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L’été, pensez au poisson mort-manié

En rivière, les lancers courts et précis permettent de faire craquer des gros brochets réputés imprenables.

Crédit photo Vincent de Bruyne
La pêche au mort manié tombe peu à peu en désuétude. À l’époque des associations de défense des animaux, du bien-être animal et j’en passe, la pêche aux appâts naturels a de moins en moins la cote. L’évolution vers une pêche sportive, réputée plus éthique, est aujourd’hui davantage d’actualité. Reste que la pêche au poisson mort manié est incontournable et mérite de faire partie de votre gamme de techniques. Et à chacun de se faire sa propre opinion sur le sujet…

Utiliser un appât fraîchement pêché pour tromper ensuite la méfiance des carnassiers n’est pas nouveau. Nos parents et grands-parents connaissent tous la célèbre monture Drachkovitch pour pêcher au poisson mort manié. Ce fut une révolution, à l’origine de très belles pêches, mais aussi, hélas, de prélèvements abusifs. C’était une autre époque, et les mentalités ont depuis évolué. La pêche au mort manié, bien que moins utilisée qu’auparavant, reste à mon avis une technique à maîtriser pour n’importe quel pêcheur de carnassier. De plus, le catch and release étant plus coutumier dans les modes de pensées actuelles du pêcheur, il suffira donc de relâcher ses prises pour ne plus tomber dans les travers d’autrefois.

N’en déplaise à certains, le mort manié reste une technique phare dans la recherche des carnassiers.
Crédit photo : Vincent de Bruyne

Un large spectre de techniques pour un bon pêcheur

À mes yeux, toutes les pêches sont importantes, et sans dire qu’il faut être un expert de toutes les techniques, les connaître est un vrai plus dans une vie de pêcheur. Il est important de passer par des « stades » qui permettent à chacun de se construire et de comprendre toutes les subtilités liées à notre passion. Ainsi, pêcher la friture les pieds dans l’eau, la truite au toc ou au vairon, la carpe ou encore le carnassier au vif ou au leurre, sont autant d’exemples nécessaires à la bonne compréhension des mœurs des poissons et de l’écosystème dans lequel ils vivent. Il n’y a pas de technique ou de pêche plus valorisante l’une que l’autre, il n’y a que des pêcheurs qui s’adonnent à leur passion ! Il faut respecter une certaine construction, un certain cheminement dans son parcours de pêcheur et ne pas brûler les étapes. Surtout, ne pas se dire spécialiste de telle ou telle technique et dénigrer les autres, sans même en connaître les bases. Le sectarisme est ce qu’il peut y avoir de pire dans la pratique de notre sport ! De mon côté, le choix est fait, et je ne dénigre pas une petite pêche au mort manié. Certes, je suis un adepte de la pêche du brochet et plus largement du carnassier au leurre, mais je n’ai pas oublié d’où, je viens. Il me semble important de savoir s’adapter aux conditions pour prendre du poisson toute l’année, surtout lorsque l’on est guide de pêche. Alors, une fois en été et au début d’automne, le mort manié devient une technique clé pour que mes clients puissent être satisfaits !

En été, l’aval d’un barrage est souvent un poste de choix.
Crédit photo : Vincent de Bruyne

Le bon moment pour le manié

Pourquoi me direz-vous ? Je ne voudrais pas faire de généralités, mais chez moi il y a toujours un moment de l’année où la pêche aux appâts prend nettement le dessus sur le leurre, surtout en rivière. Cela coïncide tout le temps avec l’été et les fortes chaleurs, et cela peut durer jusqu’au début de l’automne. Je ne pêche pas exclusivement au mort manié bien sûr, mais disons que mes montures me suivent souvent. En effet, les eaux chaudes de l’été regorgent de vie dans la rivière : chevesnes, gardons, ablettes, rotengles, brèmes… et les brochets n’ont alors aucun mal à se nourrir. C’est à ce moment précis, lorsque la rivière est en effervescence, que la pêche au leurre devient la plus dure. Le mort manié est alors la technique reine pour sortir son épingle du jeu.

On ne boude pas notre plaisir, les silures sont également addicts de ces présentations
Crédit photo : Vincent de Bruyne

Pour la petite anecdote, cela fait quelques années que je pêche au mort manié pendant l’été. Mais l’été passé restera longtemps gravé dans ma mémoire. La pêche était devenue particulièrement dure en rivière après un mois de juillet exceptionnel au leurre. Je m’entêtais à pêcher et guider au leurre, mais les résultats n’étaient pas à la hauteur de mes espérances ni de celles de mes clients. Seulement j’étais borné, je n’avais pas envie de pêche au mort manié, pas envie de faire de vifs. Je me disais que je finirais bien par trouver « un truc » au leurre qui viendrait débloquer la situation. Mais non ! C’est lors d’une discussion avec Sylvain Duvinage, célèbre guide de pêche en France ainsi qu’en Irlande et responsable d’une agence de voyages de pêche, que le déclic arriva. Sylvain fait partie de ces pêcheurs guides à qui il faut peu de choses pour réussir une partie de pêche. Un peu de feeling, une grosse expérience et surtout une adaptabilité à toute épreuve. Voilà la clé, s’adapter et ne pas rester sur ses acquis, ses certitudes. Il m’a dit : « Pourquoi tu ne pêches pas au manié ? L’eau est claire, il y a du poisson partout, il fait chaud, c’est normal que tu ne fasses pas grand-chose au leurre ! » Mais oui, mon obstination pour le leurre, et peut-être aussi la flemme de pêcher des vifs m’ont joué des tours… Ni une, ni deux, je me suis mis à pêcher mes rotengles et mes gardons dans la rivière afin de m’assurer un stock de poissons pour mes prochaines sorties, avec le secret espoir de « cartonner » de nouveau. J’en étais persuadé d’avance, mais il m’a fallu ce déclic. Merci Sylvain, la descente en canoë suivante sur la rivière, nous capturions un brochet record de 114 cm avec un gros rotengle monté sur une monture mort manié. Moralité : oubliez vos certitudes, adaptez-vous, une belle sortie ne tient souvent qu’à un fil…

De jeunes pêcheurs qui incluent le mort manié dans le spectre de leur technique.
Crédit photo : Vincent de Bruyne

L’éloge de la simplicité

Je pêche donc au mort manié une partie de l’été et de l’automne. Pour cela, rien de plus simple : je pêche mes appâts, je les stocke, et me voilà prêt. Cette pêche se pratique aussi bien du bord qu’en bateau, en canoë ou toute autre embarcation, et ne nécessite que très peu de matériel. Une boîte avec quelques montures préparées en avance, une agrafe pour pouvoir changer rapidement et facilement de taille de monture, des hameçons de rechange, quelques chevrotines pour adapter la plombée en fonction de la taille du poisson et de la profondeur pêchée, et le tour est joué. Une canne spinning et son moulinet constituent les éléments de base de cette pêche simple et efficace, en somme. Les biotopes dans lesquels je pratique cette pêche sont les rivières et les lacs.

L’été, les pieds dans l’eau, le manié est une pêche très ludique
Crédit photo : Vincent de Bruyne

L’approche en rivière

Je pêche surtout les rivières petites à moyenne, encombrées et à l’eau claire. J’aime l’idée de voir ce qu’il se passe sous l’eau, de ne pas lancer loin et d’adapter ma pêche à la taille des poissons blancs observés. Ainsi, j’opte pour une pêche avec de gros appâts en été : gardon, rotengle, brème de 15 à 25 cm (une main environ) ; avec l’automne arrivant je diminue la taille pour pêcher avec des poissons de 10-12 cm. La technique est simple, je lance près des branches, au-dessus des herbiers, et fait évoluer mon poisson mort le plus naturellement et le plus planant possible. C’est pour moi une des bases de la réussite. Pour cela, soit je monte mon appât sur des montures Drachko (lorsque je veux une animation plus saccadée du fait du plomb mobile en tête), soit j’attache mon poisson sur la monture et je décale le plomb de 10 cm devant la bouche du poisson. On obtient une nage plus planante et souvent plus prenante sur le brochet. La touche se manifeste souvent par une lourdeur dans la canne, comme si l’on accrochait un herbier. Pas de place au doute, il faudra ferrer.

Lorsque la rivière est en effervescence en raison de la présence des poissons blancs, le mort manié s’impose logiquement.
Crédit photo : Vincent de Bruyne

Faire ricocher son poisson mort avant d’arriver dans l’eau est très bon, car cela permet de mettre en éveil les brochets curieux, mais aussi les silures. Ces derniers sont friands de ce type de lancers répétés. Cela les fait sortir de leur cache pour sanctionner le pauvre petit gardon qui passe dans le coin. Touche à vue et sensations garanties. J’ai pratiqué l’été dernier en canoë pour le silure, et je recommencerai cette année ! Restez sur vos gardes, car on attrape aussi bien des silures que des brochets sur les mêmes spots. Je me souviens d’une descente en canoë avec Loïc, où il a capturé neuf brochets et dix silures dans la même journée, avec à la clé un doublé silure-brochet sur le même poste.

Un petit gardon, idéal pour tout attraper, gros ou petit carnassier. On notera la présence d’un triple seulement
Crédit photo : Vincent de Bruyne

La prospection en grand lac

En lac, je pêche essentiellement au mort manié à la fin de l’été et au début de l’automne. Je pêche surtout avec des appâts de 10 à 15 cm, plus commodes à lancer qu’un gros gardon de 25 cm. Par ailleurs, à l’inverse de la rivière, on pêche en lançant plus loin. L’action de pêche reste assez simple. Soit on laisse toucher le fond et on pêche en animant proche du fond, soit on pêche entre deux eaux (comme au leurre) très planant, en montant la canne et en laissant retomber bannière légèrement détendue le poisson mort. La touche a souvent lieu à ce moment, sur la descente. On ressent alors un petit toc, et au moment où l’on tend la ligne, on sent une lourdeur. Il faudra ferrer énergiquement et amplement pour bien piquer le brochet. On peut pêcher les cassures d’herbiers, les éboulis rocheux, les arbres et forêt immergés… Bref, les types de spots habituels en grand lac. Une technique qui marche incroyablement bien en bateau consiste à repérer le carnassier à l’écho sondeur et à laisser descendre le poisson mort manié sous son nez. La touche arrive souvent très rapidement…

On ne lance quasiment pas un gros manié, on le pose devant le carnassier.
Crédit photo : Vincent de Bruyne

Pour limiter les accros sur le fond ou dans les arbres, j’aime bien ne mettre qu’un seul triple sur mes montures. Il suffit alors de rendre la main avant de ferrer, et c’est toujours piqué au coin de la gueule. Qui plus est, avec un seul triple, on abîme moins les brochets ou autre carnassier. Évidemment, pour les gros poissons appâts, je mets deux triples bien dimensionnés afin de ne pas trop rater au ferrage. J’utilise alors une canne spinning courte et puissante (2,10 m maximum, puissance 30-80 ou 60-120 g) en rivière pour extraire d’autorité un silure ou un brochet d’un tas de bois. En lac, on peut utiliser une canne plus longue (2,20 à 2,40 m). On adaptera la grosseur de la tresse en fonction du biotope : 30/100 pour les gros appâts et les pêches fortes en lac, 20/100 pour les pêches plus fines en lac ou en rivière avec des appâts plus petits. Le spinning offre l’avantage de mieux animer son poisson qu’un combo casting. Le succès de la pêche aux appâts réside aussi dans la qualité de ces derniers. Des poissons frais, conservés vivants, seront plus efficaces que des poissons congelés. Ils tiennent mieux sur la monture et sont moins déchiquetés lors des combats et des lancers répétés. J’affectionne beaucoup cette pêche, surtout en rivière. Elle offre l’avantage de nous sortir de nos habitudes, mais surtout elle fait prendre des poissons que l’on ne voit pas le reste de l’année. Vous savez, ces poissons méfiants que l’on connaît tous mais que l’on n’arrive pas à attraper. Il y a fort à parier que si vous lui lancez un joli poisson mort manié bien présenté, ce fameux carnassier ne saura pas résister et posera rapidement devant votre objectif avant de retrouver son élément !

Un gros rotengle, armé de deux triples, et nous voilà prêts.
Crédit photo : Vincent de Bruyne

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