Je suis comme la plupart des pêcheurs de brochet. Ce que j’aime dans cette quête, c’est la manière forte. J’aime les pêches de brochets au milieu des herbiers et j’adore les voir attaquer mon leurre avec violence au milieu des arbres morts et devoir les brider pour éviter qu’ils ne retournent dans leur cache. Bref, pour moi, le brochet c’est avec une canne de puissance H à XH, une tresse en 25 ou 30/100 et un leurre allant de 15 cm pour les plus petits à 25 cm et plus pour les plus gros. Balancer des gros swimbaits toute la journée ou jerker un buster jerk pendant des heures ne me font pas peur. Ce sont d’ailleurs souvent les meilleures techniques pour attraper des poissons de jolie taille, alors pourquoi faudrait-il s’en priver ?
Une question d’adaptation
À la pêche, il faut savoir s’adapter si l’on veut être régulier dans ses résultats. Balancer des leurres de 20 cm toute la journée ne devient plus l’unique solution pour attraper des poissons, qu’ils soient petits, moyens ou gros. On a beau s’obstiner, certaines fois, les brochets ne veulent plus de nos gros leurres. C’est le moment de se remettre en question et de trouver ce qu’ils veulent ! Changer ses habitudes, voilà une chose complexe pour nous pêcheurs, qui aimons évoluer dans notre zone de confort en nous disant : « Hier, ça mordait comme ça, alors pourquoi pas aujourd’hui ? » ou : « Quand le brochet veut, il saute sur tout. » Seulement, lorsque le brochet change ses habitudes alimentaires en fonction de la saison ou qu’il change de comportement en raison d’une forte pression de pêche, il faut que le pêcheur s’adapte et change lui aussi de techniques pour tromper à nouveau sa méfiance. Pour ma part, cette mutation s’est faite progressivement. J’ai la chance d’habiter une région bien fournie en population de brochets, que ce soit en qualité ou en quantité, qui plus est sur des terrains de jeu aussi variés que les grands lacs de la forêt d’Orient, du Der, la Seine ou encore des vastes ballastières. Mais comme partout, ces terrains de jeu ont beau être grands, ils sont sujets aux variations climatiques et à la pression de pêche. L’humeur des brochets est donc changeante et certaines parties de pêche peuvent vite devenir un enfer, avec un joli capot à la clé. N’étant pas fan des capots, encore moins quand je suis en guidage avec des clients, il est important de trouver des solutions et, le plus évident, c’est bien de revenir à des pêches plus light !
Comme je le dis plus haut, ce cheminement s’est fait progressivement dans mon esprit. Il a fallu que je me convainque de changer mes habitudes. Je n’ai jamais été un spécialiste exclusif des gros leurres, encore moins pour faire des gros poissons car j’ai toujours pensé qu’il vaut mieux bien présenter un shad de 15 ou 18 cm à la bonne profondeur avec la bonne vibration devant la bouche d’un gros brochet, que mal pêcher avec un shad de 25 cm dans l’espoir hypothétique de faire un gros poisson parce que l’on jette un gros leurre. Il a donc fallu, lorsque les journées étaient plus dures, que je modifie mon approche. Dans un premier temps, je changeais radicalement et je troquais mes cannes à brochet pour des cannes à perche. Lorsque la pêche du brochet est dure, j’essaie généralement de « switcher » sur les perches et cela sauve souvent la journée. Canne light, tresse fine, bas de ligne en 20 ou 24/100 et petits leurres, tels sont les éléments à prendre en compte. Au cours de ces journées, non seulement les perches étaient présentes, mais bizarrement, les brochets aussi… On ne parvenait pas à les faire mordre sur un matériel classique, mais en pêchant plus léger, ils étaient à nouveau présents. Simple coïncidence, me suis-je dit dans un premier temps. Au fur et à mesure des sessions, lorsque je partais au brochet, je glissais toujours dans mon fagot de cannes un modèle spinning de puissance M-MH (medium-medium heavy). Non pas pour pêcher les perches, mais pour pêcher le brochet si les conditions étaient dures. Belle idée puisque cela m’a sorti de plusieurs situations mal engagées, avec à la clé des brochets, mais aussi des invitées surprises comme des grosses perches de 45 cm et plus ! L’idée de pêcher le brochet plus light était désormais ancrée !
Une approche vraiment spécifique
Place maintenant à la seconde étape, faire de ce cheminement pour pêcher light une technique à part entière lors de mes sorties. J’en ai longuement parlé avec Gael Even, qui avait également une approche bien personnelle sur le sujet. Il me racontait ses histoires de pêches au brochet avec des cannes souples et des bas de ligne en fluoro de 30/100 sans se faire couper. Il me le démontra lors d’une partie de pêche et finit de me convaincre de l’efficacité de pêcher « light » le brochet par la même occasion. Attention, je ne dis pas qu’il faut pêcher le brochet toute l’année en 30/100, il y a beaucoup trop de risques de se faire couper, mais employé avec le matériel adapté (canne souple et frein desserré), cela devient une vraie technique. Pour ma part, je mets souvent un petit bas de ligne de 45 à 60/100 en fluoro, à la suite de ma tête de ligne en 30/100, pour réduire le risque de coupe.
Cette approche est particulièrement adaptée à l’automne, lorsque le brochet est fixé sur de petites proies. En effet, c’est la période de l’année où les petits poissons blancs se rassemblent, on peut alors voir en surface ou à l’échosondeur des brochets chasser sur ses poissonnets. Ils sont alors focalisés sur les alevins et il est difficile de les faire dévier de cette abondante nourriture. Pour cela, il faut jouer sur le côté imitatif de nos leurres et affiner nos montages afin de déjouer la méfiance des prédateurs. Pêcher léger et planant dans une boule de poissons fourrage permet souvent de déclencher l’attaque d’un brochet, voire d’une grosse perche. La touche a souvent lieu sur la phase de relâcher, lorsque l’on accompagne le leurre sur la descente, bannière légèrement détendue. Le fait de pêcher planant entre deux eaux ou sur le fond nous fait enregistrer des touches franches et sèches, que l’on ne peut pas louper ! Mais pêcher light fonctionne toute l’année dès lors que la pêche se complique. En effet, si la pêche avec les montages « conventionnels » pour le brochet (bas de ligne 70/100, grosse tresse et leurre de 15 cm et plus) ne fonctionne plus (trop de pression de pêche, eau très claire…), je passe alors sur une pêche plus light. Affiner le montage, pêcher plus léger, présenter des leurres plus petits déplaçant moins de volume d’eau, faisant moins de vibrations est souvent la clé du succès pour déjouer la méfiance de poissons éduqués, et pas seulement de petits brochets. J’insiste sur le fait que petit leurre ne veut absolument pas dire petit brochet. Un petit leurre passant au bon endroit séduira tout autant, voire plus, un gros brochet, qu’un leurre plus gros !
Une solution efficace face à la pression de pêche
Pêcher le brochet light est alors devenu pour moi une technique incontournable. Il y a des sessions de pêche où je ne pratique que de cette manière. Je pense notamment à un spot en rivière, avec plein de bras morts et d’anciennes ballastières en connexion avec la Seine. L’eau y est claire et la pression de pêche forte, du fait d’une mise à l’eau et de la proximité avec Paris. La population de brochets est bien représentée, avec beaucoup de poissons de 60 à 80 cm. Seulement, les conditions rendent les poissons méfiants. Sur ce spot, je ne prends plus de cannes « spécifiques » à brochet, quel que soit le moment de l’année. Je pars avec trois cannes spinning : une L, une M et une MH ainsi que des leurres souples de 6 à 12 cm. Tête de ligne, bas de ligne court en fluoro de 45 à 60/100, frein desserré, et en avant… Si je n’opère pas de cette manière, les résultats sont divisés par trois. Alors j’opte naturellement pour cette pêche plus light. Elle procure aussi de belles sensations, en plus de faire du poisson. Je pratique aussi régulièrement les pêches light en ballastière ou en gravière. C’est d’ailleurs sur ces milieux où, avec Sébastien, nous avons commencé à comprendre la différence entre pêche « lourde » et pêche « light ». Nous allons beaucoup sur ces spots pour pêcher le brochet. Ce sont souvent des secteurs peu ou pas pêchés avec de belles populations de brochets, mais aussi de grosses perches. Nous prenions toujours une spinning pour essayer de faire une grosse perche et capturions souvent des brochets de cette manière, en pêchant plus fin.
En analysant nos parties de pêche, nous avons fini par comprendre que les brochets pouvaient en avoir « marre » de nos gros leurres. Ils ne mordaient plus sur ces derniers mais étaient pourtant actifs. L’exemple le plus flagrant nous est arrivé sur une petite ballastière. Nous avions fait deux fois le tour et attrapé plusieurs brochets. Au troisième passage, évidemment ça n’était plus la même musique. Les poissons étaient calés. On a donc essayé de faire des perches en pêchant plus light, histoire de finir la journée en beauté. Surprise, au milieu des perches, nous avons à nouveau fait des brochets. Ils étaient toujours là, actifs, mais se méfiaient de nos leurres et des gros « plouf » de ces derniers.
Efficace également sur les grands biotopes
La pêche light des brochets est transposable dans les grands lacs. Ceux de l’Est de la France, que je connais particulièrement bien, subissent une pression de pêche quasi quotidienne, de l’ouverture à la fermeture. Pêche au vif, aux leurres, en bateau, en float-tube, du bord… Les brochets en voient passer et en entendent tomber dans l’eau tous les jours. Autant la pêche est facile les premières semaines de l’ouverture, autant elle se durcit souvent avec le temps. Pression de pêche et conditions climatiques sont des facteurs qui peuvent faire maigrir les résultats. Fort de la réussite des premiers jours, et sûr de mes pêches aux gros leurres, j’entame une journée de guidage avec Guillaume. Les poissons étaient dans 10 mètres d’eau et devaient bien mordre, au moins sur le papier. J’avais bien réussi en pêchant plus light sur un autre lac les jours précédents, mais Orient étant un lac avec une belle population de brochets de grosse taille, je reste focalisé sur les gros leurres et les pêches « lourdes », en vain… Guillaume, fort de plusieurs années de pêche sur les lacs alpins, m’explique qu’il pêchait plus fin et planant le brochet sur ce type de biotope, et que cela marchait bien.
N’ayant jamais essayé sur Orient et n’étant pas borné – on capture des brochets à l’automne en pêchant les perches, mais je ne l’ai jamais cherché de cette manière spécifiquement –, le voilà en spinning light et moi en casting light à la recherche des brochets d’Orient ! Il n’a pas fallu longtemps pour faire les premiers poissons. La technique était simple. Tête de ligne en 35/100, bas de ligne en 60/100 maximum et il fallait pêcher léger en planant au-dessus des herbiers sans les accrocher. Cela est très technique mais très intéressant, surtout lorsque l’on fait des brochets de 90 cm et deux grosses perches de 47 et 50 cm ! J’ai continué ainsi lors de mes guidages suivants et les résultats étaient à la hauteur. Il fallait juste adapter l’animation en fonction des journées. Parfois, il faut pêcher léger en animant et être planant juste au-dessus du fond. Pour cela, un ensemble spinning M-MH est idéal. D’autres jours, il fallait pêcher linéaire au-dessus du fond assez lourd. Dans ce cas, un ensemble casting MH est plus adapté. Et dans tous les cas, il fallait pêcher avec de petits leurres de 8 à 12 cm au maximum. Ce n’est pas toujours évident de jeter un leurre de 10 cm au milieu de 2500 hectares. Mais lorsque le milieu est beaucoup pêché, cela peut faire une grande différence, même, et surtout, sur les gros poissons !