Il faut dire que leur plage d’utilisation est immense et qu’ils prennent des poissons de toutes tailles. Si d’aventure il faut descendre en taille ou proposer « du lourd », ils répondent encore à l’appel, et contrairement aux leurres durs, ils peuvent se modifier en un clin d’œil. Enfin, et ce n’est pas le moindre des détails, leur matière même facilite les ferrages, même en très grosse taille, ce qui n’est pas rien dans la pêche du brochet ! Et puis, ne gâchons pas notre plaisir, avec un peu de bricolage, ils ont un coût très raisonnable comparé à leurs homologues en résine, même si certains gros modèles du marché font une crise de jalousie et n’hésitent pas à concurrencer une Rolex.
Un peu de terminologie
Il y a souvent des confusions, ou du moins des désaccords, sur les appellations des différentes techniques d’animation des shads. Nous distinguons différentes approches : la pêche verticale qui se fait à l’aplomb du bateau, la pêche en traction, qui consiste à exercer de grandes tirées à travers la couche d’eau, la pêche en lancer-ramener (ou à gratter) qui consiste à animer son leurre en gardant le contact avec le fond et enfin la pêche en linéaire. C’est sur ce terme que tout le monde n’est pas d’accord. Pour certains, elle correspond à l’animation précédente (à gratter), pour d’autres, c’est clairement un lancer-ramener sans animation : du cranking en sorte. C’est à cette dernière définition que nous nous rapporterons dans cet article, c’est-à-dire une pêche (généralement en casting) avec une récupération continue sans animation à la canne. Seuls l’angle de la canne ou la vitesse de récupération peuvent changer! Soyons clairs : nous ne parlons pas ici d’aller taquiner les sandres avec des leurres souples de 10 cm. Nous parlons brochet et les shads sont à l’avenant. Nous avions déjà évoqué dans un article précédent la formidable versatilité des shads ramenés en linéaire et leur redoutable efficacité. Alors sortez votre canne casting XH, votre tresse 30/100 et c’est parti !
Leurres durs versus shads
Contrairement aux Américains qui emploient énormément la catégorie des crankbaits, les Français utilisent assez peu cette technique. Paradoxalement, le « cranking » de leurres souples, lui, s’est répandu fortement en France et en Europe. Les brochets réagissent très bien à cette technique qui permet de faire passer dans n’importe quelle couche d’eau des leurres volumineux mais pas trop lourds. En effet, un gros leurre souple de plus de 25 cm pèse rarement plus de 100 g et reste donc maniable. L’idée est de mouliner et de ramener son leurre souple sans animation. L’orientation de la canne et la vitesse de récupération déterminent la profondeur à laquelle le leurre évoluera ainsi que sa trajectoire. Avec une canne tenue basse et un cranking lent, le leurre descendra davantage et sa trajectoire sera très plongeante. À l’inverse, avec une canne tenue parallèlement à la surface et une récupération plus soutenue, la trajectoire sera plus rectiligne et le leurre descendra beaucoup moins. À vous de jouer sur ces deux facteurs pour décider de la course de votre leurre souple : rectiligne dans une seule couche d’eau ou parabolique en traversant différents paliers.
Le choix des armes
L’offre du marché est aujourd’hui pléthorique et les différents modèles offrent des formes comme des coloris innombrables. Chaque leurre souple possède sa propre spécificité. Le volume du corps, la forme de la caudale et la dureté de la gomme offrent des combinaisons infinies qui influent directement sur la nage. Ainsi, le rolling et la puissance des vibrations varient considérablement d’un modèle à l’autre. Personnellement, je favorise les shads à gros rolling pour les pêches lentes entre deux eaux ou sur le fond. A contrario, je préfère les modèles plus « stables » pour les pêches rapides de réaction. Le cranking shad passe par tous les étages. S’il permet de faire évoluer son leurre dans 5 ou 7 m d’eau, c’est également le cas dans 20 cm. Le screw rig, parfois également nommé shallow rig (montage peu ou pas plombé, vissé dans le nez du leurre qui aligne un ou deux hameçons ventraux cloués dans la gomme, qui se libèrent à la touche), illustre bien la tendance du moment. Cet armement ventral permet de ramener en linéaire de très gros leurres souples juste sous la surface, dans très peu d’eau. Non content d’être très efficace au ferrage et de décrocher peu de poissons, ce montage est idéal pour passer dans une zone de shallow juste au-dessus des herbiers. Les gros brochets aiment les grosses bouchées qui déclenchent souvent des réflexes d’opportunisme alimentaire. Généralement très peu plombés, ils peuvent être ramenés sans animation, très lentement. Peu de leurres peuvent proposer un aussi gros volume, émettant de fortes vibrations à vitesse réduite, qui plus est dans ce type de zone… Là réside sans doute son efficacité. Pour pouvoir pêcher un peu plus vite ou un peu plus profond, il est possible d’alourdir un montage screw rig en ajoutant du plomb sur le nez du leurre. Mais très vite, ce montage trouve ses limites et de nombreux pêcheurs se tournent alors avec raison vers le montage 360 ou « hélicoptère ». Celui-ci consiste à armer son leurre d’une tête plombée, directement reliée à un triple ventral par une empile qui passe dans la gomme. L’hameçon est souvent relié à l’empile par un émerillon rolling qui limite les décrochages et la détérioration du leurre souple. Avec ce type de montage, la philosophie change et il n’est plus question d’aller flirter avec la surface. Le leurre va descendre plus profondément, surtout si vous ralentissez la vitesse de récupération. À ce stade, un nouveau facteur déterminant apparaît, le grammage de la tête plombée. Celui-ci va influencer directement votre façon de pêcher. La vitesse à laquelle le leurre évolue dans l’eau est souvent la clé de la réussite. Et les brochets réagissent parfois très bien aux animations très rapides… Si votre leurre souple ne déclenche rien en nageant lentement à la surface, il est fort possible qu’il ne laisse pas les poissons indifférents en passant très vite juste au-dessus des herbiers. Les poissons n’ont pas le temps d’analyser la proie et ce sont les réflexes qui les font réagir.
Le paramètre essentiel qu’est la vitesse de récupération
Un grammage important va induire une vitesse de récupération importante pour que votre leurre ne touche pas le fond ou les herbiers. Et plus vous plomberez, plus il faudra aller vite… C’est une équation extrêmement importante. En supposant donc que vous vouliez pêcher à une profondeur donnée, c’est le grammage qui déterminera votre vitesse de récupération. Pour pêcher vite, il ne faut pas hésiter à plomber lourd, c’est-à-dire entre 15 et 30 g. Ce poids varie d’un leurre souple à l’autre en fonction de sa « portance ». Si vous mettez une tête trop légère, ou vous n’irez pas assez vite, ou vous serez trop près de la surface. Il faut parfois tâtonner un peu pour trouver la bonne équation vitesse/grammage/profondeur afin de déclencher des touches. Il faut parfois aller vraiment vite pour provoquer des attaques, et quand je dis vraiment, ce n’est pas un vain mot. Certains clients n’y croient pas et il faut que je leur dise régulièrement « mouline plus vite, mouline plus vite ». Jamais un leurre n’ira trop vite au point de ne pouvoir être intercepté. N’oubliez pas que le brochet possède une des plus grandes accélérations du règne animal… jusqu’à 15 mètres par seconde en pointe ! À l’opposé de cette approche, la récupération en linéaire peut être hyperlente. L’idée est de faire évoluer son shad de façon rectiligne mais à très faible vitesse. Il faudra alors très peu plomber pour pêcher entre deux eaux. Personnellement, j’ai tendance à pêcher vite et je me force à vraiment ralentir quand la pêche est très difficile. Ceci est particulièrement vrai en période hivernale avec des eaux froides. Je fais alors le pari des poissons apathiques, posés sur le fond, et j’effectue mon cranking « à deux à l’heure », le leurre au ras du fond, voire posé sur celui-ci, avec une vitesse de récupération à peine suffisante pour déclencher sa nage… Dans ce cas, je n’hésite pas à supprimer le triple ventral pour le remplacer par une empile dorsale, ce qui limitera considérablement le ramassage de tout ce qui traîne sur le fond…
Une offre conséquente
Les magasins d’articles de pêche regorgent de gros shads à armer avec une tête plombée et un triple ventral : les Dexter Shad (Illex), Shad Teez (Westin), Pro Shad (Fox) ou T-Bone (Storm) en sont autant d’exemples. Mais il existe des variantes intéressantes. Je pense aux shads pré-armés, comme le fameux Replicant (original pour pêcher creux ou shallow afin de passer au-dessus des herbiers), ou aux shads hybrides comme le Peto (Rapala), redoutable aussi bien en sub-surface à faible vitesse, que lesté avec une plombée additionnelle et ramené vite 30 cm sous la surface… Enfin, les gros hameçons texans avec des palettes sont également de supers « supports » pour un shad ramené en linéaire. La palette apporte un vrai plus et le texas rigging permet de prospecter dans des zones plus encombrées… Les 7346 Swimbait Blade de VMC sont parfaits pour cet exercice. Le monde du shad en linéaire est de plus en plus vaste, et certains ne jurent plus que par cette technique. La plupart des eaux se prêtent bien à ce jeu, ce qui en fait une technique vraiment passe-partout. Elle est hyperefficace sur les brochets modestes comme sur les plus gros. Beaucoup de spécialistes ont d’ailleurs abandonné les leurres durs pour leur préférer de gros leurres souples. Si vous n’avez jamais franchi le cap, c’est le moment. La mise en œuvre est simple et rapide, et les résultats seront vite au rendez-vous. Si vous êtes déjà convertis, n’hésitez pas à mettre en œuvre une des nombreuses variantes décrites plus haut, avec une mention spéciale pour la récupération rapide… Prenez vos premiers poissons comme ça, et quand la confiance sera là, les cartons ne seront pas loin !