L’essentiel
Au fil des années la passion et le monde ont évolué. Sur les réseaux nous sommes submergés par les photos de nos « amis », de poissons de plus en plus gros venus d’on ne sait où, assortis de pleins de hashtags et de noms de marques. Au milieu de cela, il est parfois difficile de garder son âme d’enfant, de profiter de l’instant présent au bord de l’eau. Ne devrions-nous pas déconnecter en session et profiter pleinement de ce que nous offre la Nature ? N’est-ce pas déjà trop tard ?
Il y a encore 20 ans de cela, il fallait plusieurs jours voire semaines pour développer les photos prises lors d’une session, sans même avoir la certitude qu’elles soient réussies. La patience était l’une des vertus qu’on a oublié au fil du temps, au profit de l’immédiateté. Il en était de même lorsqu’on n’avait pas d’autre choix que de commander le matériel à l’étranger avec un catalogue aux références restreintes et espérer qu’il arrive, au mieux, 30 jours plus tard ! Avec le net, tout va vite, trop vite peut être. A peine le poisson est-il sorti de l’eau qu’il s’affiche sur des centaines d’écrans… On est habitué au « tout et tout de suite ». C’est surement l’une des raisons qui fait que le privé ait de beaux jours devant lui !
En quelques clics
Après le fast-food, l’Uberisation, tout vient à nous ! Assis dans notre fauteuil, on commande ce dont on aura besoin en matériel ou en appâts pour le weekend. Normal que ça s’étende à la pêche. De moins en moins de personnes ont envie de braver l’attente, la patience est ringardisée par les pêches rapides dans des lieux où les poissons sont surdensitaires. A croire que tout s’accélère. Une partie des néopêcheurs n’a plus le temps, ou ne le prend tout simplement plus, de réaliser des amorçages. Certains tronçons de rivière ou lacs sont oubliés, désertés. Certes, cela fera le bonheur de quelques irréductibles mais n’y a-t-il pas là un malaise ? Ou devons-nous, en vieux dinosaures, nous adapter à cette tendance ?
Il y a une décennie ou deux, les pêcheurs qui allaient dans le privé étaient lapidés sur les réseaux. Autres temps autres mœurs, si aujourd’hui les centres de pêche se sont multipliés sur le territoire, c’est bien pour répondre à la demande grandissante des nouveaux carpistes à la recherche de sensations plus accessibles, de confort et parfois même de sécurité. Au final, les gros poissons fleurissent sur la toile.
Et le public ?
Les départements où les plans d’eau privés sont nombreux sont plus touchés par cet abandon du domaine public, c’est flagrant en période estivale. Ne faudrait-il pas se poser les bonnes questions ? Est-ce que les fédérations de pêche et AAPPMA ne devraient pas répondre à cette nouvelle attente en proposant, par exemple, de nouveaux parcours de pêche de nuit, pourquoi pas des toilettes sèches sur les parcours les plus fréquentées, favoriser l’accès aux chemins de halage, ou tout simplement booster le cheptel de certaines eaux où ne poussent « naturellement » que des saucisses avec des miroirs à fort potentiel ? Bref développer l’halieutisme. Certaines fédérations pilotes ont su mettre en avant leur patrimoine et attirent un grand nombre de pêcheurs de carpe au fil des saisons, comme quoi c’est faisable. Certains lieux du circuit sont toujours autant prisés, mais bien d’autres le mériteraient tout autant voire plus.
Tel un gamin
Pêcheur du domaine privé ou du public, peu importe à mes yeux si les lieux sont « propres ». Même si ce sont des visions parfois complètement différentes, des défis d’un autre genre, il s’agit toujours de pêche, et comme on dit, il en faut pour tout le monde. Respectons les choix de chacun. L’important c’est que tout le monde s’y retrouvre, de prendre du plaisir au bord de l’eau et d’avoir un grand sourire et les yeux qui brillent quand on relâche un poisson, qu’il soit petit ou grand.
Christophe Courtois
Rédacteur en chef