièrement l’hameçon. Reste à déterminer comment employer ces leurres qui ne pèsent rien avec une canne à lancer. On peut les lester en tête (plombée articulée avec agrafe) ou les monter directement sur une tête plombée, c’est le principe du R-Jig (Sakura), sur lequel je ne reviens pas. Ce type de montage est bien adapté aux pêches en lancer-ramener ou en traction, donc plutôt rapides. Il faut des streamers faits de poils ou de fibres assez drus ou, en tout cas, ayant du volume, qui ne s’écrasent pas complètement à la traction et déplacent de l’eau.
Drop-shot lourd
Pour les pêches de gratte lente, on privilégie des fibres très fines et souples, comme le marabout par exemple, qui ondulent et respirent à la moindre micro-traction, mais s’écrasent complètement si on accélère. On peut du reste combiner fibres dures et fibres molles, les premières redonnant rapidement du volume aux secondes après une tirée. Pour être franc, je n’ai pas obtenu de résultats notables en verticale avec des streamers sur têtes lourdes. Ça prend du poisson, certes, mais plutôt moins qu’au leurre souple. J’ai lâché l’affaire car j’ai trouvé nettement mieux pour la verticale, avec un montage dropshot lourd (15 à 25 g). Sans doute une question de signature acoustique, la tête plombée densifiant le leurre, au propre comme au figuré.
À tous les niveaux
En revanche, plus généralement, l’utilisation de streamers pour le drop-shot se révèle idéale. En jouant sur le lest, on peut en effet prospecter dans un mètre d’eau comme dans dix avec le même leurre, pêcher en verticale ou à distance, utiliser avec la même canne un streamer de 2 ou 10 cm, la souplesse d’utilisation est très grande. La plombée étant désolidarisée, le streamer garde toute sa liberté, fonctionnant quasiment en apesanteur sur chaque pause. La moindre secousse le fait tressauter et rien ne s’oppose à l’aspiration. Même les touches les plus timides peuvent être concrétisées. L’action de pêche diffère selon que l’on pratique à distance ou en verticale. Dans le premier cas, ce qui m’a le mieux réussi est une récupération par petites tirées d’assez faible amplitude, moyennement sèches, entrecoupée de glissades plus lentes et de pauses plutôt courtes. Mieux vaut éviter les grandes tirées, le plomb doit à peine décoller du fond : c’est du drop-shot, pas du jigging !
Le bon écartement
Pour le drop-shot, notamment en verticale où les grammages sont plus importants, il faut bien éloigner le leurre du lest (50 cm ou mieux encore 60-70 cm). Plus le streamer est petit, plus cet espacement doit être grand. Dans le cas contraire, on s’expose à un double risque : le plomb peut inquiéter le poisson quand on le soulève ou, au contraire, capter son intérêt au détriment du leurre. Il arrive toutefois que des poissons collés sur le fond refusent systématiquement de monter. Dans ce cas, il n’y a pas d’autre choix que de rapprocher le streamer du plomb ou de passer sur tête plombée.
Pêcher lentement
En verticale, mes meilleurs résultats ont été obtenus quasiment sans animation ou avec une animation très lente comme si on sondait pour reprendre le fond tous les mètres pendant que le bateau avance. Il en faut très peu pour faire vivre un streamer en marabout ou autres fibres ultrafines. J’ai constaté qu’un streamer peut donner de très bons résultats dans 10 m de profondeur, c’est-à-dire dans des conditions de mauvaise visibilité, ce qui va à l’encontre de la théorie selon laquelle ce serait un leurre uniquement visuel. Cette première campagne de pêche au streamer m’a conforté dans l’impression que c’est bien un domaine qui mérite d’être exploité. La technique est subtile, fine, plaisante et riche en sensations. Nous y reviendrons sans doute...
Quelques conseils de montage
- Hameçon simple à œillet, de type drop-shot pour les petites tailles ou worm à hampe longue pour les grandes tailles. Deux excellentes références : 7245 (VMC) et LS-5013 (Gamakatsu).
- Couleurs de base : blanc (vif), marron-orangé-verdâtre (écrevisse) et noir (sangsue, ver, insecte).
- Quelques tinsels toujours, mais pas trop. La formation d’un corps (chenille, dubbing) est facultative et sert surtout à donner du volume et à empêcher les fibres de trop s’écraser.
- Pour réaliser un streamer court, on peut fixer une touffe de fibres directement en tête mais aussi plusieurs pour obtenir plus de volume (en dessous et en dessus, par exemple).
- Pour un streamer plus long, on fixe alors des fibres en queue, au milieu de la hampe et en tête.