Même si je pratique le no-kill à 100% quelle que soit l’espèce, rappelons que cela reste une question de conviction personnelle. Je respecte évidemment le choix de chacun, même si j’ai ardemment milité au début des années 2000 pour qu’à l’image de la fenêtre de capture qui existait déjà en Belgique, soit instaurée une maille inversée pour préserver les carpes spécimens.
Petit poisson deviendra grand
Ne nous leurrons pas, si les carpistes, comme les autres pêcheurs sportifs, remettent à l’eau leurs prises, c’est aussi dans l’espoir de reprendre de plus gros poissons. « Petit poisson deviendra grand, pourvu que Dieu lui prête vie », même si, comme l’a écrit La Fontaine, « l’un est sûr, l’autre ne l’est pas » ! Cela reste un dilemme entre pratique nourricière et pêche de loisir. Les nombreux plans d’eau privés où le poisson reste propriété du gestionnaire ont tranché depuis bientôt quarante ans en imposant le no-kill. Cette pratique explique en grande partie les tailles records que peuvent désormais atteindre nos prises. Si capturer une carpe de plus de 20 kg était exceptionnel au début du siècle dernier, les sujets de plus de 30 sont désormais presque devenus « monnaie courante ». Le record de France est de 44 kg (lac du Der) et le record du monde culmine à 51,2 kg dans un plan d’eau privé de Hongrie.
La barre à 60 cm
L’idée fait donc son chemin, en partie du moins. Le législateur a validé fin 2006 la proposition de la FNPF interdisant de transporter les carpes vivantes de plus de 60 cm. Cela permet de reconnaître comme une infraction le trafic de poissons spécimens, mais n’impose pas le no-kill des poissons trophées comme avec une fenêtre de capture ou une maille inversée en dessous de 60 cm. Cela étant, si vous souhaitez relâcher vos prises, voici quelques conseils pour préserver au mieux leur intégrité. Comme tout risque que l’on souhaite minorer, rien de mieux que de le réduire à la source.
Comment bien procéder ?
Utilisez des montages sécuritaires afin d’éviter qu’en cas de casse le poisson traîne beaucoup de fil. Choisissez donc un bas de ligne moins résistant que le corps de ligne, des hameçons avec des micro-ardillons, enfonçez peu le manchon sur le clip plomb pour ne perdre que le lest s’il est bloqué au fond et, surtout, évitez d’aller chercher les carpes trop près des obstacles ! Il vaut mieux n’avoir qu’une touche et sortir le poisson dans un endroit dégagé que d’en avoir cinq et en perdre quatre. Limitez raisonnablement la durée du combat pour ne pas épuiser à l’excès le poisson. Cela nécessite un peu d’autorité et un diamètre de fil adapté.
Nageoires et mucus
Lorsque le poisson est dans l’épuisette, ôtez l’hameçon pour qu’il ne se prenne pas dans le filet et augmente les blessures. Faites une légère pression perpendiculairement à la pointe pour dégager l’ardillon des chairs. Redoublez de prudence avant de soulever l’épuisette ! En effet, hors de l’eau, le poisson n’est plus supporté par la poussée d’Archimède et la totalité de son poids repose sur ses nageoires qui, bien évidemment, ne sont pas prévues pour cela. Il convient de déboîter les deux bras de l’épuisette, de passer sa main de la tête vers le ventre du cyprinidé pour s’assurer que les pectorales soient bien collées au corps avant de rouler un peu le filet sur les bras et de le soulever. Cela s’entend si vous souhaitez peser le poisson et le photographier hors de l’eau. Sinon, il est plus simple de prendre la photo dans l’eau, avec des waders. Autre solution, plutôt que de soulever l’épuisette qui n’assure pas toujours une bonne prise, glisser là dans un « brancard » (traduction de « retention sling ») que vous emmènerez sur la berge jusqu’au matelas de réception préalablement mouillé. Soulevez délicatement la carpe en retirant l’épuisette vers la queue, et non à « rebrousse écailles » pour justement préserver sa belle écaillure (et non écaillage, action d’ôter les écailles).
Écourtez la séance photo
En respectant ces quelques conseils, vous préserverez la beauté du poisson au-delà de la photo. Il n’est plus utile de trimballer la dépouille dans la cuisine pour en conserver le souvenir, comme cela se faisait jusque dans les années 1970-1980. Je ne juge pas, autres temps autres mœurs, que notre magazine a aussi contribué à faire évoluer en ne diffusant plus de photos morbides. Durant la séance, maintenez tapis et poisson humides et reposez la carpe sur le flanc pour préserver ses organes internes. Faites à nouveau attention à ses nageoires avant de lui rendre sa liberté en vous aidant du brancard ou du tapis.
Comment prendre un « selfish » ?
Si vous êtes seul, vous pouvez toujours demander à un passant de prendre la photo, mais vérifiez le résultat avant de relâcher le poisson de votre vie ! Le carpiste est souvent d’humeur solitaire. Il est possible d’utiliser un appareil photo numérique, un Smartphone ou une caméra sport, style GoPro. Utilisez un trépied, réglez le cadre et, au besoin, la profondeur de champ. Choisissez un fond naturel, en évitant le contre-jour ou élément disgracieux. Le plus pratique est d’avoir une vision de l’écran, comme pour un selfie. Vous pouvez aussi utiliser le retardateur avec un délai de dix secondes, l’intervallomètre, voire la fonction « time laps » capturant une photo toutes les trois ou cinq secondes. Vous pouvez même f ilmer et extraire ensuite une image que vous nous enverrez pour la rubrique « Belles Prises ».