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Sébastien Vidal, "El bambino" de l'équipe de France

Continuons notre série d’interviews des membres de notre équipe de France de pêche à la mouche avec le second ariègeois du groupe Sébastien Vidal. Chose incroyable, Sébastien était dans le même lycée que notre capitaine Sébastien Delcor dont nous avons déjà parlé. Les deux compères se sont retrouvés ensuite au club mouche de L’Ariège et on peut dire que Sébastien Delcor a mis le pied à l’étrier à son ami qui n’aurait sans doute pas commencé la compétition sans lui. Les deux hommes viennent du même endroit, ont beaucoup pêché ensemble et sont tous deux parmi les tous les meilleurs pêcheurs de salmonidés au monde aujourd’hui. Une belle amitié pyrénéenne qui n’a pas fini d’écrire son histoire en compétition. Portrait d’un grand champion et homme de valeurs très impliqué dans la vie associative depuis son plus jeune âge, un exemple à suivre.

COMMENT, OÙ ET À QUEL ÂGE AVEZ-VOUS COMMENCÉ LA PÊCHE À LA MOUCHE ?
Sébastien Vidal : J’ai eu la chance de naître au cœur des Pyrénées, dans le département de l’Ariège et de grandir à quelques mètres de la rivière Ariège. Dans ma jeunesse, à la campagne, il fallait savoir profiter de la nature qui nous entourait. À 5 ans, j’ai pris ma première carte et j’ai commencé à pêcher cette grande rivière au toc avec mes copains, à l’aide d’un bouchon toulousain dans un premier temps, puis d’une canne anglaise de 3,90 m, petit rigoletto, bas de ligne fin, hameçon de 16 et de deux asticots que l’on achetait au bureau de tabac du village. J’ai ensuite eu la chance de rencontrer la personne qui m’a permis de découvrir et de connaître une multitude d’autres contrées. J’étais tout le temps avec lui, jusqu’à passer des séjours entiers sous la tente au bord d’un lac de montagne. La voiture et la maison de Claude Delpy ont été mon refuge jusqu’à ma majorité. À tel point que les gens du village pensaient que c’était mon père ! Vers mes 12 ans, alors que j’avais l’impression d’avoir fait le tour de la technique de la pêche à la mouche, j’ai rencontré au bord de l’eau un bonhomme qui la pratiquait. Je l’ai regardé faire, assis depuis la berge et là, ce fut la révélation. Je suis rentré chez Claude et je lui ai raconté. Par chance, il connaissait cet homme. Nous avons ensuite sympathisé, il nous a mis le pied à l’étrier. Il nous a conduits des dizaines de fois au coup du soir sur l’Ariège, aux alentours de Varilhes. Il nous a aussi appris à monter les mouches, car le rêve d’un enfant de mon âge, c’était de prendre une truite avec sa propre mouche. Tous les trois, nous avons ensuite monté le club mouche de l’Ariège, j’avais 15 ans. C’est là que tout a commencé. Jusqu’à mes 20 ans, toutes mes sorties se résumaient à la pêche en sèche en torrent, rivière et lacs de montagne.

Sébastien pêche fin et sa maîtrise du combat avec un poisson est parfaite
Crédit photo : Laurent Guillermin

QUAND ET POURQUOI AVEZ‑VOUS COMMENCÉ LA COMPÉTITION ?
S. V. : Au départ, notre club était simplement un club de débutants où l’on se retrouvait pour parler pêche, monter des mouches et organiser des sorties en rivière, puis en réservoir. Au bout de quelques années, le club a grandi et certains membres se sont lancés dans la compétition. Sébastien Delcor en faisait partie. On se connaissait du lycée, c’était mon idole au baby-foot, mais nous ne savions pas que nous avions la pêche à la mouche comme passion commune ! À notre âge, c’était peut-être un peu la honte de parler de pêche au lycée… À ce moment-là, je commençais à toucher du doigt toutes les techniques et notamment la sèche-nymphe et la nymphe. J’avais soif d’apprendre et une grande envie de progresser, mais l’idée de me lancer dans la compétition ne m’avait jamais frôlé. Jusqu’au jour où Seb, après de multiples tentatives, m’a convaincu qu’il fallait que je me lance. J’ai toujours eu besoin de me mesurer aux autres, c’est alors que j’ai décidé d’arrêter le football pour tenter ma chance en promotion nationale rivière. J’ai rapidement eu de bons résultats jusqu’à atteindre assez vite la première division. Quelques années plus tard, j’ai fait de même pour le réservoir.

Portrait de notre champion, un homme chaleureux et souriant toujours prêt à partager sa passion et son savoir
Crédit photo : Laurent Guillermin

QUELS SONT VOTRE PALMARÈS ET VOTRE ÉVOLUTION EN COMPÉTITION ?
S. V.
: Grâce à la régularité de mes résultats au plus haut niveau français pendant plusieurs années, j’ai intégré l’équipe de France en 2015 pour participer à mon premier championnat d’Europe en Italie. Seb était le capitaine. Nous avons fini vice-champion d’Europe par équipe ! Depuis, je compte six participations internationales pour quatre médailles par équipe, deux en argent aux championnats d’Europe et deux en or aux championnats du monde. J’ai également été vice-champion d’Europe individuel en 2017 en République tchèque.

Sébastien change souvent le poids de ses nymphes et la longueur de sa pointe pour être toujours le plus précis possible dans ses dérives.
Crédit photo : Laurent Guillermin

QUEL EST VOTRE SURNOM EN ÉQUIPE DE FRANCE ET POURQUOI ?
S. V
. : Dans le monde de la pêche à la mouche, la plupart des gens me connaissent sous le nom de « Bambino ». Ce surnom me suit depuis mon premier championnat d’Europe, dans les Dolomites, en Italie. Robert Escaffre était notre manager, il nous avait trouvé un superbe chalet au cœur de la forêt pour notre semaine d’entraînement. Le soir, dès que nous rentrions de nos sessions d’entraînement, nous allions dîner dans un petit restaurant du village, au pied de la piste forestière qui menait à notre gîte. En attendant le repas, nous faisions le débriefing de la journée afin de profiter de la soirée pour monter des mouches. Il y avait une serveuse, peut-être même la gérante du bâtiment, une dame d’un certain âge, très aimable, avec une immense joie de vivre. Le premier soir, elle est venue vers nous, comme si elle nous connaissait depuis des années. Robert a alors tenté de lui expliquer, en espagnol (allez savoir pourquoi!) et avec une gestuelle digne d’un grand maestro, ce qu’il faisait là, accompagné de six « jeunots », et nous a présentés brièvement les uns après les autres. Arrive mon tour où il lui fait comprendre que j’étais le plus jeune de l’équipe. Et là, avec un grand accent italien, elle me regarde dans les yeux, me prend dans ses bras, me serre très fort et hurle « el bambino »! Tout le monde a éclaté de rire dans le restaurant… Bref c’était un sketch…

Une belle fario sauvage prise dans des conditions particulièrement difficiles : vent, froid, cormorans…! Je peux vous dire qu’il fallait aller la chercher celle-là !
Crédit photo : Laurent Guillermin

QUEL EST VOTRE MEILLEUR ET PIRE SOUVENIR EN COMPÉTITION ?
S. V
. : Mon meilleur souvenir, c’est de loin la première manche lors de mon premier championnat du monde en Slovaquie en 2017. C’était sur la Poprad, une rivière canalisée qui ne donne aucune envie d’y tremper une mouche. En réalité, c’est une rivière artificielle composée d’une succession de plats et de chutes d’eau. Lors du repérage de cette rivière, au cœur d’un village, au pied d’une de ces chutes d’eau, il y avait une trentaine de grosses truites arc-en-ciel que notre guide avait fait sortir en jetant des morceaux de pain. Visiblement, le coin était connu des locaux. En rigolant, toute l’équipe n’arrêtait pas de me chambrer en disant que ce parcours serait le mien pour la compétition. Bien entendu, lors du tirage au sort, ce parcours est devenu le mien. J’étais très confiant puisque nous avions évidemment préparé cette possibilité. Sauf que rien ne s’est passé comme prévu. Au bout d’une demi-heure de pêche, je n’avais pas eu la moindre touche. La pression montait, d’autant que Robert était sur le bord pour me surveiller, il essayait de m’aider en me donnant des conseils, mais sans le vouloir, il me faisait perdre tous mes moyens… Chaque fois que je levais la tête, les 2 ou 3 compétiteurs que je voyais au-dessus de moi avaient un poisson dans l’épuisette. Mentalement c’était terrible ! Le vent puissant ne facilitait pas la pêche. Au bout d’une petite heure de pêche, je n’avais qu’un poisson sur la feuille de marque. C’est à ce moment-là que j’ai envoyé Robert poliment sur les roses pour me reconcentrer et changer totalement de pêche, jusqu’à finalement trouver le truc qui m’a permis de gagner la manche. J’étais très mal parti, mais au final j’ai coiffé tout le monde ! Quel souvenir ! Mon plus mauvais souvenir est au cours d’une manche lors de mon second championnat du monde, quand l’arbitre ne savait pas remplir la feuille de marque. Incroyable mais vrai ! Il mesurait correctement le poisson, mais n’arrivait pas à faire correctement la conversion de centimètres en millimètres pour l’inscrire sur la feuille. J’ai dû me battre comme un lion pour essayer de le lui expliquer. Il a même fallu l’aide de Robert et du responsable de secteur pour qu’il comprenne. De colère, j’en avais cassé une canne en fouettant contre un caillou. Et le pire n’est pas là, j’étais à la fin de mon parcours quand je regarde ma montre. Il me restait un peu de temps alors je décide de refaire le bas de mon parcours. Je pars comme un fou en courant sur la berge, l’arbitre me suit. Tout à coup j’entends un grand plouf derrière moi ! Il était entièrement tombé dans l’eau, je ne voyais plus que sa casquette. Surpris, il était complètement tétanisé dans l’eau glacée de la Sarca. J’ai dû aller l’aider à sortir de l’eau en le tirant sur la berge. Il venait de finir de me pourrir la manche… Heureusement que je ne suis pas rancunier. Il m’aura tout fait celui-là !

Le Lieutenant avec son capitaine, les deux Sébastien, nos deux Ariégeois, unis dans la victoire, avec ces deux-là nous pouvons aller à la guerre!
Crédit photo : Laurent Guillermin

QUEL EST VOTRE MEILLEUR ET PIRE SOUVENIR DE PÊCHE HORS COMPÉTITION ?
S. V. : Meilleur souvenir : une après-midi de pêche en sèche sur la Dourbie, il y a deux ans. C’était au mois de mars, il faisait un temps à rester au coin de la cheminée (froid et pluie). J’étais à deux doigts de rentrer à la maison, quand une éclosion de march brown est apparue, mettant en activité tous les poissons de la rivière. Je ne savais plus où regarder, tellement il y avait de gobages. Au final, j’ai pris une cinquantaine de poissons ! C’est le froid et l’humidité qui m’ont fait partir, sinon j’y serais encore ! Je grelottais tellement que j’arrivais tout juste à me déshabiller. Mais quelle partie de pêche ! Pire souvenir : un poisson de plus de 90 cm attaqué à vue sur l’Ariège. Je marchais le long d’une berge très abrupte, quand j’aperçois perpendiculaire à un arbre immergé, un monstre qui me gobe sous le nez. Sur le moment, je croyais être dans un rêve. Je refais ma pointe avec le plus gros fil que j’avais sur moi (du 14/100), j’attache une pheasant tail avec une tête en cuivre et d’un lancer arbalète je lui présente ma mouche. Au troisième lancer, je la vois se décaler et ouvrir la gueule mais au moment de ferrer, il y avait une branche au-dessus de ma canne qui m’a empêché de ferrer correctement. Le poisson s’est piqué mais pas assez pour le ramener. C’était le poisson de ma vie ! J’y suis revenu peut-être cent fois, je ne l’ai jamais revu…

Photo souvenir du dernier championnat du monde remporté en Tasmanie, un très grand moment pour Sébastien comme pour toute l’équipe
Crédit photo : Laurent Guillermin

QUELLE EST VOTRE TECHNIQUE DE PÊCHE PRÉFÉRÉE ET POURQUOI ?
S. V.
: Sans hésitation, la pêche à vue dans les lacs de montagne. Que ce soit en sèche ou avec de toutes petites nymphes légères, j’adore cette pratique qui demande observation, précision, finesse et discrétion. Le tout dans un cadre exceptionnel et après un long temps d’approche. Quel bonheur de pouvoir traquer un poisson qui maraude dans les bordures sous la surface en quête de nourriture ! Chaque année, il me tarde davantage que ce soit l’ouverture des lacs d’altitude au mois de mai que celle du mois de mars.

Sébastien a pu découvrir la pêche en mer tropicale lors d’un séjour en Polynésie l’année dernière, ce fut une révélation et l’appel des flats va être fort maintenant
Crédit photo : Laurent Guillermin

QUEL EST VOTRE COIN DE PÊCHE PRÉFÉRÉ EN FRANCE ET À L’ÉTRANGER ?
S. V. : En France, nous avons une multitude de rivières d’exception avec encore beaucoup de poissons sauvages. Ce qui, pour moi, rend la pêche passionnante. Je pense notamment à l’Ariège, le Vicdessos, l’Adour, les Nives, la Dordogne, l’Ubaye, la Clarée, le Tarn, la Dourbie, l’Orb et bien d’autres. Toutes différentes mais tellement belles ! Pour les lacs, nous avons aussi énormément d’endroits extraordinaires mais si j’en avais un à retenir, ce serait le site des Bouillouses dans les Pyrénées-Orientales qui possède un très grand nombre de lacs d’altitude proches les uns des autres et facilement accessibles. À la bonne saison, ces lacs regorgent d’activité, notamment dans les bordures. Pour ce qui est de l’étranger, je rêve de revenir en Tasmanie pour continuer à explorer la multitude de lacs que possède ce pays d’exception, que ce soit en barque ou du bord. Nous avons passé un séjour inoubliable lors de notre dernier championnat du monde, avec de magnifiques spécimens de truites farios au cœur d’une nature préservée et unique au monde.

Les mouches fétiches (1/2) : une oreille de lièvre. Hameçon : JMC DR 40BL - Fil de montage : JMC 14/0 beige - Cerques : 5/6 fibres de coq pardo - Corps : dubbing très fin d’oreille de lièvre naturel cerclé d’un fil de cuivre très fin - Ailes : Paradry JMC rose fluo avec 6 ou 7 tours d’un hackle de coq gris dun 
Crédit photo : Laurent Guillermin

QUEL VOYAGE(S) RÊVEZ-VOUS DE FAIRE OU QUEL(S) POISSON(S) RÊVEZ-VOUS DE PÊCHER ?
S. V. : J’ai goûté l’année dernière à la pêche à la mouche en mer lors d’un voyage en Polynésie française. J’ai vraiment adoré ! C’est inimaginable comment un poisson peut tirer aussi fort, que ce soit une carangue, un barracuda, un mérou ou un bec de cane… Ce sont de véritables fusées. Bien évidemment je rêve de retenter ma chance sur les flats à n’importe quel endroit du monde à la recherche de bonefishes, tarpons ou autres permits… ou tout simplement en France, sur des chasses, pour traquer le thon rouge ou le bar à la mouche !

Les mouches fétiches (2/2) : la Delpy. Hameçon : JMC DR 40BL - Fil de montagne : JMC 14/0 noir - Bille tungstène cuivre : 2,3 à 3 mm - Cerques : 5/6 fibres de coq pardo - Corps : fil de montage cerclé d’un tinsel holographique JMC vert - Torax : dubbing de lièvre fin noir
Crédit photo : Laurent Guillermin

QUE PEUT-ON VOUS SOUHAITER POUR LA SUITE ?
S. V. : En tant que compétiteur, je souhaiterais revivre des moments aussi magiques, palpitants et riches en émotions que ceux que nous avons vécus avec les copains de l’équipe au dernier championnat du monde en Tasmanie. Commencer par un mauvais départ, arriver à redresser le tir, avec une de nos grandes forces qu’est le travail d’équipe et en ne laissant aucun détail pour finalement s’imposer sur le fil. Que c’était bon ! J’aimerais aussi rester au plus haut niveau encore quelques années avec les copains du pôle France qui sont maintenant devenus de vrais amis. Chose tout aussi importante, en tant que passionné de pêche investi dans une Aappma depuis mon plus jeune âge, j’aimerais que le loisir pêche en France se développe dans le but de satisfaire l’ensemble des pêcheurs, du débutant qui recherche du poisson « facile » au plus confirmé en quête d’une pêche de qualité. Ceci en proposant des parcours spécifiques avec du poisson de remise et surtout en gardant la majorité du linéaire d’un cours d’eau en gestion patrimoniale. Sans oublier une réglementation digne du XXIe siècle, qui s’attache à restaurer et à protéger au maximum le milieu naturel afin que la souche sauvage puisse se développer correctement. En bref, mettre en œuvre une politique cohérente pour le développement de la pêche dans le respect des milieux et des espèces, et bien évidemment dans la bonne humeur !

Les membres de l'équipe de France dans Pêche Mouche :
Grégoire Juglaret
Lionel Fournier
Laurent Sentenac
Pierre Kuntz
Sébastien Vidal
Jean-Benoît Angely

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