Nous avons déjà publié deux articles sur la pêche spécifique des brochets pélagiques qui en exposaient les principes fondamentaux. Il en sortait que les carnassiers pélagiques, qui se tiennent par définition en pleine eau, très décollés du fond, sont presque toujours de beaux ou très beaux poissons. On vise ici les spécimens, la qualité donc, pas la quantité. On peut trouver des pélagiques dans tout biotope assez profond et à n’importe quelle période de l’année. Toutes les espèces, pas seulement le brochet, sont en fait concernées.
Trouver les bancs
On rencontre néanmoins deux tendances. Certains prédateurs se nourrissent en pleine eau, sur les bancs de poisson fourrage (ablettes notamment) tandis que d’autres s’alimentent au bord mais ont gagné le large pour y trouver la tranquillité. Dans le premier cas, l’idée est de trouver des bancs de fourrage puis de vérifier que les prédateurs sont là. Et dans le second, on recherche ces carnassiers individuellement. Même dans des eaux très riches, les gros bancs sont rares. Le plus souvent, on n’en déniche qu’une poignée sur plusieurs centaines voire milliers d’hectares. Les poissons blancs se concentrent pour deux raisons : se nourrir de plancton (ablettes notamment) sur les secteurs riches, ou hiverner tout en se protégeant des prédateurs par effet de groupe. Ces bancs sont d’autant intéressants qu’ils sont rares et de grande taille.
Couvrir du terrain
Leur recherche passe par l’observation (sauts de poissonnets, gobages, concentration d’oiseaux pêcheurs, surface qui pétille par calme plat) et par une prospection méthodique au sondeur. On peut mettre à profit le balayage latéral (side) pour ratisser large, un gros banc peut alors être repéré à 40 ou 50 m de chaque côté. Mais l’inconvénient est que le side s’utilise à 5-10 km/h maximum. C’est bien pour affiner une recherche ou scruter un secteur prometteur, mais pour une prospection intensive, c’est bien trop chronophage. Une méthode de dégrossissage ultra-rapide consiste à utiliser la 2D (sondeur classique) à vitesse soutenue. On couvre certes moins large mais on fait beaucoup plus de chemin. Pour ça, il faut une sonde qui ne décroche pas à 15 ou 20 km/h et ne parasite pas trop quand on met les gaz (voir encadré). Si on sonde trop vite, on rate beaucoup d’infos. Un poisson isolé, ne restant dans le faisceau qu’une fraction de seconde, va se traduire par un simple point. Mais un gros banc sera nettement perceptible. Entre 5 et 50 km/h, il y a de la place pour choisir la vitesse qui convient le mieux à vos recherches.
Sondage rapide
Les sondes high-tech offrant balayage latéral et 2D CHIRP sont souvent trop sensibles pour sonder à grande vitesse. Ça décroche ou ça se brouille complètement. La solution passe par une sonde additionnelle collée à l’intérieur (coques en fibre) ou par une sonde skimmer basique premier prix qui ne fait que la 2D. Ces sondes haute vitesse, bien montées, ne décrochent pas, offrent une image claire du fond et des poissons jusqu’à 50km/h. Elles sont idéales pour la détection rapide de gros bancs de poisson fourrage mais aussi pour la sécurité et la cartographie. On bascule d’une sonde à l’autre selon les besoins.
Le jackpot
En combinant sondage rapide, balayage latéral, observation et connaissance du milieu, on peut trouver ces bancs assez vite, d’autant qu’ils occupent souvent les mêmes zones d’une année sur l’autre. Si on trouve un banc avec de nombreux échos de prédateurs autour, c’est le jackpot ! Il n’y a plus qu’à en faire le siège, en lancer-ramener ou en verticale. C’est du classique, une bonne maîtrise du count down est indispensable alors pour pêcher le plus correctement possible des poissons très éloignés du fond (voir encadré).
Bien maîtriser le count down
Savoir à quelle profondeur évolue son leurre sans prendre contact avec le fond n’est pas si simple. L’idéal est d’utiliser un leurre qui coule à 1m/s (c’est assez rapide, donc plombée à 20- 25g selon le leurre). Si les poissons sont suspendus à 15m, on compte jusqu’à 15 avant de récupérer. Le leurre va remonter progressivement et passer au-dessus d’eux, c’est parfait! S’il remonte trop vite (pas assez de plomb), on observe des pauses de temps à autre. Une autre option consiste à lancer sur un fond de 15m et quand le leurre touche le fond, de faire un repère au marqueur sur la tresse à la sortie du moulinet.
En mode sniper
Si on ne trouve aucun banc digne d’intérêt, et il n’y en a peut-être tout simplement pas, on passe au plan B : la recherche des sujets isolés. Il faut trouver les poissons un par un en naviguant puis les tenter. On a rarement plusieurs chances. Pour moi, c’est là la vraie pêche des pélagiques, la plus exigeante, la plus excitante même si elle est rarement la plus rentable. Là aussi verticale et linéaire s’affrontent, dans deux approches assez différentes.
En verticale
En verticale, on navigue jusqu’à obtenir un bel écho au sondeur. Il faut mettre le paquet en matière de détection : 2D, si possible grand angle + down + side ! On peut choisir de ne tenter que les échos les plus intéressants et c’est d’ailleurs la seule circonstance pour laquelle j’utilise l’alarme poisson, filtre réglé sur gros poisson. L’alarme évite de rater un bel écho si on regarde ailleurs. Je navigue au thermique à 5-6 km/h, moteur électrique déployé. Quand je vois un bel écho, je lance aussitôt un repère quelques mètres derrière le bateau. Le lest de ce repère est bloqué à un mètre, il ne doit pas aller jusqu’au fond. Puis j’engage la marche arrière au ralenti et je ramène le bateau sur le repère. Avec l’élan, retrouver un poisson en marche arrière sans repère est voué à l’échec, on dévie toujours. Le repère fait une énorme différence ! Dès que je retrouve le poisson sur l’écran, je descends le leurre sur lui. Il faut s’arrêter avant d’arriver à son niveau, il doit faire le dernier pas. Le reste est une question d’humeur du poisson : touche immédiate ou suivi, observation du leurre pendant dix minutes, désintérêt rapide, etc. Le moteur électrique déployé est là pour compenser une éventuelle dérive, chercher le poisson s’il a bougé, etc.
En linéaire
En linéaire, au lieu de faire marche arrière, on coupe les gaz et on lance dans la direction du poisson qu’on vient de passer. Toutefois, depuis un bateau qui continue d’avancer sur son élan, ça manque cruellement de précision et, à l’usage, cette méthode échoue plus souvent qu’elle ne réussit sauf poisson très coopératif ! C’est plus une manœuvre d’urgence qu’une véritable stratégie de prospection, mais il ne faut jamais se priver de lancer sur un pélagique, même au pifomètre, plutôt que passer son chemin. La véritable traque des pélagiques en linéaire est beaucoup plus méthodique et s’appuie là encore sur une électronique de haut niveau : balayage latéral (selon la marque : Side Imaging, SideScan, SideVü, etc.) + GPS ou imagerie instantanée. Le balayage latéral est un système qui sonde de chaque côté du bateau de préférence en 800 ou 1 200 kHz (image plus précise), avec une portée réglée sur 30 ou 40 m, soit une bonne distance de lancer. Scanner plus large est donc inutile.
Marquage au GPS
La stratégie consiste à naviguer jusqu’à ce qu’un écho intéressant apparaisse sur un des côtés. Le side n’est pas optimal pour la détection de poissons mais un gros brochet ça ne passe pas inaperçu. Si un beau poisson est repéré, on le marque au GPS puis on revient en arrière pour le pêcher proprement, à distance. Bateau arrêté, le side ne montre plus rien, il ne fonctionne bien qu’en mouvement, c’est pourquoi ce point GPS est nécessaire, c’est lui que l’on va cibler. Il faut aller vite car rien ne dit que ce poisson est immobile et qu’il nous attend sagement. Il est donc important d’être bien rodé, d’avoir noté la profondeur à laquelle il se trouve, de savoir revenir sur un waypoint sans pinailler, de s’arrêter à la bonne distance, de faire passer son leurre à la bonne hauteur, etc. C’est un coup à prendre et donc une techique qui demande de la pratique. Un leurre assez gros, à grand rayon d’action, peut aider à faire bouger le poisson de plus loin. Notez qu’il est possible de concilier les deux méthodes sur la même prospection : verticale pour les poissons vus au 2D et linéaire pour ceux vus au side.
L’arme ultime
L’autre option, la plus sophistiquée, consiste à utiliser une sonde Live d’imagerie instantanée (Livescope, Live Sight, Live Imaging) en mode forward (orientation horizontale). C’est cher mais, bien employé, c’est clairement l’arme ultime en matière de pélagiques. Non seulement ce type de sonde détecte très bien un poisson de taille convenable jusqu’à 30-40 m mais indique exactement à quelle distance, profondeur et dans quelle direction il se trouve. Il ne reste plus qu’à lancer. Si on vise juste, on voit à l’écran son leurre entrer dans l’eau et descendre. On peut le bloquer avant qu’il arrive sur le poisson, observer sa réaction. Si le poisson se déplace ou que le bateau dérive, il suffit de balayer avec la sonde pour le retrouver immédiatement. On sait alors dans quelle direction il se dirige. Cette technique de balayage fait toute la différence pour les pélagiques. En effet, si la sonde est immobile, par exemple orientée vers tribord, vous ratez tous les poissons situés devant ou à bâbord. Mais si vous faites tourner constamment la sonde par demi-tours droite-gauche successifs pendant que vous avancez, alors vous balayez un demi-cercle et aucun poisson de taille significative ne passe au travers dans un rayon de 30 m. Cette rotation peut se faire manuellement (sonde montée sur perche rotative) ou électriquement (sonde montée sur l’axe du moteur électrique ou sur perche motorisée).
Plus intuitif
Là aussi, c’est un coup à prendre, mais ce n’est pas si difficile et même plus intuitif qu’avec le side. Pensez à activer la grille de profondeur-distance, indispensable pour cette technique. Vous allez vite comprendre à quel point cette méthode peut être efficace. Et je confirme : addictive !