L'étonnante écrevisse : un met de choix pour les truites

Le régime alimentaire des poissons est avant tout une question d’accoutumance. Il est en effet très rare que les proies abondent sans qu’elles n’intéressent les espèces prédatrices du haut de la chaîne alimentaire. Chez la truite, les exemples parfois « originaux » sont nombreux, à l’image des fameuses invasions de souris ou de cigales que l’on retrouve en Nouvelle-Zélande. Sans partir aussi loin, il n’est pas rare qu’en France les pêcheurs soient les témoins de scènes de chasse très particulières… Les écrevisses entrent dans cette caté gorie de proies qui, lorsqu’elles sont présentes, deviennent une véritable source de protéines pour de nombreux poissons, dont les truites. 

Exotique !

En France, les écrevisses autochtones sont malheureusement assez rares pour cause d’hyper-sensibilité et de nombreuses pressions environnementales. À l’origine, il existe trois espèces indigènes : l’écrevisse à pattes blanches, qui est de loin l’espèce la plus répandue à travers l’Hexagone. Elle peuple une grande partie de nos régions et apprécie principalement les écrevisse têtes de bassins. L’écrevisse à pattes rouges, bien plus rare, se retrouve essentiellement dans certaines régions de l’Est. Enfin, l’écrevisse de torrent, dont la présence est presque anecdotique et essentiellement limitée à quelques populations connues très localisées en Haute-Savoie, en Moselle et dans le Bas-Rhin… Cependant, les espèces introduites, pour certaines depuis plus d’un siècle, ont très largement colonisé notre réseau hydrographique. Aujourd’hui, ce ne sont pas moins de six espèces qui prolifèrent dans nos rivières, à l’image de l’écrevisse américaine, première arrivée sur notre territoire, l’écrevisse signal ou encore l’écrevisse de Louisiane… Elles sont aujourd'hui considérées comme invasives et se sont répandues rapidement à travers la France, notamment grâce à leur forte élasticité thermique et hydrologique.

De nature discrète

Quelle que soit l’espèce, ces invertébrés sont de nature très discrète en restant cachés sous des cavités, des cailloux, des racines... Ce caractère s’explique par leur sensibilité à la lumière impliquant donc une activité essentiellement nocturne. C’est souvent tôt le matin ou tard le soir que l’on prend véritablement conscience de l’abondance de ces crustacés dans une rivière ou un plan d’eau. Ce sont des animaux opportunistes omnivores au régime alimentaire très varié, qui se nourrissent d’invertébrés en tout genre, de végétaux, mais aussi d’animaux en décomposition. Suivant les espèces, la croissance est variable. Comme tous les crustacés, les écrevisses sont dans l’obligation de muer suivant leur grossissement. Cette étape qui s’observe plusieurs fois dans l’année est particulièrement périlleuse pour les écrevisses qui sont exposées en prédateurs sans aucun moyen de défense à cause de leur carapace en cours de « reconstruction ». Souvent, la reproduction a lieu en automne, le mâle féconde la femelle grâce à ses deux appendices reproducteurs : les gonopodes. La femelle pond ensuite les œufs qu’elle conserve précieusement à la surface de son abdomen durant plusieurs mois. L’incubation dure plusieurs mois pour une éclosion printanière. Les larves ne quitteront la femelle que plusieurs semaines plus tard, après avoir mué pour la première fois, et être ainsi devenues juvéniles, totalement formés et indépendants…

En langage moucheur, ça donne quoi ?

Une truite fario, qu’elle soit française, américaine ou néo-zélandaise, demeure une truite fario. Les « crayfish », comme les appellent les Anglosaxons, sont d’une efficacité redoutable sur les rivières et plans d’eau où elles prolifèrent. Dans plusieurs régions du globe, les écrevisses font l’objet d’imitations et d’approches spécifiques. Notre territoire possède à mon sens toutes les caractéristiques requises pour disposer de parcours sur lesquels les truites sont accoutumées à ce crustacé. Les coups du matin et du soir sont les périodes les plus propices à leur utilisation. D’ailleurs, de plus en plus de pêcheurs aux leurres recherchent la truite spécifiquement en utilisant des leurres souples imitant une écrevisse. Les contenus stomacaux et les différentes expériences montrent que les salmonidés ciblent principalement les petits sujets. Le rabbit ou le marabout permettent de réaliser assez facilement des imitations réalistes et très attractives. Privilégier les couleurs sobres et naturelles type olive marron ou roux. Pour coller avec la nage particulière de ces crustacés, il est bon de décentrer le poids sur la partie avant de l’hameçon en prenant soin de monter de façon inversée car l’écrevisse décampe toujours en reculant ! Sinon, un bon vieux Wooly-Bugger pourrait faire l’affaire. Bonne chance !