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La continuité écologique des rivières, un pari bien difficile

Le concept d’une continuité écologique rétablie sur les cours d’eau consiste à faire en sorte que les poissons et les sédiments puissent y circuler naturellement de nouveau sans entrave. Mais atteindre ce résultat est une mission difficile sachant que sont présents sur l’ensemble du territoire plus de soixante mille seuils ou barrages.

L’importance des cours d’eau dans le développement économique d’une vallée, voire d’une région, n’est pas nouvelle. Seuils de moulins ou d’irrigation, barrages hydroélectriques, écluses pour la navigation… il est rare de trouver un cours d’eau vierge de tout obstacle aux déplacements des poissons.

Prise de conscience

Or, ces derniers ont besoin de se déplacer au cours de leur vie, et pas seulement les grands migrateurs. De nombreuses espèces ont aussi besoin de migrer pour atteindre des habitats nécessaires à leur reproduction ou à leur croissance, mais aussi parfois pour trouver des zones refuges, comme lors des canicules récentes par exemple. Symbole des espèces migratrices, le saumon a payé un lourd tribut à l’équipement de nos rivières. Mais, compte tenu de son importance économique et sociale, il a été à l’origine d’une première prise de conscience. Par exemple, dès le début du XXe siècle, un décret a rendu obligatoire la construction de dispositifs de franchissement. En 1980, une loi introduisait la notion de rivière réservée dans laquelle aucune nouvelle usine hydroélectrique ne peut être construite.

L’installation de buses doit être parfaite pour qu’elles ne constituent pas des obstacles à la circulation des poissons. 
Crédit photo : Marc Delacoste

Dans les cinq ans...

En 1984, la loi Pêche renforce les possibilités d’imposer des dispositifs de franchissement au niveau des barrages de certains cours d’eau. La libre circulation devait alors être rétablie dans les cinq ans suivant la publication d’une liste des espèces concernées (saumon, truite de mer, fario, brochet, anguille…). Mais cette libre circulation n’est malheureusement pas toujours rétablie. Dans nombre de rivières, les poissons attendent toujours… Depuis la directive-cadre sur l’eau (DCE), cette notion de libre circulation est intégrée dans celle de continuité écologique qui, elle, va bien au-delà du seul rétablissement des possibilités de migration. Elle comprend également le rétablissement du transport sédimentaire ainsi que celui d’une hydrologie proche des conditions naturelles.

Les salmonidés ont besoin de graviers propres et renouvelés sur leurs frayères pour bien se reproduire. 
Crédit photo : Marc Delacoste

Avec les crues

Ces transports sédimentaires ne sont pas continus comme l’est celui de l’eau. Très variables d’un cours d’eau à l’autre, ils s’effectuent principalement lors des crues. Les plus importants s’observent dans les cours d’eau de montagne dans lesquels les processus érosifs alimentent les rivières en quantité de matériaux. Chaque crue, selon son importance et sa durée, va ensuite remobiliser ces matériaux et les transporter sur des distances plus ou moins longues… tant qu’aucun obstacle ne les arrête, bien sûr. De nombreux ouvrages bloquent en effet tout ou partie de ces sédiments, ce qui peut entraîner un déficit en aval puisque le flux naturel a bien été interrompu.

Une accumulation

Plusieurs petits obstacles sur un même cours d’eau peuvent avoir autant d’effet qu’un grand. Pris séparément, chacun provoque un impact limité en arrêtant une partie des poissons, par exemple. Mais trop nombreux, leur effet cumulé est significatif. Prenons par exemple le cas d’ouvrages qui bloquent 20% des poissons. On peut trouver que cet impact est acceptable. Mais au bout de cinq de ces obstacles, un tiers des poissons seulement sera passé.

Les barrages vont empêcher le transport des sédiments qui vont manquer aux parties aval du cours d’eau.
Crédit photo : Marc Delacoste

Frayères et habitats

Or, ces sédiments sont très importants, constituant les frayères de nombreuses espèces de salmonidés. S’ils ne sont pas renouvelés régulièrement, les reproductions peuvent être perturbées. Les sédiments constituent également l’habitat d’une multitude d’invertébrés (insectes, mollusques, crustacés), nourriture essentielle pour les poissons. C’est aussi dans ces sédiments que se déroulent une bonne part des processus d’autoépuration de l’eau, qui diminuent naturellement les pollutions. On voit combien le blocage de ces matériaux peut avoir de très fortes répercussions.

Ouvrir les vannes à des moments très bien choisis permet de laisser passer les poissons. Cela évite par ailleurs de très coûteux investissements.
Crédit photo : Marc Delacoste

L'érosion des berges

Le blocage des sédiments peut aussi entraîner d’importants phénomènes d’érosion. La rivière a en effet besoin de transporter des matériaux pour dissiper une partie de son énergie. Si ceux-ci n’arrivent pas de l’amont, elle a tendance à les chercher sur les berges (érosion latérale) ou encore dans son lit (phénomène d’incision et d’enfoncement du lit). Cela peut, dans certains cas, déstabiliser routes et ponts. Le rétablissement du transport sédimentaire est donc bien plus qu’une simple lubie écologiste ! Mais restaurer ce transport n’est pas simple. Si des solutions peuvent être trouvées pour les seuils et petits barrages, les grands barrages posent des problèmes infiniment complexes. Dans leurs lacs, on observe en effet un classement des matériaux en fonction de leur poids. Les plus grossiers, nécessaires à la biologie des poissons, sont situés en tête de la retenue. Les plus fins, qui se déposent les derniers, près du barrage, sont souvent les seuls à être remobilisés lors d’une ouverture de vanne. Or, ils posent problème lorsqu’ils sont en excès, colmatant les frayères et l’ensemble du lit. Restaurer le transport sédimentaire est donc difficile pour les gestionnaires.

Pour fonctionner correctement, une passe à poissons doit être entretenue avec soin. 
Crédit photo : Marc Delacoste

Mauvais rendement

Les moyens permettant de restaurer la circulation des poissons sont plus connus. Mais entre les aléas liés à leur réalisation, leur évolution dans le temps qui leur fait perdre une partie de leur efficacité et leur manque d’entretien chronique, ces dispositifs sont loin de fonctionner de façon optimale. On estime que 45% des passes à poissons sont d’une efficacité faible ou nulle. Le meilleur des équipements sera toujours moins bon qu’une absence d’obstacle. L’effacement est donc à envisager aussi souvent que possible mais plus délicat à finaliser dès que l’obstacle a un réel usage. L’expérience montre qu’il faut vraiment que le bilan intérêts-inconvénients soit déséquilibré pour que l’effacement soit accepté.

D’objet divers, plus de 60000 seuils et barrages morcellent nos rivières.
Crédit photo : Marc Delacoste

Une tâche immense

Enfin, lorsque le coût d’un dispositif de franchissement est disproportionné par rapport à l’usage de l’obstacle, une solution intermédiaire consiste à ouvrir les vannes périodiquement, pendant les périodes de migration des poissons. La restauration de la continuité écologique reste un objectif ambitieux. Mais, compte tenu du nombre d’ouvrages qui barrent nos rivières, la tâche s’annonce immense, longue, compliquée et coûteuse. L’enjeu est cependant de taille et le couperet des sanctions financières prévues en cas de non-atteinte de ces objectifs ne sera sans doute pas de trop pour faire avancer les choses.

L'impact des seuils

Les seuils sont sans effet sur les crues mais jouent un rôle important vis-à-vis du réchauffement de l’eau qui stationne en amont, renforçant l’évaporation et aggravant ainsi les étiages. Ils peuvent aussi concentrer des pollutions et créer des zones d’eutrophisation trop importantes. Une succession de petits seuils peut être particulièrement dommageable dans les parties basses des rivières à truites, où les salmonidés sont à la limite de leur aire de répartition et où un réchauffement, même modeste, peut rendre la zone impropre à leur survie.

 

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