1. L'ancêtre : la cuiller ondulante
J’ai déjà écrit plusieurs sujets sur ce leurre, vieux comme Hérode, et souvent délaissé à cause de son petit côté « vétuste ». J’ai pour habitude de dire que si je n’avais qu’un leurre à garder dans ma boîte, ce serait une « ondulante », tant elle est polyvalente en matière d’espèces recherchées et de techniques qu’elle peut mettre en œuvre.
La cuiller ondulante peut tout faire, partout dans toutes les couches d’eau. Impressionnante. Sa conception en métal lui procure de puissantes vibrations, sans « bruits » parasites. Elle se lance loin, même à contrevent, et les coloris bruts émettent des flashs lumineux attractifs. Enfin, son prix modeste la met à portée de toutes les bourses!
Pour gratter le fond
Si on peut twitcher la cuiller ondulante sous la surface à la belle saison un peu à la manière d’un minnow, ce n’est pas l’action que nous privilégierons à cette saison. En effet, les eaux froides provoquent un cantonnement des poissons en profondeur et nous jouerons sur sa forte capacité d’immersion en papillonnant. À distance, l’ondulante permet de « gratter » efficacement sur le fond en imprimant une sorte de « tirer-relâcher », à la manière d’un leurre souple. Ne négligez pas l’effet réaction en la laissant posée sur le fond, puis en la décollant fortement par une brusque tirée avec beaucoup d’amplitude. Laissez-la retomber en papillonnant presque sans garder le contact. Une bonne ondulante possède une nage erratique à la descente que vous devez sentir dans la canne à travers une succession de « mous » et de petites tirées. Pendant cette phase de redescente, si vous gardez le fil tendu, vous aurez tendance à brider la nage. Or, 90% des touches ont lieu pendant cette séquence. Il ne faut pas hésiter à ferrer au moindre doute si la touche n’est pas franche…
Touche à la descente
Sur les grandes étendues où les poissons ne sont pas vraiment localisés, je m’en sers souvent comme d’un leurre réaction à jigger. Je laisse l’ondulante partir en dérive en prenant contact avec le fond à l’aplomb du bateau. J’exerce une forte traction verticale, puis la laisse redescendre sans rester au contact ; un peu à la manière d’un plomb palette, mais avec plus d’amplitude. Pour ce faire, j’aime les cuillers assez effilées, qui sont plus hydrodynamiques et qui prennent moins appui sur l’eau, ce qui aura pour effet de limiter l’angle de la ligne avec la canne lors de la dérive. La touche a toujours lieu à la descente, et ceux qui ont pêché avec moi savent combien c’est efficace ! Évidemment, on pêche à l’arrière de la dérive de façon à ce que le leurre ne soit pas sous le bateau. Plus la dérive est rapide et plus le fil prendra de l’angle. Il faut alors redonner de la bannière pour rester au contact du fond.
Dans le fourrage en papillonnant
Le clou du spectacle a lieu lorsque vous avez une détection importante de poissons fourrages. De beaux échos de brochets, posés bien tranquillement au milieu de cette manne, vous invitent à faire passer un joli leurre souple à proximité. Pourtant, rien ne se passe et que vous pêchiez dedans, à côté ou au-dessus, rien ne semble vouloir les faire bouger. Vous alternez traction et cranking, variez les vitesses, changez les grammages et les leurres souples : rien. Si ce n’est pas systématique, la cuiller ondulante est souvent la solution. Lancez-la sur la détection et laissez-la descendre en papillonnant dans le fourrage. Les pulsations erratiques émises lors de cette descente vont « éclater » le banc puis provoquer une attaque que l’on croyait devenue impossible. Il est difficile de donner une raison rationnelle à cette efficacité, refusée aux autres leurres. Ce que je peux garantir cependant, c’est que je l’ai souvent vécu, avec à chaque fois une pointe d’étonnement.
2. Les spinnerbaits
Indémodables, les spinners ont envahi nos bacs il y a déjà de nombreuses années. S’ils sont apparus en France il y a 20 ans, ils se sont vraiment démocratisés depuis dix ans. Initialement conçus pour la pêche du bass aux États-Unis, ils se sont imposés en France sur la pêche du brochet. Tout le monde connaît ce classique aujourd’hui, et je ne vais pas revenir sur sa conception qui lui permet de passer facilement en milieu encombré.
Dans une ballastière, par un beau jour ensoleillé, vous pourrez sortir et utiliser vos spinners de façon assez classique, car les grosses perches et les brochets peuvent remonter dans peu d’eau pour profiter de la chaleur du soleil et pour croquer les quelques blancs qui auront eu la même idée, mais en général, c’est au fond que ça se passe. L’idée de « gratter » au spinner n’est pas évidente ; pourtant, c’est une vraie possibilité. Il faut faire le choix de modèles assez lourds, entre 14 et 21 g, afin de descendre rapidement vers le fond et de prendre contact avec lui. L’animation est simple, mais demande du calme et de l’application. Il suffit de mouliner tout doucement afin que votre leurre évolue au ras du fond. Le poids relativement élevé de votre spinner vous aidera dans cet exercice. Communément appelé « slow rolling », cette approche décide tous les poissons : brocs, grosses perches et sandres ! Sur des fonds sableux ou limoneux, votre trailer soulèvera un petit nuage de sédiments. Dans les fonds plus encombrés, vous retrouverez les avantages du spinner qui s’accroche peu !
Le trailer, un plus pour le brochet
Peu de pêcheurs utilisent cette technique, et les poissons y sont finalement peu habitués, ce qui est un avantage, on s’en doute. Le trailer donnera plus de volume à votre spinner et augmentera les signaux émis. C’est souvent un plus pour le brochet et comme à cette saison on ne recherche pas forcément la vélocité ni l’agilité, il serait bête de s’en priver. De nombreuses options sont possibles : un shad, un curl tail, un slug ou encore un LS double queue… Si, au printemps, je jette mon dévolu sur les trailers hydrodynamiques, en hiver, j’opte presque toujours pour un shad, que je trouve plus adapté à cette pêche lente, ou pour un trailer flashy… manie oblige. Les spinners ne possèdent qu’un seul hameçon. Bien sûr, vous pouvez opter pour l’ajout d’un hameçon chance, mais en général, je trouve que ce deuxième hameçon empêche les palettes de tourner correctement et diminue fortement la capacité de votre spinner à se frayer un chemin sur les fonds encombrés sans s’accrocher. Avec un seul hameçon, une seule option : ferrer fort et ample à la moindre touche. Loin des shads animés de la même manière, les spinners ramenés en slow rolling sont une très belle méthode en cas de poissons tatillons ou méfiants.
Les palettes
Je fais un petit distinguo entre les deux types de palette que l’on peut trouver sur un spinner. Les palettes rondes dites « colorados » tournent loin de l’axe sur lequel elles sont fixées. La rotation est relativement lente, mais elle « tire » fort et brasse beaucoup d’eau. Les palettes feuille de saule (en forme d’amande) tournent plus près de l’axe et plus vite. Elles se mettent en action très rapidement à la traction et donnent au spinner un caractère plus « agile ». Ma préférence va à ces spinners que je trouve plus maniables et plus polyvalents. Ces modèles passent (presque) partout et sont très efficaces dans les bois morts, les roseaux ou les nénufars par exemple. À la belle saison, ce sont des machines à powerfishing, mais en hiver, il faudra changer son fusil d’épaule… En effet, les herbiers ont disparu et les températures d’eau, froides, ont poussé les prédateurs vers le fond.
3. Les spintails
Véritables ovnis dans le monde de la pêche aux leurres, les spintails sont de moins en moins une affaire de spécialistes. Ils prennent de tout, surtout quand tout ne prend rien! Le spintail est un petit « bout de plomb » (en forme de poissonnet quand même) avec en queue un petit émerillon rolling et une palette. Selon les modèles, celle-ci peut être ronde ou en feuille de saule (comme les spinners, mais dans une taille très réduite). Cette palette travaille tout le temps, quelle que soit la direction du leurre : en phase ascendante, lors de la traction, mais aussi et surtout en phase descendante.
Personnellement, je n’utilise que les modèles à palette ronde (contrairement aux spinners) pour deux raisons : d’abord, je pense que les palettes rondes freinent davantage la descente, moment qui concentre le plus de touches, et ensuite, j’ai toujours pris plus de poissons avec ces modèles… Tout comme les lames, dont je parlerai aussi, ces leurres sont souvent dédiés à la pêche de perches, mais elles prennent tellement de brochets qu’elles avaient toute leur place dans cet article. Les poids qui nous intéressent dans le cas du brochet sont donc assez élevés et compris entre 14 et 21 g. Ce fort grammage permettra de prendre plus vite le contact avec le fond et donnera plus de vivacité au leurre lors des animations.
Vibrations discrètes
Il m’apparaît évident que la puissance d’attraction de ces petits leurres tient dans leur taille. Les vibrations émises par la palette sont assez puissantes tout en restant discrètes. Le petit format éloigne la méfiance des carnassiers habitués aux leurres plus bruyants et plus volumineux. Enfin, la vivacité de ce leurre, qui pêche dans toutes les couches d’eau, amène un aspect « réaction » à l’animation que l’on pourrait retrouver avec le plomb palette ou le Jigging Rap (ne hurlez pas, c’est une image !). Avec un spintail, on peut tout faire et pêcher dans de nombreuses profondeurs. On peut, bien entendu, le récupérer en linéaire. Ça marche, mais ce n’est pas son animation optimale, car on se prive de l’avantage primordial lié à sa nage erratique à travers la couche d’eau. En effet, c’est dans les animations en dent de scie qu’il est le plus redoutable. Proche du fond, je le manie par petites tirées en raccompagnant mollement la descente. Je reprends régulièrement le contact avec le fond, et mes tractions, effectuées canne haute, sont de faible amplitude. Dans les eaux très froides, je diminue encore la longueur des tractions (pour décoller mon leurre de 10 ou 20 cm) et je le laisse reposer sur le fond pendant quelques secondes avant de recommencer. Avec cette approche, vous ramasserez tout ce qui traîne dans le coin : brochets et perches, certes, mais aussi sandres et silures (parfois très gros). À cet égard, il est surprenant de constater combien un leurre si petit (moins de 3 à 4 cm en général) est capable de déclencher de gros sujets. Les très gros brochets pris de cette manière ne se comptent plus.
En pleine eau aussi
Le spintail est peut-être encore plus efficace en pleine eau. Si vous trouvez des boules de poissons fourrages suspendues, bingo ! D’un, vous avez toutes les chances d’avoir des prédateurs autour, et de deux, vous avez le bon leurre. Il vous suffira de reproduire cette nage en dents de scie en pleine eau, dans ou à proximité du fourrage, en allongeant l’amplitude des tractions et des phases de descente. Vous pouvez ainsi pêcher dans une colonne d’eau importante (plusieurs mètres) et trouver les poissons suspendus dans les environs. Si, bien sûr, vous avez des détections au sondeur, il ne tiendra qu’à vous de resserrer cette animation dans la bonne couche d’eau.
4. Les chatterbaits
Également nommés « bladed jigs » (ou « jigs à palette »), les « chatters » sont composés d’une palette et d’un rubber jig (dont la forme de l’anneau a été adaptée). La palette oscille grandement à la récupération, créant une forte vibration qui fait travailler le jig et sa jupe.
Très efficaces en lancer-ramener rapide lors de séances de power-fishing, les chatters peuvent aussi rendre d’autres services. Ils émettent des signaux très différents des autres leurres métal et intéressent tous les carnassiers, brochets en tête. Même s’ils sont assez rares en hiver, les herbiers ne gênent pas trop le déplacement des chatters, dont la palette fait office de déflecteur.
Sa bavette réduit les accrochages
Avec un chatterbait, tout ou presque est permis, et chacun ira de son propre récital. S’il fait beau et que les poissons sont actifs, une récupération en cranking fera l’affaire. Vous pourrez sans problème insérer des phases de pause dans votre récupération, qui induiront forcément une descente de votre leurre, puis une remontée de celui-ci dans la couche d’eau. Un chatterbait passe bien dans les structures, car sa bavette limite les accrochages et protège l’arrière du leurre. Si vous sentez un obstacle dans la canne, ralentissez l’animation et passez dessus en douceur. Enfin, s’il fait froid, rien ne vous empêche de rester à proximité immédiate du fond. Deux solutions s’offrent à vous. D’abord, un cranking tout doucement sur le fond, à la limite de la vibration. Pour ce faire, préférez les modèles assez lourds qui ne remonteront pas trop. Il faut quand même que votre leurre « nage ». Ce n’est pas sans rappeler le slow rolling du spinnerbait cité précédemment. Sinon, vous pouvez opter pour une nage en dent de scie sur le fond avec de véritables pauses sur celui-ci. Le trailer de votre chatter va « vivre » à la pause, surtout si vous faites vibrer votre leurre avec de tous petits mouvements de canne. En tirant doucement dessus, vous le traînerez sur le fond en levant un petit nuage de sédiments. Puis, vous redéposez votre leurre un peu plus loin, en lui imprimant une tirée plus franche qui le fera vibrer. Enfin, rien ne vous empêche de mixer toutes ces actions dans votre partie de pêche en fonction de la configuration du poste sur lequel vous évoluez…
Le trailer
Parlons-en, car c’est une donnée fondamentale de ce leurre. C’est lui qui va modifier bien des paramètres : couleur, volume, vibration et vitesse d’immersion… Rien que ça. Pour les animations en pleine eau, j’utilise des curl tails (type Sandra) qui sont très mobiles et qui laissent toute sa vivacité au leurre. Pour le cranking lent, j’aime bien les shads qui rajoutent de la vibration et qui donnent du volume. Enfin, pour les animations sur le fond, j’opte souvent pour une écrevisse (ou une créature en fonction de ce que j’ai sous la main) qui vivra très bien lors de la pause sur le fond. Dans les deux derniers cas, je n’hésite pas à imprégner mes trailers d’attractant afin de déclencher les poissons suiveurs. Vous serez surpris par l’efficacité de ces combos dont les brochets raffolent.
5. Les lames
Si les spintails ont fait office de petite révolution dans le milieu des pêcheurs de carnassiers, je n’ai pas échappé à la règle, mais je pense que les lames m’ont encore plus impressionné ! Outre que je les trouve plus agréables à utiliser, elles m’ont permis de débloquer des situations à de nombreuses reprises, avec de beaux poissons à la clé.
Initialement conçues pour le powerfishing, elles se ramènent assez vite en cranking en pleine eau, à la manière d’un lipless crankbait. Les lames passent bien dans les herbiers et émettent des vibrations uniques en pleine eau. Leurs tailles compactes les inscrivent dans une logique de downsizing et rendent les prédateurs moins méfiants. Si vous avez affaire à des chasses de perches ou à des regroupements de poissons fourrages, il y a fort à parier que ce soit une approche payante. Mais en hiver, encore une fois, les eaux froides concentrent les poissons sur le fond et c’est là qu’il faudra les chercher. C’est également là que la lame devient une véritable « tueuse ».
Deux façons de procéder
Tout d’abord le jigging vertical, à l’aplomb du bateau. Comme tous les montages spécialement prévus à cet effet (metal jig, plomb palette, Jigging Rap), la lame va jouer sur le côté « réaction » des poissons, mais elle va, en plus, rajouter une vibration « structurée » liée à sa propre action. Je les utilise dans ce cas à l’aplomb des structures (piles de ponts, palplanches, structures métalliques, etc.) ou sur des détections précises au sondeur. L’animation consiste en une tirée verticale de plus ou moins grande amplitude, suivie d’une phase de relâcher, et ainsi de suite. À la manière d’un plomb palette, mais en moins sec. Essayez de suivre le mouvement de redescente du leurre sans le brider, mais en limitant le mou dans le fil pour éviter que la lame ne s’emmêle dans le bas de ligne. Ensuite, il y a la pêche à distance, et c’est là que je voulais en venir. La lame est une véritable machine à gratter ! Pour prospecter une zone, lancez-la, prenez contact avec le fond et faites-lui faire une petite dent de scie sur le fond, canne haute. Le secret réside dans le fait de ne pas trop la tirer dans la couche d’eau et d’arrêter la traction dès qu’on la sent vibrer dans la canne, c’est-à-dire très rapidement. Comme dans le cas du spintail, plus les eaux seront froides, plus vous pourrez la laisser se poser au fond avant d’effectuer la tirée suivante. Simplissime mais meurtrier. Les lames sont souvent munies de plusieurs trous de fixation dans lesquels vous venez mettre une agrafe. Pour la pêche en jigging, je vous conseille d’utiliser le trou arrière, qui favorisera une descente nez en avant du leurre lors du relâcher. Pour la pêche à distance, je vous conseille d’utiliser le trou du milieu qui équilibre le plus votre lame. Pour cet exercice, je vous conseille des modèles assez denses compris entre 10 et 21 g.
Le choix d'Arnaud
Mes deux modèles de référence sont la Teppan (Spro) ou la Gomoku Ultra Blade, mais le marché regorge d’autres modèles. J’attache de l’importance aux coloris qui peuvent faire varier sensiblement les résultats, notamment par eau claire. À vous de trouver le modèle qui vous convient…
Conclusion
Vous l’aurez sans doute remarqué, j’insiste souvent sur l’action minimaliste qu’il faut imprimer à tous ces leurres métal pour être efficace. Cependant, nous sommes en période froide, et cela va dans la logique des pêches lentes et mesurées inhérentes à cette saison et aux eaux froides. Je parle souvent de sondeur, ce qui implique une approche en bateau. Mais la plupart des leurres cités dans ce dossier sont tout aussi performants du bord. Ils permettent une prospection efficace et rentable. Cela dit, gare aux accrocs. Si vous pêchez sur du sable, les spintails seront idéals, ils se lancent loin, même à contre-vent et prennent de tout. Si la zone est encombrée, préférez les spinners en slow rolling qui s’accrocheront moins !
Tous ces leurres métalliques sont d’autant plus ludiques qu’ils ne nécessitent pas un matériel lourd et spécifique. Les lames et les spintails s’utilisent très bien avec des cannes spinning. Les spinners et les chatterbaits seront toutefois plus confortables avec une canne casting. Enfin, l’ondulante s’adapte à tous les ensembles. N’oubliez pas que si vous pêchez le brochet, il faudra vous protéger de la « coupe » par un bas de ligne spécifique. Pour l’ondulante ou le spinner, le fluoro classique fera l’affaire, mais dans le cas de la lame ou du spintail, il faudra faire une pointe en 50 max, histoire de ne pas brider la nage de ces petits bonbons, voire utiliser du titane. Leurs prix modiques les rendent accessibles, et leur efficacité est sans pareil.