Si l’article R436-32 du Code de l’environnement réprime la pratique de la pêche à la traîne (« il est interdit, en vue de la capture du poisson […} d’utiliser des lignes de traîne »), ce même texte ne se fend pas d’une définition… et c’est bien dommage. Il aurait été plus facile d’identifier l’infraction avec quelques précisions. D’autant plus que la sanction en cas de non-respect de cette prescription n’est pas symbolique : une amende de 450 € maximum peut être décernée au contrevenant (article R436-40 du Code de l’environnement et 131-13 du Code pénal). Autant dire qu’il est bon de savoir ce qu’est la pêche à la traîne pour éviter l’amende !
Une définition incertaine
Sans texte ni définition, il faut donc rechercher autre chose qui permettrait d’expliquer ce qu’est cette pratique. Vient alors le principe de jurisprudence, c’està-dire le principe établi par les décisions de justice déjà rendues. Sans avoir une valeur exceptionnellement élevée, le juge n’a pas l’obligation de suivre le principe édicté dans une décision de justice antérieure, la jurisprudence permet d’indiquer au magistrat la position prise par ses collègues dans le passé. Seulement, s’agissant de notre cas, un seul jugement peut être recensé… et il a été rendu il y a 28 ans par le tribunal d’instance de Saint-Claude. En 1995, cette juridiction a été saisie d’une affaire où la question de cette pratique était centrale. Le principe suivant a alors été dégagé par le tribunal : « La pêche à la traîne consiste à accrocher une ligne à l’arrière du bateau et à utiliser le mouvement volontairement imprimé à l’embarcation pour rendre le leurre attractif. » Cette décision a le mérite de préciser plusieurs points que nous allons détailler.
Les critères de la traîne
Tout d’abord, on pourrait penser que le recours à un moteur est une composante nécessaire de la pêche à la traîne. Pas du tout… en tout cas, pas pour le tribunal de Saint-Claude. Il est seulement fait mention d’un « mouvement volontairement imprimé à l’embarcation » dans le but de rendre le leurre attrayant pour le poisson. Il n’est pas évoqué un quelconque moteur: l’usage de rames, de palmes, d’une voile, etc. peut être suffisant pour caractériser l’infraction prévue par l’article R436-32 du Code de l’environnement. Ensuite, pour caractériser la pêche à la traîne, le leurre doit donc être rendu attractif par le mouvement de l’embarcation. Cette nécessité d’information de l’Onema, établie avec le ministère de l’Environnement en 2008. Ce critère est vraisemblablement le plus capital. S’il n’y a donc pas de difficulté à se déplacer très lentement en cours de pêche, il faut encore définir la vitesse à laquelle le leurre pourrait devenir attractif pour le poisson, et ne pas l’atteindre… Rien de très incontestable, donc. Par la suite, une chose qui peut faire sourire le pêcheur d’eau douce : il n’est pas indispensable d’employer une canne. Tout comme pour la traîne en mer, le juge évoque seulement la ligne accrochée à l’arrière d’une embarcation. Autant dire qu’avoir ou non la canne en main n’a pas d’incidence sur l’infraction. Enfin, une nuance se déduit de cette décision. Pour être considérée comme de la pêche à la traîne, l’embarcation doit être mise en mouvement intentionnellement par le pêcheur. Ainsi, celui qui se laisserait dériver par le courant ou par le vent ne pourrait pas être considéré comme usant de cette pratique, quand bien même son leurre serait attractif. Pour autant, l’interprétation exposée ici, si elle est justifiée au regard du jugement de 1995, doit être lue et comprise avec des réserves.
Il faut tempérer
Une précision d’ordre juridique en premier lieu. Le tribunal d’instance (juridiction remplacée par le tribunal de proximité depuis le 1er janvier 2020) est la plus basse juridiction de l’ordre judiciaire français. La valeur d’une décision de principe rendue par ce tribunal est donc particulièrement faible. En effet, plus le degré de la juridiction prononçant une décision est élevé, plus le principe consacré est important. Ensuite, il n’y a trace que d’une seule décision rendue sur cette question : on ne peut donc pas non plus envisager un principe jurisprudentiel. De plus, la note d’information de 2008 de l’Onema n’a pas de la valeur légale, elle ne contraint en rien le juge… Enfin, la décision est ancienne. En 1995, des bateaux, barques et canoë-kayak flottaient sur nos eaux. On savait donc quel régime appliquer à ces embarcations. Aujourd’hui, nous avons les floattubes, les paddles… certains étant même motorisés. Sont-ils soumis aux mêmes régimes que les embarcations plus traditionnelles ? Nul ne peut l’affirmer sans émettre un doute (aux dernières nouvelles, le float-tube n’avait toujours pas été identifié et catégorisé…). Pour éviter le débat et les verbalisations discutables voire injustifiées, il serait bon que le législateur songe à définir une fois pour toutes la pêche à la traîne en eau douce. Eu égard à la conjoncture, on se doute cependant que ce point n’est pas près de faire l’objet d’une loi. En 2016, la FNPF avait sollicité le Gouvernement et, plus spécifiquement, le ministère chargé de l’Environnement, afin qu’une définition soit établie et insérée dans la loi. Depuis cette proposition, aucune disposition légale n’est entrée en vigueur et la situation n’a pas évolué. C’est pourquoi, pour plus d’information, il sera nécessaire de se rapprocher de sa fédération départementale, laquelle est en lien étroit avec la préfecture. Le préfet reste en effet seul maître à bord en la matière.
Une lente évolution…
POWER FISHING, VERTICALE ET TRAÎNE
La question de la traîne s’est posée pour deux pratiques: le power fishing, pratique consistant à explorer de grandes étendues d’eau en se déplaçant simultanément et la pêche à la verticale. C’est la note d’information de 2008 qui a apporté la réponse: tant que le leurre n’est pas rendu attractif de par la vitesse du bateau, la pratique est licite.
LE CAS DES GRANDS LACS
Hors eaux closes, la pêche à la traîne est par principe interdite. Cependant, sur certains grands lacs, cette pratique peut être autorisée par le préfet, information évidemment relayée par la fédération de pêche du département concerné. Généralement, pour pouvoir pratiquer la traîne, il faudra régler un droit complémentaire. Dans les Alpes-de-HauteProvence, par exemple, il sera nécessaire de régler 34 € pour légalement traîner !