Le lac de Serre-Ponçon : un haut-lieu de la pêche du brochet en France

Avant la création du barrage de Serre-Ponçon, l’agriculture et l’élevage dominaient la vallée. En 1843 et 1856, deux impressionnantes crues de la Durance eurent lieu. À la décrue, le constat des nombreux dégâts fit naître l’idée d’un barrage au lieu-dit « Serre-Ponçon ». Ce n’est qu’en 1912 qu’Ivan Wilheim, ingénieur des ponts et chaussées, publie un ouvrage démontrant la nécessité de réguler le cours d’eau. À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, la France et l’Europe ont besoin d’une rapide « renaissance énergétique » et la retenue de Serre-Ponçon, comme d’autres en Europe, servira à la production d’électricité. Le troisième but d’une telle construction sera l’irrigation des « basses terres » en aval du barrage et jusqu’à Cavaillon. Le village de Savines sera totalement rasé, laissant place au nouveau village de Savines-le-Lac quelques mètres au-dessus de la côte maximale du lac. C’est ensuite le village d’Ubaye dans la vallée du même nom qui suivra avec cinq hameaux. La rivière Ubaye deviendra le deuxième affluent de la retenue. 2000 personnes environ seront expropriées et relogées. Il ne restera à la fin que des ruines ensevelies sous 1,27 milliard de m3 d’eau le 16 novembre 1959. Aujourd’hui, les dimensions de Serre-Ponçon en font la plus grande retenue d’eau artificielle de France avec une surface totale de 2800 ha, 20 km de long et 3 kilomètres de large, de quoi taquiner les carnassiers… En 2021, notre grand lac alpin n’attire pas moins de 40 000 personnes, génère 400 emplois et reste la principale zone touristique des Hautes-Alpes avec plus de 60% du chiffre d’affaires touristique annuel haut-alpin. Le Syndicat mixte d’aménagements et de développement de Serre-Ponçon (Smadesep), fondé en 1997, en est bien conscient. Il gère les aménagements touristiques du lac et est responsable de l’ensemble des équipements publics. Neuf plages possèdent désormais le label «  Pavillon bleu  » et font de Serre-Ponçon le lac le plus labellisé de France. Malgré tout, ces dernières sont concentrées sur 13 km de berges laissant les 77 autres presque totalement vierges et sauvages…

Population piscicole

Même si le lac est classé en seconde catégorie, ses deux principaux affluents sont, eux, classés en première catégorie piscicole : seule la truite fario est alors autochtone à la retenue. D’ailleurs de gros spécimens se laissent capturer chaque année à la traîne, au mort posé ou encore au lancer du bord ou en bateau. La fédération de pêche des Hautes-Alpes soutient cette espèce par des lâchers annuels d’environ 15 000 truites arc-en-ciel. Personnellement, j’apprécie la pêche au casting jig ou encore à la cuillère ondulante pour traquer ce poisson. En dehors des rares chasses visibles en surface, la technique consiste à prospecter en éventail face à soi et à ramener son leurre plus ou moins rapidement et de manière linéaire dans les différentes couches d’eau. Pour une pêche en bateau, j’utilise une canne à action de pointe en spinning d’une puissance 10-30 g et d’une longueur de 2,10 m. Le moulinet à grand ratio est équipé d’une tresse en 14/100 et d’un bas de ligne fluorocarbone en 25/100. La traîne est également possible sur Serre-Ponçon moyennant l’acquisition d’une licence de pêche aux engins annuelle délivrée par l’association Treuils et tangons. Cyprinidés, corégones, ombles chevalier, perches et bien sûr brochets ont, eux, été introduits les premières années de création de la retenue. Aujourd’hui, suite à un programme de développement de l’activité pêche, de nombreuses frayères semi-naturelles jonchent le lac. Ces structures flottantes ornées de végétaux divers et variés sont primordiales au bon développement des espèces phytophiles comme le brochet. Elles offrent caches et supports de ponte toute l’année même lors de forts marnages. En collaboration avec le Smadesep, la fédération de pêche des Hautes-Alpes met un point d’honneur à l’entretien régulier, à la surveillance et au maintien de ces structures.

Mission pike

De grands brochets sont piqués chaque année aux leurres du bord ou en bateau par certains pêcheurs locaux qui, à force de persévérance, ont acquis une parfaite connaissance du lac. Eh oui, quoi qu’on en dise, les « pikes » de Serre-Ponçon ne se laissent pas dompter si facilement… Benjamin, guide de pêche local, le sait bien. Selon lui, la pêche aux leurres souples reste une valeur sûre pour celui qui veut découvrir le lac. Ce dernier pouvant atteindre des profondeurs importantes, même près des bordures, ces leurres sont parmi les plus efficaces pour aller chercher des poissons dans des couches d’eau inférieures à 6 ou 7 m. Le pêcheur alternera alors les formes et types de vibrations, les coloris ou encore les tailles ou les poids pour déclencher les premières touches. Souvent hyper-réalistes, les soft swimbaits offrent une nage naturelle et attirante et, tout comme certains leurres à palettes, leur forte productivité explique leur présence en nombre dans les boîtes de notre guide. Cela n’enlève en rien l’efficacité des leurres durs comme les jerkbaits lorsque les poissons chassent dans peu d’eau ou encore les crankbaits quand il faut aller provoquer maître Esox entre 2 et 5 m d’eau. Les pêcheurs du bord peuvent, quant à eux, tenter leur chance au lancer, voire au mort posé sur de gros sujets. Notamment en période hivernale lorsque ces derniers rechignent à parcourir de longues distances pour s’alimenter. La gamme de matériel de pêche du brochet aux leurres utilisable à Serre-Ponçon est vaste et relativement subjective.

Le matériel à prévoir

De mon côté, j’emploie des modèles de cannes spinning pour des leurres légers d’un poids généralement inférieure à 30 ou 40 g. Les modèles casting restent destinés aux gros leurres d’un poids supérieur et offrent un confort de pêche inégalable dans ce cas de figure. Pour le premier cas, une tresse 8 brins en 16 ou 18 centièmes couvre la plupart des situations rencontrées. Pour le second, c’est une tresse 4 brins en 20 centièmes minimum (type Power pro) qu’on préconisera pour des pêches plus fortes. En prospection lente de bordures, une tête de ligne fluorocarbone en 45 centièmes d’environ 1,80 m complétée d’un bas de ligne fluorocarbone de 50 cm en 90 centièmes permettent d’isoler la tresse des nombreuses roches coupantes et de garder ainsi une certaine discrétion dans des eaux souvent cristallines. Qui dit brochet dit aussi perche... Les techniques les plus courantes restent les pêches verticales au jig ou en drop-shot. Les conditions hivernales alpines optimisent la pêche du brochet mais il faudra parfois avoir recours à une présentation discrète au plus près des poissons les plus apathiques. Parfois, seuls les mouvements du bateau secoué par la houle suffisent à les faire mordre. N’oublions pas que l’inventivité du pêcheur est parfois source de réussite. Certains jours, un mix de plusieurs techniques peut rendre notre session encore plus fructueuse qu’elle ne le serait en restant classique… Incontournable, un sondeur moderne permet une localisation précise des bancs de poissons et autorise une pêche « à vue » ludique et productive. En effet, nous assistons en direct à tout ce qui se passe sous la surface, de la descente de notre leurre à l’éventuelle touche.