S’il suffisait de faire passer un montage à toutes les profondeurs pour enregistrer une touche dès qu’on traverse la « bonne » tranche d’eau, ce serait simple et rapide. Mais ce scénario idéal (qui peut se produire à l’occasion…) est contrarié par le fait que les carnassiers ne sont pas forcément partout ni mordeurs en permanence. On peut donc pêcher la bonne profondeur, ou même toutes les profondeurs, sans obtenir la touche de confirmation.
Gagner du temps
Il est donc préférable d’agir avec méthode. La compréhension des phénomènes biologiques qui régissent la profondeur où s’installent les poissons a fait l’objet de la première partie de cet article. Je n’y reviens donc pas si ce n’est pour rappeler que la théorie peut faire gagner du temps mais ne vaut rien tant qu’elle n’a pas été validée par la pratique. On a déjà là un début de méthode rationnelle : formuler l’hypothèse la plus vraisemblable et tenter de la valider. Si je pêche en hiver un biotope profond à l’eau claire, par exemple, le plus probable est que le poisson se tiendra assez profond. Je ne vais donc pas commencer par explorer des zones plates de faible profondeur. On peut tenir le raisonnement inverse au printemps, où il est plus logique de commencer par les zones peu profondes. Mine de rien, je viens d’exclure entre 30 et 50% du biotope de mon champ de recherche, voire plus si j’élimine aussi les zones ultra-profondes (au-delà de 15-20m) ! Soit que je les estime impropres à la présence de poissons, soit que je ne souhaite pas pêcher aussi profondément pour éviter les accidents de décompression. Je me fixe donc une tranche de profondeur à tester en priorité. Si l’idée est que ça devrait se passer assez profond, mieux vaut commencer par une pente assez rapide plutôt qu’une zone à faible déclivité. Pourquoi ? Parce que je peux, avec une dérive de 100m, passer de 5 à 15 ou 20m. Sur une pente douce, la dérive devra faire 500m ou plus pour couvrir la même déclivité, ce qui entraînerait une trop grosse perte de temps.
L'option verticale
Je parle de dérives et non de lancers, parce que je me place dans l’hypothèse d’une prospection en bateau et en verticale, la méthode la plus efficace, et de loin, pour trouver rapidement la bonne profondeur. C’est la seule technique qui permette de suivre son leurre des yeux au sondeur, d’observer des réactions de carnassiers à son passage et donc de vérifier leur présence à une profondeur donnée. Il est très rare qu’un carnassier laisse passer un leurre sans réagir ! La curiosité le pousse généralement à s’approcher un peu, et donc à décoller du fond, trahissant sa présence. On arrive ainsi à trouver cette fameuse «bonne » profondeur sans enregistrer la moindre touche. Le gain de temps est alors énorme.
Une dérive type
Prenons un cas de figure concret. J’attaque ma dérive en commençant sur un fond de 4m pour m’éloigner vers le large, donc vers le plus profond, les yeux rivés sur le sondeur, vitesse réglée pour que le leurre apparaisse à l’écran. Parvenu sur un fond de 8m, deux poissons, probablement des sandres ou des perches, décollent du fond et s’approchent du leurre. Ils suivent un instant mais redescendent sans prendre. Je continue ma dérive et vers 12m, un autre poisson vient voir sans prendre non plus. Je continue encore jusque vers les 15 ou 20m, mais plus rien…
La confirmation
À partir de toutes ces indications, j’ai le choix entre refaire une dérive identique sur cette pointe ou sur une autre. J’essaie de confirmer l’hypothèse selon laquelle le poisson se tiendrait entre 8 et 12m (et accessoirement sur tel type de substrat et de pente en particulier). Si l’hypothèse se vérifie après plusieurs dérives, même sans avoir pris de poisson, j’ai déjà un plan d’attaque pour la suite. Il reste à trouver ce qui les fera mordre. Car, dès l’instant où je pense avoir enfin déniché cette bonne profondeur, ma stratégie va totalement changer. Il devient bien plus efficace de pêcher cette profondeur en permanence et donc de suivre une courbe de niveau. Concentré sur ces 8-12m, j’optimise mon temps de prospection, que je continue en verticale ou passe au manié.
Les zones rentables
Je peux également rechercher des zones plates de cette même bonne profondeur, car il arrive qu’à certaines époques de l’année les carnassiers se répartissent sur des fonds monotones sans structures particulières, type sortie de baie plate ou plateau profond. C’est parfois plus rentable que de pêcher les pointes ou les pentes. Dès le début, je me suis placé dans l’hypothèse d’une pêche hivernale, avec des poissons scotchés sur le fond, dans une tranche d’eau précise et non mordeurs. Le pire des scénarios, en quelque sorte… mais il va de soi que l’on peut rencontrer des conditions plus favorables.
La bordure
Il arrive par exemple que l’on croise la route de poissons mordeurs ou décollés du fond, donc détectables au sondeur, en navigation raisonnablement rapide. Le gain de temps peut se révéler là encore très important. Mais que faire si mes dérives successives ne font décoller aucun poisson ? Si l’hypothèse la plus probable ne donne rien, il faut en tester d’autres. En particulier, la zone de bordure car n’oublions pas qu’en hiver la température est la même partout. Rien n’empêche un poisson de se tenir dans 2m d’eau si c’est son choix. Ce n’est pas la norme mais ça ne peut pas être exclu, surtout en présence d’herbiers en bordure.
Fuir la routine
On peut également vérifier la présence de poissons pélagiques en pleine eau, tester d’autres types de substrats ou de structures, d’autres secteurs du lacs et même, en dernier lieu, les zones et profondeurs les plus improbables. C’est un travail de détective où chaque indice compte et qui doit être sans cesse remis en question, notamment en cas d’épisode météo majeur ou de sorties espacées. La routine et les a priori sont nos pires ennemis, et il faut s’imprégner d’un principe que Lapalisse, dont j’ignore s’il fut pêcheur, n’aurait pas renié : « Si le poisson n’est pas là où il devrait être, c’est qu’il est là où il ne devrait pas être…» Bonne traque !
La répartition par tailles
Les classes d’âge d’une même espèce peuvent se répartir différemment. Un cas fréquent est d’observer les jeunes dans une couche d’eau, les adultes dans une autre et les plus gros sujets encore ailleurs. L’idée selon laquelle plus un poisson est gros, plus il se tient profondément est globalement fausse même si ça peut se produire. Bien souvent, c’est le contraire et en hiver il est fréquent que la taille diminue avec la profondeur. C’est particulièrement évident en présence de comportements pélagiques: les gros sont décollés, petits et moyens sont bien au fond. Si une profondeur ne rapporte que les plus petits, il faut envisager que les gros soient dans une autre tranche d’eau, une autre option étant qu’ils sont bien là mais inactifs.
Le poisson fourrage
La présence de poisson fourrage en quantité est évidemment un indice fort. Dans certains milieux pauvres en structures, on pourrait même baser une méthode de recherche uniquement là-dessus. Mais ce n’est pas le cas partout, certains milieux pauvres n’en révèlent aucune concentration. Il arrive également, en hiver surtout, qu’il y en ait mais qu’elles n’attirent pas les carnassiers, pour des raisons assez inexplicables. Mais il va de soi que la présence de poisson fourrage en abondance est un plus. Un tel secteur doit être testé en priorité ce qui ne dispense bien sûr pas de chercher la bonne profondeur, souvent juste en dessous de celle à laquelle se tient ce fourrage.