Nos experts sont unanimes et répondent tous avec engouement à la première question : oui ils sont impatients de pêcher les rivières en crue car ils l’affirment tous, c’est la meilleure saison pour capturer les poissons trophées ! Pour Maxime, qui pêche le silure sur la Loire, c’est le panard ! L’ambiance hivernale sur le fleuve est unique, il y a beaucoup moins de monde au bord de l’eau donc moins de pression de pêche et les poissons sont plus faciles à trouver tant les zones de tenue sont restreintes. En revanche, et ils en conviennent tous, les fenêtres d’activité des carnassiers sont plus courtes. Il s’agit, comme le dit Vincent, d’être au bon endroit au bon moment avec la bonne technique, et surtout d’avoir un moral à toute épreuve.
Le bon moment
La première poussée d’eau charrie beaucoup de détritus et de feuilles mortes en surface, la pêche est alors complexe et c’est quand l’eau est moins sale que les niveaux montent à nouveau et qu’il fait plus froid que Gaël et Vincent commencent à pêcher le sandre. Gaël précise que plus la crue est longue et plus elle est propice aux belles pêches mais aussi que plus l’eau est froide et plus on touche de gros poissons. Vincent, qui s’est spécialisé dans la traque des gros sandres sur la Saône, surveille les débits et les hauteurs d’eau en temps réel sur son Smartphone et attend patiemment qu’ils atteignent les valeurs optimales pour chaque poste avant d’aller pêcher. Maxime, qui connaît la Loire comme sa poche, procède de la même façon avec les silures. Il a des valeurs de référence pour chaque zone et, selon le niveau et le débit du fleuve, il sait où les trouver. Max est le premier sur l’eau car la mise en activité des silures intervient juste avant la montée, c’est pourquoi il surveille les niveaux de la Loire une centaine de kilomètres en amont pour anticiper le phénomène sur son secteur. Une crue brutale oblige les poissons à se déplacer sans cesse et n’est pas propice à la pêche. En revanche quand les niveaux montent progressivement et/ou se stabilisent, les poissons s’alimentent et sont actifs et nos trois spécialistes sont à la pêche. À l’inverse, quand la décrue s’amorce, la pêche est plus difficile face à des carnassiers inactifs et rassasiés. Il faut affiner les techniques pour espérer les séduire et c’est pourtant le moment de la crue que Gaël, qui n’aime décidément pas la facilité, préfère pour pêcher le percidé. Vincent réalise ses plus belles pêches aux heures les plus chaudes de la journée, Gaël fait le même constat dans des eaux très froides mais il arrive tôt et privilégie toujours la stratégie du premier arrivé premier servi sur son secteur où la pression de pêche est forte. Quant à Maxime, il estime que pour la pêche du silure, peu importe le moment de la journée, il n’y a pas vraiment d’incidence sur le comportement du prédateur.
Le bon endroit
Une nouvelle fois, les réponses se ressemblent mais chacun y apporte des précisions et des retours d’expérience. L’hiver, et plus particulièrement pendant la crue qui provoque des rassemblements de poissons, l’essentiel, pour trouver les carnassiers, est de ne pas pêcher dans le vide. La lecture de l’eau est donc primordiale. Un sondeur n’est pas indispensable même s’il vous fera gagner un temps parfois précieux lors des courtes journées hivernales. La plupart des postes sont accessibles du bord, mais le pêcheur embarqué pourra utiliser un éventail plus large de techniques. On privilégie les zones tourmentées avec un mélange d’eau et des amortis proches. Nos experts citent tous les embouchures, les confluences et les zones de calme créées par ces rencontres de courant. Maxime pêche beaucoup de culs d’île sur le fleuve aux berges souvent dégagées, tandis que Gaël et Vincent, sur la Seine et la Saône, pêchent également des entrées de darse. Quand les niveaux et débits sont optimaux sur sa zone, Vincent peut y passer la semaine en attendant le passage des gros sandres. Il ajoute que ce sont des poissons solitaires fréquentant les bordures encombrées et les enrochements non loin les uns des autres.
La bonne technique
On utilise majoritairement des leurres souples pour pêcher le sandre, Gaël est le seul à utiliser quelques poissons-nageurs qui peuvent faire la différence dit-il, notamment sur les secteurs où la pression de pêche est forte. En général, Vincent et Gaël commencent de la même façon, avec des leurres souples de type shad animés lentement en linéaire. Vincent pêche très léger pour offrir une présentation discrète et naturelle, mais aussi pour limiter les accrocs sur le fond. Il conseille de multiplier les passages en essayant des angles différents, trois quarts amont, 100/100 aval et 100/100 amont. Nos deux pêcheurs de sandre passent ensuite à la verticale pour insister sur les zones qu’ils pensent propices ou pour pêcher correctement des zones plus exposées au courant ou encombrées. Le montage carolina est très efficace quand il s’agit de présenter un leurre planant qui dévale avec le courant, Vincent l’utilise beaucoup quand la crue stagne. Au cœur de l’hiver, lorsque les eaux sont très froides, Gaël joue sur la discrétion et troque ses shads pour des leurres souples pintail ou des finesses. Maxime pêche au chatterbait lors de la montée des eaux, il les anime en linéaire lent, à la limite du décrochage de la palette. Puis il change de technique à la décrue, réduit la taille de sa bouchée et la puissance des vibrations et pêche avec des shads de dix à quinze centimètres, montés en texan ou sur têtes plombées.
Le moral d'acier
Observer, analyser, acquérir de l’expérience au bord de l’eau et partager entre pêcheurs pour réussir à trouver les clés qui mènent aux captures. Déterminer le bon timing comme Vincent qui, l’an dernier, a réalisé un triplé de sandres de plus de quatre-vingt-dix centimètres en trente minutes car il a eu le flair de se présenter sur sa zone qui atteignait des valeurs optimales en toute fin de journée. Réussir à trouver la strike zone, comme Maxime qui se souvient de son premier rassemblement de silures sur lequel il a cumulé treize poissons dans l’après-midi et a retrouvé un poste déserté le lendemain. Et enfin, réussir à trouver la bonne technique comme Gaël qui se souvient du jour où il a débloqué la situation grâce à un montage présenté en dérive naturelle dans le sens du courant après avoir constaté une mortalité d’alevins en bordure. Pour réussir pendant les crues, le mental est essentiel ! Il faut avant tout y croire, aller à la pêche et ne pas avoir peur du capot, du froid. Soyez rationnels, comme le dit si bien Gaël : « Ça ne sert à rien de se faire du mal en commençant tous les matins aux aurores, la pêche doit rester un plaisir, mais gardez toujours en tête que la crue est propice à la capture de gros poissons et qu’ils se méritent. »
Les logiciels utiles
Comme nos spécialistes, vous pouvez suivre l’évolution des débits et des hauteurs d’eau des cours d’eau français sur le site vigicrues (https://www.vigicrues.gouv.fr/), depuis votre Smartphone, votre tablette ou votre PC. Vous pouvez également consulter les prévisions à deux jours sur certaines stations météo. C’est un outil indispensable pour savoir quand et où pêcher et ainsi anticiper vos sorties pêche. Sur Smartphone l’application Riverapp fonctionne de la même façon même si elle est un peu moins détaillée et ne fournit pas autant d’informations. Le site de météo France est un bon complément pour connaître les conditions climatiques (vents et pluies) pour les jours à venir.
Profondeur de pêche et turbidité de l’eau
Quentin Dumoutier est hydrobiologiste de métier et passionné d’ichtyologie. En pêchant le sandre sur le Rhône il a constaté que sur un même bief les poissons se tenaient tous à la même profondeur, malgré la différence de débit entre l’amont et l’aval. Il en a donc conclu que ce n’est pas le débit ou la hauteur d’eau mais un autre critère qui influe sur la profondeur de tenue et de chasse du prédateur. Il s’est alors intéressé au niveau de transparence de l’eau et à la quantité de lumière qui pénètre. Ses analyses ont rapidement donné des résultats probants. Pour lui, il existe une corrélation entre la turbidité et la profondeur d’activité des sandres et il a réussi à établir une formule simple à mettre en application au bord de l’eau. Il suffit d’immerger son leurre sous l’eau et d’observer la profondeur à laquelle il disparaît de votre vue. Les sandres actifs se tiennent aux alentours de dix fois la profondeur de disparition, une zone de tenue parfaite dans laquelle le chasseur crépusculaire peut opérer en toute aisance.