Avec sa gueule agressive et son look peu engageant, le silure passe inévitablement pour un poisson robuste qui n’a peur de rien. Dans l’idée générale des pêcheurs, pas besoin de finesse lorsque l’on traque le silure. Les faits nous prouvent que ce n’est pas tout à fait vrai. Bien sûr, lorsque l’on cible ce carnassier, il ne faut pas pêcher en 12/100 ! Il faut toujours rester lucide et envisager que l’on va peut-être ferrer un poisson de plus de 100 kg. Vous comprenez alors que le matériel doit être spécifique sans tomber dans l’absurdité de la démesure. Lorsque nous parlons de subtilité, voire de finesse dans la traque du silure, nous faisons allusion à tous ces petits détails qui semblent anodins, mais qui, dans les faits, sont la clef de la réussite. Le silure est un poisson sensible à de nombreux signaux que le pêcheur doit connaître s’il veut déjouer sa méfiance.
Des détails qui font la différence…
Nous commettons tous des erreurs, mais le plus important reste de savoir lesquelles impactent directement le résultat de nos pêches. Rappelez-vous toujours de certains paramètres concernant le bruit et les odeurs. La vitesse du son est cinq fois plus rapide dans l’eau que dans l’air, et les silures ont des facultés olfactives exceptionnelles. Ils sont donc parfaitement en maîtrise dans leur environnement. L’erreur la plus pénalisante est celle de la pompe à essence. Sans exagération, quelques gouttes d’essence sur vos mains peuvent fortement compromettre une partie de pêche. Les particules du carburant ou de graisses restées sur vos mains vont également se déposer sur vos appâts ou vos leurres. Ces polluants ont une odeur tellement puissante que même après rinçage, ils restent perceptibles. Les silures étant les maîtres en matière de détection d’effluves, ils refuseront tous les appâts souillés. Pour avoir réalisé involontairement cette expérience, je peux vous garantir que le résultat fut sans appel ! Lors d’une journée à deux pêcheurs, toutes les touches étaient enregistrées sur la même canne. À la moitié de la journée, en nettoyant mes mains pour manger, je me suis rendu compte de l’odeur encore persistante du carburant sur mes doigts. Nous avons alors compris le piège dans lequel j’étais tombé. Et comme par magie, lorsque l’eschage des hameçons a été réalisé par mon coéquipier, les captures se sont enchaînées. Un exemple qui nous montre l’excellente sensibilité et l’incroyable puissance de détection dont jouissent les siluridés. Autre petit détail qu’il faut éviter de faire le jour de la pêche, c’est de brûler la chute d’un nœud sur la tresse du bas de ligne. Les effluves du plastique brûlé n’ont rien de naturel et peuvent également alerter le silure. Sans devenir paranoïaque, dans toutes les pêches au posé aux appâts, il faut rester le plus discret possible et ne pas donner d’indicateur olfactif sur la présence humaine. Les produits anti‑moustiques sont également de véritables répulsifs à silures ! Donc faites attention à ne pas contaminer vos appâts lorsque vous en faites usage. Celui qui passe le répulsif ne doit pas s’occuper des lignes ! Au leurre, c’est différent, nous parlons alors de pêche rapide en linéaire où le silure attaque par agressivité. Il n’a donc pas le temps de percevoir la moindre odeur, sauf sur des pêches lentes, comme en verticale ou en drop shot.
Gare aux bruits de toutes sortes
S’agissant des bruits et vibrations, nous savons par expérience que certains sons les attirent et d’autres les font fuir. Ce qu’il faut éviter, c’est le bruit produit à l’intérieur du bateau. L’astuce d’un tapis de moquette ou de caoutchouc n’est pas ridicule et évite de perturber le poste pêché. Pour avoir observé des silures sous l’eau, évoluant au ras du fond, je peux attester que ces derniers quittent la zone après qu’un son se soit fait entendre. Moins connu, mais tout aussi dérangeant pour les silures, le son des moteurs électriques ne leur plaît pas ! Je peux vous certifier qu’une hélice de moteur électrique fait du bruit sous l’eau, et les moustachus y sont sensibles. C’est pourtant un outil de premier choix, lorsque l’on veut réaliser des dérives parfaites, mais attention à ne pas en abuser ! Il faut alors l’utiliser par intermittence de telle sorte que le poisson ne connaisse pas exactement votre position et surtout qu’il ne soit pas dérangé. Dans les faits, les silures ne restent pas sous la coque du bateau lorsque le moteur tourne. Ils s’en écartent en nageant assez rapidement. J’ai eu la chance d’observer ces scènes sur le Rhône dans des profondeurs allant de 3 à 6 m. Lorsque la profondeur dépasse les 8 m, le poisson semble moins perturbé, cela est dû à la hauteur d’eau. Mais là encore, un bruit parvenait à mes oreilles : le son caractéristique de l’échosondeur. Il n’y a pas à discuter, sur des poissons surpêchés, le bruit d’une sonde influence le comportement des silures. Bien évidemment, dans un groupe d’une vingtaine de carnassiers, il y en a toujours un qui viendra voir ce qu’il se passe. Il montera alors dans le cône de détection et apparaîtra sur l’écran de l’échosondeur. Mais c’est généralement un petit poisson peu expérimenté qui se laissera piéger. Les gros ont bien compris la musique ! Et sur une saison de pêche, les gros échos se font de plus en plus rares. Voir un gros silure apparaître sur l’écran avant la touche est devenu exceptionnel. Bien souvent, le ferrage d’un gros poisson se fait alors que l’écran était complètement vide. Vous l’aurez compris, aujourd’hui les géants du fleuve restent quasiment indétectables. Il faut alors être plus rusé qu’eux pour arriver à déjouer leur méfiance.
Comment aborder les postes ?
Si, durant des années, nous avons utilisé notre moteur électrique avec l’échosondeur allumé pendant la dérive, il convient aujourd’hui d’adopter une approche plus furtive. Les gros silures sont des poissons âgés de plus de 30 ans, ils ont donc l’expérience et la connaissance des pièges tendus par le pêcheur. Et le bruit de nos appareils électroniques a clairement été identifié comme un danger potentiel par ces poissons. Preuve en est, sur certains parcours, les gros silures ne se capturent quasiment plus en dérive. Les monstres mesurant plus de 2,40 m sont exclusivement pris lors de pêches au posé du bord. Cela nous prouve bien que ces carnassiers se sont adaptés et qu’ils se méfient des lignes présentées sous la coque d’un bateau émettant des ondes. Pour pouvoir piquer ces géants, il est donc nécessaire de changer notre approche. C’est en coupant l’échosondeur et en utilisant par intermittence le moteur électrique que les gros silures peuvent être ferrés. Mais comment savoir où se trouvent les silures si l’on coupe l’échosondeur ? Votre pêche doit se faire en deux temps. La première phase consiste à tourner lentement sur le poste avec le moteur thermique et l’échosondeur en route. Contrairement à l’électrique, le thermique n’est pas trop assimilé comme un danger par les silures. Il est d’ailleurs fréquent de voir apparaître des silures à l’échosondeur alors que nous démarrons le moteur. En procédant de cette façon, vous allez rapidement repérer les endroits où sont postés les silures. Vous prendrez alors soin de marquer d’un point GPS chaque groupe de silures détectés. En moins de 2 minutes sur le poste, vous saurez où sont ces derniers. Il convient alors de laisser ce poste au repos et de faire la même opération sur une autre zone. De retour sur le premier et en amont des points repérés, vous metterez en place le moteur électrique dans le but de faire passer le bateau avec précision sur les repères. Mais, vous devez éteindre l’échosondeur ! En gardant le GPS allumé, mais en coupant la fonction échosondeur, vous allez pêcher avec précision les poissons détectés précédemment. En arrivant sur chaque point, dans les 10 m en amont, essayez de ne plus toucher au moteur électrique, et dérivez sans un bruit. C’est en répétant ce type d’approche que nous avons capturé nos plus gros silures ces derniers temps. Vous savez maintenant ce qu’il vous reste à faire…
Des techniques pour les gros…
Pour aborder la partie montage, bien sûr que le fireball et les montages au bouchon restent toujours efficaces. Mais si l’on veut gagner en discrétion, il est intéressant de s’éloigner de ses lignes, afin de ne pas perturber les silures. Et c’est d’autant plus important lorsque l’on pêche des cours d’eau peu profonds, en Loire par exemple. Déjà abordé dans un numéro précédent, la pêche au posé au poisson mort en bateau est l’une des meilleures techniques. Cette technique, pourtant assez peu utilisée, est véritablement efficace sur les gros spécimens. Elle est redoutable grâce à la discrétion dans la présentation de l’appât et à l’absence de perturbation de l’embarcation qui est située plus en amont. Si vous n’êtes pas passionné par la pêche au posé, une alternative s’offre à vous. La pêche à roder au bouchon est tout aussi efficace. Elle consiste à faire partir dans le courant une ligne équipée d’un bouchon jusqu’au poste convoité. Contrairement à la pêche en dérive au bouchon, le silure ne sera pas dérangé par l’échosondeur et par le bruit du moteur électrique, car le bateau est placé plus en amont à au moins 20 m de la zone pêchée. Le montage reste simple : un bouchon, un plomb, un émerillon et un bas de ligne. Ce n’est pas le montage qui fait la différence, mais bien la présentation du montage, et donc l’approche plus discrète. Vous l’aurez compris, pour capturer un gros silure aujourd’hui, le pêcheur doit être méthodique dans son approche. N’ayez pas peur de voir les autres bateaux passer sur l’un de vos postes en dérive. Seuls ceux qui auront compris comment aborder ces gros poissons auront la chance de pouvoir vivre d’intenses combats et de réaliser la capture de leurs rêves.